Je lui aurais demandé si, par hasard, il avait étudié de près ces questions, en compulsant des articles scientifiques par exemple. Je lui aurais aussi demandé lesquels s'il m'avait répondu par l'affirmative. Et le cas échéant, je lui aurais conseillé d'être plus réservé quant à son diagnostic. Le rôle d'un-e médecin généraliste est de formuler un diagnostic sur la santé de ses patient-e-s, non de porter un jugement moral sur leurs choix de vie, quels qu'ils soient. Bien entendu, il est toujours plus facile de "refaire le match" après la consultation. Mais il faut se préparer à l'ignorance des médecins sur le végéta*isme, une ignorance satisfaite d'elle-même qui se passe le plus souvent de justification. Les médecins sont dépositaires d'un savoir scientifique, illes le savent et en jouent de manière parfois abusive. La frontière entre le diagnostic scientifique et le jugement moral des médecins est d'autant plus ténue que, depuis le début du 19e siècle, mais de manière plus implicite aujourd'hui, la profession médicale a eu pour mission de prendre en charge la réforme morale et sociale des patients (par l'intermédiaire de l'hygiénisme notamment). Le rapport patient-médecin n'est pas neutre, c'est un rapport de force. On ne compte plus, par exemple, le nombre d'enquêtes sociologiques démontrant à symptômes équivalents un traitement différencié par les mêmes médecins de leurs patient-e-s au regard des caractéristiques sociales de ces dernier-e-s... Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que nous ayons à justifier nos choix moraux dans un cabinet médical. Nous avons tout à gagner à éviter ces questions, à ne pas y répondre (surtout à la question qui tue), et à en retourner d'autres à leurs auteur-e-s.
D'expérience, les médecins généralistes ne connaissent pas grand chose aux problématiques végéta*iennes et aux éventuelles incidences (positives en particulier) de nos régimes alimentaires. Il faudrait brasser une littérature anglo-saxonne spécialisée et illes n'ont ni le temps, ni l'envie de le faire. Au lieu de cela, illes brassent surtout des stéréotypes. L'un-e des seul-e-s a avoir fait un réel travail à ma connaissance est Jérôme Bernard-Pellet. Lorsque nous serons plus nombreu-x-ses, les généralistes recevront peut-être une formation spécifique. D'ici-là, nous aurons toujours droit au petit tribunal des flagrants délires pseudo-scientifiques.
Lorsque j'ai dit un jour à mon médecin généraliste que j'étais végétalien, il a eu une réaction très saine. Il a reconnu ne pas être spécialiste de ces questions et m'a même affirmé que les végétalien-ne-s en savent généralement plus que leurs médecins sur le sujet. Il m'a proposé de faire une prise de sang régulière, mais raisonnablement espacée dans le temps, avec une analyse détaillée de certains taux (fer, etc.), tout en précisant qu'il n'y avait a priori pas de risque particulier sous réserve d'un régime varié, éventuellement supplémenté. Aucune leçon de morale, aucune condescendance.