Et vous, de quelle monnaie faites-vous usage ?

Marmota

Jeune bulbe
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22/4/13
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Région Centre
Les Français sont nostalgiques du franc.
Ils n’aiment pas l’euro et rechignent à l’utiliser.
La preuve en est qu’une monnaie parallèle s’est introduite dans le circuit monétaire et tend à supplanter l’euro : il s’agit du heuro.

Oui, Mesdames et Messieurs, le heuro est partout !
Ecoutez les membres de votre famille, vos amis, vos voisins, les commerçants et les consommateurs, les journalistes et les publicitaires, les célébrités en tous genres, nos représentants politiques y compris : presque tous parlent impunément du heuro, avec un hiatus béant entre le montant et la monnaie, affublant d’autorité le mot « euro » du même « h » aspiré que celui du ‘’héros, du ‘’haddock ou du ‘’hot-dog !
Ainsi vous annonce-t-on sans vergogne que vous devez 22 ‘’heuros 47 ou 53 ‘’heuros 95 ; ainsi se réjouit-on quotidiennement, par ces temps de crise, de ce qu’une prestation coûte moins de 100 ‘’heuros ; ainsi les sommes de 20 ‘’heuros ou de 80 ‘’heuros sont-elles monnaie courante ; et force nous est de tolérer que le traitement minimal dans la fonction publique soit actuellement compris entre 1 300 et 1 400 ‘’heuros.
Au-delà de certaines sommes toutefois, l’euro circule à nouveau avec élégance et fluidité : je n’ai encore jamais entendu personne déclarer que la dette de l’Etat s’élevait à plus de 91 milliards de
‘’heuros, par exemple. Pour le coup, ça risquerait d’attirer l’attention.

La vérité est que les Français sont non seulement brouillés avec l’euro, mais plus encore embrouillés par les règles de leur propre langue, sur lesquelles il n’est pas facile de s’accorder, je vous l’accorde. Le franc mettait tout le monde d’accord en réduisant au silence les liaisons, que l’avènement de l’euro a rendues dangereuses… Car ceux qui se hasardent désormais à en tenter une tombent souvent dans le piège des cent ‘zeuros ; or il se trouve qu’aujourd’hui, pour cent ‘teuros, t’as plus rien, et que quand on est sans euro, autant dire qu’on est sans un rond. Par conséquent, « Dans le doute, abstiens-toi ! » Telle est devenue notre devise.

En quête d’un allié, j’ai un jour fait part de ces réflexions à mon père, instituteur en retraite s’autorisant lui-même, de temps à autre, à avoir recours au heuro pour estimer la valeur des choses.
« On n’est pas obligé de faire la liaison », m’a-t-il simplement répondu.
Désarmée par la parole paternelle doublée de l’aura de l’Education Nationale, j’étais prête à capituler. C’était sans compter sur la résistance de mes terminaisons nerveuses.
Papa, tu m’as appris l’orthographe et transmis la passion du Verbe, le mal est fait : je ne baisserai pas la garde.
Taïaut ! Ce n’est pas parce que le budget de la nation est déficitaire qu’il faut supprimer les Z de l’Etat et passer les T à l’ombre !
En effet, on continue à fêter le plus naturellement du monde les 2 zans du petit dernier, puis, quelques années plus tard, ses 20 tans, qui précèdent de peu les 80 zans de son grand-père et les 100 tans de son arrière-grand-mère ! Par ailleurs, personne ne sera choqué d’entendre que l’entreprise Peugeot existe depuis un peu plus de 200 zans, et il n’est venu à l’idée d’aucun journaliste ni d’aucun historien de parler des 1 300 ‘’hans du Mont-Saint-Michel, mais bien de ses 1 300 zans !

Faisons confiance aux années : elles nous apportent la justesse en matière de liaisons.

ERADIQUONS LE HEURO !
Voici un outil infaillible qui vous permettra de ramener du même coup les faux-monnayeurs à l’usage de l’euro, et vos contemporains au bon usage de la langue française.
Découpez-le et pliez-le pour pouvoir le glisser dans votre portefeuille, avec votre carte de crédit.

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Ha ha c'est rigolo!
Dans le genre super-accord-syntaxe, dans mon coin on dit très facilement:
prends moi z'en, donne moi z'en, fais z'en pas trop....
 
M'en fous, je parle en pounds. ^^

Sinon, plus sérieusement, excellent texte et excellente remarque et effectivement, je crois que j'utilise les euros et les heuros. Mais j'ai jamais trop fait gaffe à quand j'utilisais les huns et les hautres. ^^
 
Euh, Marmota, c'est en plein dans mon champ professionnel. Je voudrais pas faire un cours mais ce que tu expliques, c'est de l'ordre de ce qu'on appelle "la variation", ça a toujours existé, ça existera toujours et ce n'est pas grave, c'est même vecteur de liberté. La langue, c'est d'abord de l'oral. Les "liaisons" partout, c'est dû à une hypercorrection engendrée par la référence absolue à l'écrit si bien qu'en situation de lecture "surveillée", quelqu'un est capable de te coller mille liaisons où il n'en mettrait absolument pas à l'oral quitte à faire des pataquès, cuirs et velours. Alors, franchement, cette tyrannie de la liaison a tout prix parce-que c'est plus "élégant", c'est de la propagande bourgeoise et réactionnaire.
Comment dit-on "dans un puits" ? La norme prescriptive bourgeoise de Grévisse dira (dans z un puits) bien évidemment mais en Poitou, il est fréquent d'entendre (dan in puits) et alors ?
Que cela soit de la variation diatopique, diastratique, diamésique ou diaphasique, elle est légitime, peu importe, la langue n'est pas figée dans une norme arbitraire qui se réfère à l'écrit.

Bon désolé, je me laisse emporter par ma déformation professionnelle. Je pourrais vous écrire un roman...

Une remarque : on dit "des héros" avec hyatus mais bien "des héroïnes" avec liaison, n'est-ce pas ? Pourquoi ?
Ça vous choque "des z-haricots", pourtant, c'est fréquent et c'est pas moins français et même la grammaire normative a dit que c'était accepté de nos jours. Il y a d'ailleurs plein de trucs qui étaient la règle il y a quelques siècles et qui aujourd'hui paraissent erronés, bref, c'est absurde, une langue, ça vit, c'est tout, pas la peine de la figer dans une norme qui n'existe que dans la tête de ceux qui la pensent. Ah le bon usage... ah le bel usage...

Ce que décrit Wali est un phénomène d'euphonie qui est parfaitement acceptable donne moi z'en. L'euphonie était fréquente avant que le français souhaite éradiquer sa variation par la prescription d'une norme. Mais ne dit-on pas "que pense-t-il ?" avec un joli [t] euphonique ? Alors pourquoi ce serait accepté dans un cas et pas dans l'autre, hein ?

Bon désolé, je ne visais personne, c'est juste que ça m'énerve cette tendance à vouloir contrôler la langue.

Au fait, pour en revenir au féminisme (cf. d'autres fils), 1990 a vu des réformes orthographiques comme par hasard savamment ignorées. Les voilà : http://fr.wikipedia.org/wiki/Rectificat ... is_en_1990

Et donc avant et après surtout, il y a eu la question de la féminisation des noms de fonctions essentiellement avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement Jospin qui comportait nombre de femmes ministres.
Voilà un document complet : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ ... 4/0000.pdf
 
Merci Picatau pour ta réaction et ce joli petit cours très intéressant :)
Edit: moi non plus, je n'adhère pas à l'élitisme-bourgeois-intello-réac (et pas besoin d'être cultivée pour le comprendre ;) )
 
C'est fou comme un texte peut être perçu...
Merci pour vos réactions !
Alors, que je vous explique :
Picatau, j'ai fait des études de lettres, et j'ai été particulièrement passionnée par la linguistique diachronique entre autres.
Picatau":25gymqri a dit:
Que cela soit de la variation diatopique, diastratique, diamésique ou diaphasique, elle est légitime, peu importe, la langue n'est pas figée dans une norme arbitraire qui se réfère à l'écrit.

Il y a d'ailleurs plein de trucs qui étaient la règle il y a quelques siècles et qui aujourd'hui paraissent erronés, bref, c'est absurde, une langue, ça vit, c'est tout, pas la peine de la figer dans une norme qui n'existe que dans la tête de ceux qui la pensent. Ah le bon usage... ah le bel usage...

Ce que décrit Wali est un phénomène d'euphonie qui est parfaitement acceptable donne moi z'en. L'euphonie était fréquente avant que le français souhaite éradiquer sa variation par la prescription d'une norme. Mais ne dit-on pas "que pense-t-il ?" avec un joli [t] euphonique ? Alors pourquoi ce serait accepté dans un cas et pas dans l'autre, hein ?

Contrairement aux apparences, tu prêches une convaincue !!!
Qu'est-ce qu'une "faute" d'orthographe ou de grammaire, sinon un écart par rapport à une norme fixée à un moment donné, et quoi de plus vivant qu'une langue.
Ce qui est une "faute" aujourd'hui sera la norme de demain, c'est entendu.

J'ai écrit ce texte sur les heuros en 2011 pour m'amuser, toute seule dans mon coin, à faire quelques jeux de mots et à composer quelques phrases un peu plus créatives que celles, toutes formatées et très administratives, que je plaque au quotidien sur des bordereaux de traitement de dossiers dans le cadre d'un travail qui m'ennuie prodigieusement.

Et puis parce que ça m'amusait, juste, tout simplement, ça m'amusait d'entendre les mêmes personnes dire "deux zans" et "deux (h)euros.

Alors cette nuit en farfouinant dans mon ordinateur, j'ai retrouvé ce texte et je me suis dit : "tiens, je vais le partager avec les Vegewebiens sur le comptoir, pour voir."

Bon, je vois.

Sinon, le Grévisse n'a jamais été mon livre de chevet, pas plus que je ne ne me considère au chevet d'une hypothétique belle langue française qui se mourrait, et même, qu'on se le dise, il m'arrive de payer mes achats en heuros.

@ Picatau & Walli
Quant à faire partie de l'élite-bourgeoise-intello-réactionnaire, moi...
:mmm:
alors ça ça me laisse sans voix.
(Comme ça ya plus aucun problème de liaison !)


Allez, sans rancune !
 
Marmota,
Par mon 1er post, je pense t'avoir montré que j'appréciais ton texte; Quant à ma remarque citée en edit, tu t'es sentie visée directement, ce n'était pas mon but; Juste mon avis général et sans doute de l'extrapolation (suite à l'explication intéressante de l'euphonie par Picatau) puisqu'il y a bien longtemps, j'ai enseigné le français à des ados non francophones et le problème du choix des mots ou expressions du langage courant "dignes" d'être appris aux élèves m'a semblé parfois peu clair.
Pour moi sans rancune effectivement,
See you
 
Excuse-moi Marmota. Je ne voulais surtout pas t'accuser de quoi que ce soit, désolé. C'est ma déformation professionnelle de sociolinguiste. Je monte au créneau dès qu'il y a un truc sur la langue.
En fait, j'ai bien senti que ton post était humoristique mais j'ai pas pu m'empêcher. Désolé, je voulais pas te faire de la peine mais je te visais pas, je suis parti en live.

:kiss:

Ton post était marrant malgré tout.
 
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