le veganisme et le culturel

Fipy

Jeune bulbe
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21/5/13
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Rentrée en France depuis quelques semaines, je reviens encore plus déterminée que jamais pour parler, bousculer les idées reçues et défendre la cause animale (dont l'humain bien sûr).
J'ai parcouru des milliers de kilomètres par voie terrestre (à 98% ferroviaire de l'Asie du Sud Est à l'Europe), ce qui laisse largement le temps d'échanger avec des personnes de religion, de culture et de langues différentes. Et cela a évidemment alimenté ma réflexion sur le végéta*isme et veganisme.

Ce qui suit n'est qu'un apperçu sommaire et subjectif, il y a forcément des nuances que je n'ai pas su percevoir. J'ai envie toutefois de faire partager mon vécu, car il concerne une question qui me semble fondamentale dans la prise de position végé*:
comment est-on végé* dans le monde? Et si on le devient, quels arguments ou situations nous ont particulièrement touchés pour nous faire réagir et changer de régime alimentaire ou de vie?
On est souvent végé* parce qu'on a une conscience aigüe du monde qui nous entoure (animal, végétal, terrestre, politique, écologique...), mais est-ce le cas partout?

Un exemple vaut mieux que cent mots: au sud de la Chine, en marchant dans la rue, je tombe sur des dizaines d'animaux en cage devant des restaurants. Les passants qui vont y manger ont donc sous les yeux les futurs êtres vivants qu'ils transformeront en cadavres dans leurs assiettes. Certains choississent même parfois celui à qui il souhaite supprimer la vie. Si cette vision ne m'est pas étrangère -au Cambodge aussi les rapports avec les animaux sont très trashs-, il n'en reste pas moins que j'avais rarement vue une telle mise en scène macabre. En France, j'imagine mal un restaurant exhibant les animaux terrestres enfermés dans des cages (car les poissons subissent ce traitement). Beaucoup de carnistes seraients horrifiés "comment peut-on faire ça?! C'est inhumain! Bon, allons manger un bon steack de vache morte pour oublier tout ça".

Je me suis alors interrogée sur la pertinence des arguments relatant la souffrance animale et le fait de montrer ce qu'il se passe. C'est bien simple: je pense que beaucoup d'asiatiques y seraient indifférents. On peut voir en boucle à la télé ou sur des affiches, les accidents de la route avec tout ce qu'il y a de glauque et de morbide. Le rapport à la mort est très différent. Ca ne les choquerait pas de voir la souffrance et la mort des animaux car cela fait partie inhérente d'une culture moins hypocrite que la notre. Si je suis persuadée qu'en Occident elle peut toucher beaucoup de personnes, je ne suis absolument pas convaincue de son impact là-bas.


J'ai traversé des pays bouddhistes (de différents courants), dont certaines régions sont musulmanes, d'autres animistes, d'autres pays sont chrétiens orthodoxes ou catholiques. Je suis athée, donc les religions, c'est du pareil au même pour moi.
La plupart des bouddhistes pouvaient comprendre mon engagement (en tout cas, le Viet Nam était très ouvert à ce sujet, car au Cambodge, les moines mangent de la viande), mais dès qu'on essaie de sortir du cadre de la religion, cela devient plus difficile à faire comprendre: "non, je ne veux pas manger d'animaux morts parce que ça va atteindre mon karma, mais parce que je ne veux pas participer au plus gros génocide terrestre".


Ce qu'on en pense ailleurs: pas de moquerie, de réaction agressive. Suivant les pays traversés, selon la religion aussi, j'ai toujours senti une écoute positive avec des échanges de recettes parfois! En général, c'était facile à expliquer, les gens restaient très tolérants (souvent), mais de là à dire qu'ils étaient sensibles à mes arguments, je n'y crois pas.
Quand les gens étaient sur la défensive ou méprisants (en Russie notamment), j'arrivais à me débrouiller. Soit en restant courtoise et patiente, soit en les ignorant s'ils devenaient trop agressifs (je ne me serais pas frotter à certains moscovites par exemple).

La difficulté a été de trouver des plats végétaliens: du Cambodge à l'Europe, j'ai changé plusieurs fois d'alphabet et je pouvais rarement être sure à 100% de ce que j'achetais / consommais. C'est donc possible, mais c'est compliqué d'être certain de ce qu'on mange dans certains cas même si on nous affirme que c'est ok (et l'Asie adore la mock meat, c'est troublant).

Du coup, ma solution: à chaque arrivée, je bondissais sur une personne qui savait baragouiner quelques mots d'anglais (bha oui, il y a des pays où c'est carrément un challenge) et je lui demandais de m'écrire "végétarien" "sans viande" "sans poisson" "sans oeuf" "sans lait", sachant que "sans produit d'origine animale" c'est vachement plus compliqué à faire comprendre. Ce sont les alléas des voyages dans des pays non-anglophones ou non-hispanophones. De toute façon, en cas de doute persistant, je ne mangeais pas.

Soyons honnête, je m'étais fixée comme objectif d'être vegan en rentrant (c'est chose faite :) ), donc il m'est arrivée surement de manger un aliment avec du lait sans le savoir (j'ai consommé une fois une sorte de croissant au pavot en Russie, je pense qu'il y avait des oeufs même si on m'a dit le contraire).

Je dois dire que même en Mongolie, j'ai été surprise de l'accueil positif. Encore une fois, peut-être est-ce une question de religion: les moines bouddhistes sont végétariens là-bas et on les respecte énormément pour ça car rien ne pousse dans les steppes. Je n'ai pas eu de mal à me nourrir (à Ulan Bator c'est facile et en campagne, suffit de faire des provisions). Mais c'était l'été, et les Mongols importent beaucoup (de Corée pour des raisons politiques, et un peu de frais de Chine), donc j'imagine que ça m'a facilitée la vie.

Mon compagnon qui a passé du temps là-bas en hiver il y a 5ans, a trouvé que ça a avait beaucoup changé...
Et j'avoue, j'ai mangé à Loving Hut. Ok, on avait bien compris que c'était étrange la grande prêtresse asiatique teinte en blonde qui passe en boucle, mais ça m'a permis de goûter les plats locaux à la mode vegan au moins.

Ca reste cependant anecdotique: les Mongols survivent en mangeant de la viande et du lait. Pour se nettoyer l'intérieur comme illes le disent, illes boivent du lait de jument fermentée. En gros, c'est un laxatif super puissant, puisqu'en ne consommant aucun végétal ou très peu, illes ont des problèmes gastriques intenses!


Voilà ma réflexion en pavé de quelques paragraphes pour en arriver à vous demander: comment pensez-vous qu'il soit judicieux d'expliquer le veganisme à des personnes d'autres cultures (notamment très éloignées de la nôtre)?

Précision: je sais que la population mondiale est majoritairement végétarienne. Ce n'est pas le cas du végétalisme et encore moins du veganisme. Les conversations en France, en Europe de l'Ouest peuvent être extrêmement dures mais les codes culturels sont proches. On peut donc jouer sur des images, des expériences qui sont communes. Cependant, comment s'exprimer pour toucher, faire réfléchir des gens qui ne partagent pas notre langue et notre alphabet (en Khmer, par exemple, il n'y a pas de livre sur le végétarisme à ma connaissance qui soit traduit)? Comment échanger avec des cultures différentes ou même la notion de communication peut être à l'opposé de nous?
 
Salut, merci pour le récit de voyage.

je pense que beaucoup d'asiatiques y seraient indifférents.

C'est ton ressenti, mais est-ce que c'est généralisable ? En Chine, il y a aussi des militants de la cause animale.

Je suis athée, donc les religions, c'est du pareil au même pour moi.

ça peut être une piste pour aborder des gens d'autres cultures: justement ne pas considérer que tout ça c'est du pareil au même. Même s'il y a des points communs, les approches philosophiques, le rapport au monde, aux animaux peuvent être très différents (au moins dans ce qui filtre du religieux dans le fonds culturel populaire). ça aide de comprendre les présupposés des gens quand on leur parle. Il me semble que si tu parles à des gens fortement chrétiens (au sens traditionnel du terme), il ne sera pas très constructif et convaincant de leur montrer d'emblée que pour toi toute façon leurs croyances sont un tissu d'âneries, tout ce qu'il pourront dire ne sera pas valable et à partir de là embrayer sur un argumentaire à base athée. Alors que si tu leur montre ce qui dans leur propre système de référence va dans le sens du véganisme, ça peut les faire réfléchir, (peut-être pas tout de suite certes). C'est juste un exemple.

comment pensez-vous qu'il soit judicieux d'expliquer le veganisme à des personnes d'autres cultures (notamment très éloignées de la nôtre)?

Peut être laisser des militants vegans (il y a en toujours au moins quelques uns) issus de cette culture s'en charger ? On a déjà fort à faire par chez nous (au sens large monde occidental).
 
Salut Luisão.

Merci pour tes remarques.
Pour être franche, je pense que tu as mal interprété mes propos.

J'ai bien précisé qu'il ne s'agissait que de mon ressenti car je ne suis pas dans la tête d'un milliard de Chinois :confus:

Heureusement qu'il y a des militant-e-s de la cause animale en Chine! Ca ne m'empêche pas de me dire qu'illes sont, pour l'instant, encore en minorité, comme nous ici.
Et que je suis curieuse de savoir ce qui les a amenés à le devenir. Et donc de comprendre comment illes font pour parler avec leur entourage, car je vivais en Asie et j'avais parfois l'impression de ne pas savoir comment aborder la question, ce qui est très triste car j'aime parler avec les gens.

Ce n'est donc pas pour les juger que j'essaie de les comprendre mais pour pouvoir échanger avec euxlles!
Et certes, on peut se dire que d'autres font le boulot de leur côté, mais c'est une cause mondiale, ça m'intéresse donc de savoir comment les gens militent partout dans le monde. Ca m'évite d'être ethnocentrée. Et plus on est nombreux, plus les choses peuvent bouger ;)


Quant à ma remarque 'Je suis athée, donc les religions, c'est du pareil au même pour moi." J'ai dû mal m'exprimer. Je voulais dire que quelque soit la religion de la personne, je n'arrive pas en lui disant : "salut, je suis athée, j'en ai rien à foutre de ta religion pourrie. Bon, par contre, tu veux échanger avec moi sur la cause animale?". Je me fiche qu'il soit chrétien, bouddhiste, animiste, ça la-le regarde.

Ce que je voulais dire, c'est que je ne suis pas sensible aux arguments religieux. Ce ne sont donc pas eux que je vais invoquer en premier dans une discussion pour défendre le droit des animaux sauf si la personne me parle de sa religion. Je suis d'accord avec toi sur le fait de prendre en compte le système de valeurs de la personne pour lui parler, encore faut-il le connaître ou qu'on te laisse le découvrir...

Cette question est fondamentale pour moi car je suis confrontée continuellement à la question du culturel: dans mon travail, dans ma vie personnelle, dans mes loisirs... Je m'interroge simplement sur la meilleure façon de discuter de de la cause animale partout dans le monde, que ce soit avec des militant-e-s, avec des carnistes invétérés ici ou ailleurs...
 
Ce que je voulais dire, c'est que je ne suis pas sensible aux arguments religieux. Ce ne sont donc pas eux que je vais invoquer en premier dans une discussion pour défendre le droit des animaux sauf si la personne me parle de sa religion. Je suis d'accord avec toi sur le fait de prendre en compte le système de valeurs de la personne pour lui parler, encore faut-il le connaître ou qu'on te laisse le découvrir...

D'accord. :)
Ce que je voulais dire c'est que du coup sur ces questions, il vaut mieux interroger directement les premiers concernes en se mettant en contact avec des militants des pays en question.
 
J'ai survolé ton texte (je le mes en marque page pour le relire en détaille :) )

Mais de ce que j'ai lue, je pense que c'est comme les français qui mange du poisson, pour eux le poisson ne souffre pas donc il le traite comme un objet, par contre l'animal terrestre on reconnait en partie qu'il est sensible.

En chine, aussi bien les poisson que les animaux terrestre, on ne les considère pas comme des être sensibles, donc les traites comme des objets.

Après cela peut être des croyances, genre quand on l'égorge elle souffre plus...

Donc c’est peut être sa...
 
Fipy":8ljmbugp a dit:
Un exemple vaut mieux que cent mots: au sud de la Chine, en marchant dans la rue, je tombe sur des dizaines d'animaux en cage devant des restaurants. Les passants qui vont y manger ont donc sous les yeux les futurs êtres vivants qu'ils transformeront en cadavres dans leurs assiettes. Certains choississent même parfois celui à qui il souhaite supprimer la vie. Si cette vision ne m'est pas étrangère -au Cambodge aussi les rapports avec les animaux sont très trashs-, il n'en reste pas moins que j'avais rarement vue une telle mise en scène macabre. En France, j'imagine mal un restaurant exhibant les animaux terrestres enfermés dans des cages (car les poissons subissent ce traitement). Beaucoup de carnistes seraients horrifiés "comment peut-on faire ça?! C'est inhumain! Bon, allons manger un bon steack de vache morte pour oublier tout ça".

Je me suis alors interrogée sur la pertinence des arguments relatant la souffrance animale et le fait de montrer ce qu'il se passe. C'est bien simple: je pense que beaucoup d'asiatiques y seraient indifférents. On peut voir en boucle à la télé ou sur des affiches, les accidents de la route avec tout ce qu'il y a de glauque et de morbide. Le rapport à la mort est très différent. Ca ne les choquerait pas de voir la souffrance et la mort des animaux car cela fait partie inhérente d'une culture moins hypocrite que la notre. Si je suis persuadée qu'en Occident elle peut toucher beaucoup de personnes, je ne suis absolument pas convaincue de son impact là-bas.

Je ne sais pas comment atteindre les gens des autres cultures. Les seuls à pouvoir le savoir sont les vegans ou végés éthiques des autres cultures, mais ce que tu décris dans ce petit paragraphe, c'est assez logique, en fait.
Ça rejoint un peu la psychologie du crime de Laporte : http://infokiosques.net/lire.php?id_article=215
Mais c'est surtout que banaliser un acte de mise à mort et de souffrance, ben... ça le banalise, ça permet de nous y habituer et nous faire perdre l'empathie face à la victime. Si on vivait dans un monde où les gens sont tués dans la rue, on en arriverait au même point, on finirait par perdre toute empathie pour les victimes. Parce qu'on n'aurait aucun autre moyen d'y survivre que de s'y habituer psychologiquement. (Et une fois suffisamment habitués, on pourrait nous-mêmes y participer.)

Donc ce qui a permis à notre société (nos sociétés occidentales) de développer le véganisme, c'est précisément d'avoir isolé et caché l'abattage et les pratiques d'élevage intensif, pour faciliter le développement de notre empathie vis à vis des autres animaux, ceux qui restaient visibles au sein de la société. Tandis que les pratiques d'élevage et d'abattage se sont industrialisées loin de nos yeux, notre rapport aux animaux de compagnie s'est fait de plus en plus affectif, proche, empathique. Les chiens, les chats, deviennent de véritables membres de la famille, on les soigne, on leur paie des soins vétérinaires, des opérations chirurgicales, on fait attention à ce qu'ils mangent, on leur trouve des jouets, des activités, on n'aime pas qu'ils dorment dehors, on pleure leur mort, etc. C'est parce qu'on n'a plus à supporter constamment, de nos yeux, la souffrance qu'on inflige aux autres animaux qu'on a pu développer cet aspect de l'empathie vis à vis d'eux.
Et c'est, du coup, le fait de montrer brutalement des images qu'on avait oubliées (d'abattoirs, d'élevage intensif), dans ce contexte, qui crée une contradiction tellement grande qu'elle pousse à tout remettre en question, et à penser au végétarisme. Mais il est clair que si ces pratiques n'avaient jamais été cachées, on aurait continué à travailler notre système de défense, notre insensibilisation, notre refus de l'empathie, et donc montrer les images n'aurait rien pu apporter. Dans le temps, le cochon était égorgé en public, ça n'empêchait pas les gens d'en manger.

Et l'effet est le même quand on noie nos contacts sous les images choc, d'ailleurs : Ils finissent par s'insensibiliser aux images. Et l'impact des images finit par disparaître.
C'est aussi vrai pour les drames humains (Les images, les infos, l'annonce d'un suicide sous le métro, d'un SDF mort dans la rue, etc.).
On s'insensibilise, parce qu'on ne peut pas passer notre vie à pleurer devant ce qui est constamment sous nos yeux.
(Et la question se pose encore plus pour les insectes, les petits animaux, les massacres d'animaux marins à grande échelle, etc. Plus le nombre de morts est grand ou plus il semble difficile d'éviter les morts, et plus on est contraint de se désensibiliser.)

C'est pour ça que tout ça tient d'un équilibre très complexe. Montrer la réalité atroce de ce qui se passe n'a de sens qui si on met d'abord en place un contexte dans lequel l'empathie est facilitée. Et pour quelqu'un qui est directement face aux atrocités, c'est le travail inverse qu'il faut faire : Trouver un moyen de l'amener à se mettre à la place de cet autrui qu'il voit souffrir/mourir, pour lui rendre sa réalité, son existence. (Ce qui se produit aussi parfois : Des réflexions/révélations subites de pêcheurs, chasseurs, ou autres.)
 
Je te rejoins et c'est d'ailleurs pourquoi, je pense, les éleveurs/chasseurs/pécheurs/bouchers etc ont plus de mal a entendre le discours végan. Pas qu'ils y soit hostiles fondamentalement, mais simplement que, habitués a cotoyer la mort des animaux qu'ils fréquentent, ils sont aussi moins receptifs a leurs souffrances. Un éleveur pourra ainsi dire qu'il aime ses bêtes, c'est pas faux "juste" parce qu'il les envoi a l'abattoir. C'est simplement qu'il fait en sorte qu'elle soient le mieux possible "a ces yeux" mais que pour lui dans le fond, ses bêtes restent des "outils" malgré tout l'amour qu'il peut leur porter.
 
Pers0nne":1lfuscbv a dit:
Fipy":1lfuscbv a dit:
Un exemple vaut mieux que cent mots: au sud de la Chine, en marchant dans la rue, je tombe sur des dizaines d'animaux en cage devant des restaurants. Les passants qui vont y manger ont donc sous les yeux les futurs êtres vivants qu'ils transformeront en cadavres dans leurs assiettes. Certains choississent même parfois celui à qui il souhaite supprimer la vie. Si cette vision ne m'est pas étrangère -au Cambodge aussi les rapports avec les animaux sont très trashs-, il n'en reste pas moins que j'avais rarement vue une telle mise en scène macabre. En France, j'imagine mal un restaurant exhibant les animaux terrestres enfermés dans des cages (car les poissons subissent ce traitement). Beaucoup de carnistes seraients horrifiés "comment peut-on faire ça?! C'est inhumain! Bon, allons manger un bon steack de vache morte pour oublier tout ça".

Je me suis alors interrogée sur la pertinence des arguments relatant la souffrance animale et le fait de montrer ce qu'il se passe. C'est bien simple: je pense que beaucoup d'asiatiques y seraient indifférents. On peut voir en boucle à la télé ou sur des affiches, les accidents de la route avec tout ce qu'il y a de glauque et de morbide. Le rapport à la mort est très différent. Ca ne les choquerait pas de voir la souffrance et la mort des animaux car cela fait partie inhérente d'une culture moins hypocrite que la notre. Si je suis persuadée qu'en Occident elle peut toucher beaucoup de personnes, je ne suis absolument pas convaincue de son impact là-bas.

Je ne sais pas comment atteindre les gens des autres cultures. Les seuls à pouvoir le savoir sont les vegans ou végés éthiques des autres cultures, mais ce que tu décris dans ce petit paragraphe, c'est assez logique, en fait.
Ça rejoint un peu la psychologie du crime de Laporte : http://infokiosques.net/lire.php?id_article=215
Mais c'est surtout que banaliser un acte de mise à mort et de souffrance, ben... ça le banalise, ça permet de nous y habituer et nous faire perdre l'empathie face à la victime. Si on vivait dans un monde où les gens sont tués dans la rue, on en arriverait au même point, on finirait par perdre toute empathie pour les victimes. Parce qu'on n'aurait aucun autre moyen d'y survivre que de s'y habituer psychologiquement. (Et une fois suffisamment habitués, on pourrait nous-mêmes y participer.)

Donc ce qui a permis à notre société (nos sociétés occidentales) de développer le véganisme, c'est précisément d'avoir isolé et caché l'abattage et les pratiques d'élevage intensif, pour faciliter le développement de notre empathie vis à vis des autres animaux, ceux qui restaient visibles au sein de la société. Tandis que les pratiques d'élevage et d'abattage se sont industrialisées loin de nos yeux, notre rapport aux animaux de compagnie s'est fait de plus en plus affectif, proche, empathique. Les chiens, les chats, deviennent de véritables membres de la famille, on les soigne, on leur paie des soins vétérinaires, des opérations chirurgicales, on fait attention à ce qu'ils mangent, on leur trouve des jouets, des activités, on n'aime pas qu'ils dorment dehors, on pleure leur mort, etc. C'est parce qu'on n'a plus à supporter constamment, de nos yeux, la souffrance qu'on inflige aux autres animaux qu'on a pu développer cet aspect de l'empathie vis à vis d'eux.
Et c'est, du coup, le fait de montrer brutalement des images qu'on avait oubliées (d'abattoirs, d'élevage intensif), dans ce contexte, qui crée une contradiction tellement grande qu'elle pousse à tout remettre en question, et à penser au végétarisme. Mais il est clair que si ces pratiques n'avaient jamais été cachées, on aurait continué à travailler notre système de défense, notre insensibilisation, notre refus de l'empathie, et donc montrer les images n'aurait rien pu apporter. Dans le temps, le cochon était égorgé en public, ça n'empêchait pas les gens d'en manger.

Et l'effet est le même quand on noie nos contacts sous les images choc, d'ailleurs : Ils finissent par s'insensibiliser aux images. Et l'impact des images finit par disparaître.
C'est aussi vrai pour les drames humains (Les images, les infos, l'annonce d'un suicide sous le métro, d'un SDF mort dans la rue, etc.).
On s'insensibilise, parce qu'on ne peut pas passer notre vie à pleurer devant ce qui est constamment sous nos yeux.
(Et la question se pose encore plus pour les insectes, les petits animaux, les massacres d'animaux marins à grande échelle, etc. Plus le nombre de morts est grand ou plus il semble difficile d'éviter les morts, et plus on est contraint de se désensibiliser.)

C'est pour ça que tout ça tient d'un équilibre très complexe. Montrer la réalité atroce de ce qui se passe n'a de sens qui si on met d'abord en place un contexte dans lequel l'empathie est facilitée. Et pour quelqu'un qui est directement face aux atrocités, c'est le travail inverse qu'il faut faire : Trouver un moyen de l'amener à se mettre à la place de cet autrui qu'il voit souffrir/mourir, pour lui rendre sa réalité, son existence. (Ce qui se produit aussi parfois : Des réflexions/révélations subites de pêcheurs, chasseurs, ou autres.)

Je suis d'accord.

D'ailleurs j'ai du mal à trouver nos carnistes pires que des personnes qui choississent l'animal qu'il va être tuer.
Je ne comprends pas cette façon de penser.
Ceux là sont insensibles, ça me parait juste monstrueux. Je préfère l'hypocrisie à l'insensibilité voir la méchanceté.
 
Luisão: si t'as le numéro de téléphone d'un militant kreung la prochaine que je suis dans le Ratanakiri au Cambodge, merci :whistle:
C'est un bon réflexe, difficilement applicable à chaque fois que je rencontre quelqu'un d'une autre culture. Je ne peux pas appeler systématiquement un-e militant-e du pays pour qu'ille se dépatouille avec la personne avec qui je parle: si à chaque fois qu'on engage une conversation avec quelqu'un il faut aller chercher "l'expert" ou le "militant" on ne va plus beaucoup se parler dans les chaumières. En plus, ce n'est pas très marrant: je préfère me débrouiller ce qui ne m'empêche pas de chercher à découvrir l'autre pour mieux lui parler. :)

Yola":14jg63u0 a dit:
Mais de ce que j'ai lue, je pense que c'est comme les français qui mange du poisson, pour eux le poisson ne souffre pas donc il le traite comme un objet, par contre l'animal terrestre on reconnait en partie qu'il est sensible.

En chine, aussi bien les poisson que les animaux terrestre, on ne les considère pas comme des être sensibles, donc les traites comme des objets.

Après cela peut être des croyances, genre quand on l'égorge elle souffre plus...

Donc c’est peut être sa...

Yola, c'est une bonne réflexion, tu as surement raison. On ne prête surement aucune sensibilité ni intelligence aux animaux. C'est affreux, mais au moins, c'est une approche esclavagiste et spéciste cohérente.... :genoux: (ironie, bien sûr)

Même si la cause de leur insensibilité et de leur démence est alors entendue, reste à déterminer comment s'exprimer face à euxlles, pour discuter entre personnes adultes...

Pers0nne":14jg63u0 a dit:
Ça rejoint un peu la psychologie du crime de Laporte : http://infokiosques.net/lire.php?id_article=215

Je vais lire ça attentivement merci :)

Pers0nne":14jg63u0 a dit:
C'est pour ça que tout ça tient d'un équilibre très complexe. Montrer la réalité atroce de ce qui se passe n'a de sens qui si on met d'abord en place un contexte dans lequel l'empathie est facilitée. Et pour quelqu'un qui est directement face aux atrocités, c'est le travail inverse qu'il faut faire : Trouver un moyen de l'amener à se mettre à la place de cet autrui qu'il voit souffrir/mourir, pour lui rendre sa réalité, son existence. (Ce qui se produit aussi parfois : Des réflexions/révélations subites de pêcheurs, chasseurs, ou autres.)

Alors comment favoriser ce climat d'empathie?
La culture asiatique -je reste sur l'Asie pour l'instant- est propre aux secrets et aux tabous: ne pas dévoiler ses sentiments, son mécontentement, sa colère, son désaccord etc... Cela n'empêche pas de montrer parfois ses sentiments, si l'on s'en tient tout de fois dans un cadre précis (respect du plus âgé, du plus riche...). Cadre complexe et difficile à entrevoir pour un-e occidental-e. Cela pourrait être pareil pour d'autres cultures bien sûr.


Mandy_paris":14jg63u0 a dit:
Je suis d'accord.

D'ailleurs j'ai du mal à trouver nos carnistes pires que des personnes qui choississent l'animal qu'il va être tuer.
Je ne comprends pas cette façon de penser.
Ceux là sont insensibles, ça me parait juste monstrueux. Je préfère l'hypocrisie à l'insensibilité voir la méchanceté.

Je comprends ta réaction. Se délecter de la souffrance d'autrui est une réaction insupportable. Cependant, c'est aussi un jugement de valeur: l'un est-il mieux que l'autre? Je ne pense pas, il est juste basé sur une autre perception du monde, aussi monstrueuse l'une que l'autre.
 
Fipy":34pqo1b5 a dit:
Pers0nne":34pqo1b5 a dit:
Ça rejoint un peu la psychologie du crime de Laporte : http://infokiosques.net/lire.php?id_article=215

Je vais lire ça attentivement merci :)

Pers0nne":34pqo1b5 a dit:
C'est pour ça que tout ça tient d'un équilibre très complexe. Montrer la réalité atroce de ce qui se passe n'a de sens qui si on met d'abord en place un contexte dans lequel l'empathie est facilitée. Et pour quelqu'un qui est directement face aux atrocités, c'est le travail inverse qu'il faut faire : Trouver un moyen de l'amener à se mettre à la place de cet autrui qu'il voit souffrir/mourir, pour lui rendre sa réalité, son existence. (Ce qui se produit aussi parfois : Des réflexions/révélations subites de pêcheurs, chasseurs, ou autres.)

Alors comment favoriser ce climat d'empathie?
La culture asiatique -je reste sur l'Asie pour l'instant- est propre aux secrets et aux tabous: ne pas dévoiler ses sentiments, son mécontentement, sa colère, son désaccord etc... Cela n'empêche pas de montrer parfois ses sentiments, si l'on s'en tient tout de fois dans un cadre précis (respect du plus âgé, du plus riche...). Cadre complexe et difficile à entrevoir pour un-e occidental-e. Cela pourrait être pareil pour d'autres cultures bien sûr.
C'est clair que dans une culture où on doit cacher ses sentiments, ça devient vraiment difficile...

Dans la conférence de Mélanie Joy, elle commence par interroger les personnes elles-mêmes sur leur propre vécu, leurs expériences d'empathies avec un ou plusieurs animaux.
Mais pour ça, il faut déjà avoir eu des expériences d'échange avec un animal. Je ne suis pas sûr que ça soit aussi évident dans toutes les cultures. (Le fait d'avoir des animaux de compagnie simplifie beaucoup les choses.)

Lorsqu'elle présente les images de souffrances animales dues à l'industrie de la viande, elle fait bien attention également de rassurer les spectateurs à l'avance, de les autoriser à ne pas regarder tout, ou se boucher les oreilles, elle leur explique ce qu'ils vont voir, et combien de temps ça dure. C'est important, quand on assiste à une expérience difficile de ce genre, de ne pas être mis "en conflit", de ne pas être poussé à élever automatiquement son système de défense par désensibilisation. Le fait que les spectateurs se sentent un peu "sécures", dans un climat de confiance, ça leur permet de s'autoriser à faire preuve d'empathie même face à des images très difficiles (alors qu'ils pourraient avoir le réflexe de survie de "se fermer").
Mais quand c'est toute la société, ou nos traditions, nos habitudes, qui tournent autour de ça, c'est beaucoup plus difficile... Il y a un enjeu bien plus lourd, c'est pas juste cinq minutes d'un spectacle de souffrances à digérer, c'est une vie entière de culpabilité... Donc ça devient un travail bien plus gros, c'est quasiment jouer au psychothérapeute, à mon avis. Donc vraiment, à moins d'être complètement immergé dans cette culture, de se l'approprier totalement, ou d'y être né, je ne vois pas trop comment il faudrait s'y prendre.
Ou alors éventuellement, prendre le temps de créer un lien privilégié avec un animal en particulier, qui ne serait pas destiné à être mangé.

Ou bien, partir directement sur des considérations philosophiques éthiques à la Peter Singer ou Tom Regan, qui elles, font moins appel aux sentiments et à l'empathie, et plus au raisonnement pur et éventuellement aux faits scientifiques : Les animaux sont des individus sensibles qui veulent vivre, doués de désirs, de sentiments, d'une vie sociale et d'une expérience propre, autant que les humains, donc respectons-les autant que les humains.
Je crois que le raisonnement pur pousse moins facilement à un changement d'habitudes immédiat que de faire appel à l'émotionnel, mais c'est aussi plus facile à comprendre et à admettre, à mon avis. Ça me semble un langage plus universel (puisque l'émotionnel est subjectif et dépend surtout du contexte).
 
Luisão: si t'as le numéro de téléphone d'un militant kreung la prochaine que je suis dans le Ratanakiri au Cambodge, merci

Évidemment. Je ne parlais pas du cas de figure où tu es sur le terrain. Mais en l’occurrence tu poses la question sur un forum, tu fais des recherches après coup, donc prendre contact avec des militants des pays qui t'intéressent me semble important. Parce qu'ici tu n'auras a priori pas des avis d'insiders mais plus des généralités sur le dialogue interculturel.
 
Luisão":cndb40lh a dit:
Luisão: si t'as le numéro de téléphone d'un militant kreung la prochaine que je suis dans le Ratanakiri au Cambodge, merci

Évidemment. Je ne parlais pas du cas de figure où tu es sur le terrain. Mais en l’occurrence tu poses la question sur un forum, tu fais des recherches après coup, donc prendre contact avec des militants des pays qui t'intéressent me semble important. Parce qu'ici tu n'auras a priori pas des avis d'insiders mais plus des généralités sur le dialogue interculturel.

Je suis d'accord avec ça.
 
Fipy":2jyukl3i a dit:
Mandy":2jyukl3i a dit:
Je suis d'accord.

D'ailleurs j'ai du mal à trouver nos carnistes pires que des personnes qui choississent l'animal qu'il va être tuer.
Je ne comprends pas cette façon de penser.
Ceux là sont insensibles, ça me parait juste monstrueux. Je préfère l'hypocrisie à l'insensibilité voir la méchanceté.



Je comprends ta réaction. Se délecter de la souffrance d'autrui est une réaction insupportable. Cependant, c'est aussi un jugement de valeur: l'un est-il mieux que l'autre? Je ne pense pas, il est juste basé sur une autre perception du monde, aussi monstrueuse l'une que l'autre.

Je vois quand même une différence importante à mes yeux. Dans un cas, on constate une sensibilité qui peut potentiellement être éveillée (la personne peut éventuellement changer), dans l'autre une quasi impasse (difficile de changer pour quelqu'un qui se délecte de la souffrance). Je préfère aussi la sensibilité "voilée", même si elle peut être qualifiée d'hypocrite.
Enfin, ça demanderait à être discuté plus avant car ça parait simpliste dit comme ça. Les choses sont rarement toutes blanches ou toutes noires.
 
Peut être en prenant un autre biais...

Personnellement j'étais carniste tendance wellfariste ( c'est comme ça qu'on dit?)pendant longtemps puis j'ai commencé à comprendre l'impact délétère de la production de viande sur environnent, la santé... C'est un énorme non sens qui concerne toute la planète, donc je pense que l'on peut aborder cela avec toutes les cultures.

après j'ai vu un reportage de L214, j'ai fait un don, j'ai lu lu et lu et tout ceci a pris sa place dans ma vie. J'ai réfléchis à ma place sur la planète, au droit à la vie, au droit de toute les espèces de vivre dans des conditions normales en accord avec leur nature ect.

C'est un long apprentissage.
 
Fipy":3psuhocd a dit:
Voilà ma réflexion en pavé de quelques paragraphes pour en arriver à vous demander: comment pensez-vous qu'il soit judicieux d'expliquer le veganisme à des personnes d'autres cultures (notamment très éloignées de la nôtre)?

ce post est très ancien je vois, mais bon..
Cette question a été posée à Peter Singer, sa courte réponse est à partir de 29:30' min sur cette vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=loXPf7CfxFo
 
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