Les femmes et la science-fiction

Picatau

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Voilà, je désirerais ouvrir un topic sur le thème les femmes et la science-fiction qui me semble être un sujet porteur de nombreuses réflexions sur notre société.
Je m'explique. Il y a une quinzaine d'années ou un peu plus, je m'interrogeais sur le pourquoi les femmes en majorité n'avaient pas l'air d'apprécier le genre science-fiction. J'aurais déjà dû m'interroger sur le fait que cela soit vrai ou non. Il semble bien pourtant que cela ait été et que cela soit encore le cas, dans une moindre mesure aujourd'hui, d'après les lectures que j'indiquerai ci-après.

Si le sujet me semble porteur, c'est parce qu'il permet d'aborder la question des représentations et des stéréotypes relatifs aux femmes dans la société qui est la nôtre qu'on peut qualifier sans aucun doute de patriarcale.
Il y a une quinzaine d'années, je n'avais pas la réflexion que j'ai aujourd'hui et je dois avouer que j'avais tendance à essencialiser cette désaffection pour la SF de la part des femmes mais sans être tout à fait satisfait de la réponse qui me semblait malgré tout bien trop simple pour ne pas dire simpliste. A ma décharge, dans la société où j'ai grandi étant enfant, les filles n'aimaient en effet guère la SF, ni même le fantastique ou même la fantasy (genre qui pourtant aujourd'hui leur est associé en tant que préférence "naturelle" (?), encore une ineptie) et les rares qui aimaient la SF se comportaient, comme on disait alors, comme des "garçons manqués".

Bien entendu, j'ai très largement cheminé depuis et j'ai tâché d'aiguiser mon esprit critique. D'abord, je dirais que la société française a été prompte a disqualifier la SF à ses débuts comme genre mineur, comme sous-littérature voire comme non littérature. Pierre Boulle et sa Planète des Singes a peut-être contribué à faire évoluer les choses en France mais force est de constater que l'Académie, troupeau de vieux conservateurs réac. (cela n'engage que moi), rechigne à ce genre. La société, elle, a changé et il me semble que la SF s'est largement démocratisée aujourd'hui auprès du grand public. Malgré tout, on catégorise SF encore en librairie voire en bibliothèque tout ce qui comporte des éléments de fantastique, surnaturel, anticipation... là où les Anglo-Saxons utilisent de plus en plus le vocable englobant Speculative Fiction dont la SF est un genre parmi d'autres.

Je voudrais vous proposer quelques lectures au sujet des femmes et de la science-fiction, en fort lien avec le féminisme justement.
Voici donc quelques liens sur lesquels nous pourrons discuter si ça vous dit :

la première et la plus simple : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=& ... 7247,d.ZGU

la seconde, écrit par une femme féministe : http://pi.library.yorku.ca/ojs/index.ph ... 2902/11984

Les autres viendront après. Bonne lecture.
 
Qu'on assimile science-fiction et anticipation, oui, en effet, c'est souvent le cas, mais assimiler SF et fantastique ou surnaturel, je ne suis pas du coup convaincue. Le premier se base sur des avancées technologiques/scientifiques (plus souvent technologiques que scientifiques d'ailleurs, ça devrait plutôt s'appeler techno-fiction) tandis que les seconds se basent justement sur du "non-explicable scientifiquement". L'optique des deux me semblent donc complètement opposée, même si certaines œuvres (la science-fantasy entre autre) allient les deux.

Après, évidemment, quand on s'y intéresse, ça parait absurde d'assimiler anticipation et science-fiction, alors fantastique... Mais bon, après avoir essayé d'expliquer à ma mère la différence entre fantastique et fantasy, et de lui faire comprendre que le médiéval fantastique c'est en fait pas du tout médiéval, je me rends compte que c'est assez courant.

Sinon, pour explique la défection (réelle ou imaginaire, perso je connais plein de femmes qui aiment la SF, mais je suis dans un milieu de rôlistes/geeks/médiévistes, donc bon...) des femmes pour la SF, peut-être est-ce pour la même raison qu'il y a moins de femmes que d'hommes dans les sections scientifiques : on leur dit tellement depuis toutes petites qu'elles doivent être nulles en sciences qu'elles s'en convainquent et finissent par détester ça. Mais ce n'est qu'une hypothèse...
 
jess":1kx0ux6m a dit:
Qu'on assimile science-fiction et anticipation, oui, en effet, c'est souvent le cas, mais assimiler SF et fantastique ou surnaturel, je ne suis pas du coup convaincue. Le premier se base sur des avancées technologiques/scientifiques (plus souvent technologiques que scientifiques d'ailleurs, ça devrait plutôt s'appeler techno-fiction) tandis que les seconds se basent justement sur du "non-explicable scientifiquement". L'optique des deux me semblent donc complètement opposée, même si certaines œuvres (la science-fantasy entre autre) allient les deux.

Après, évidemment, quand on s'y intéresse, ça parait absurde d'assimiler anticipation et science-fiction, alors fantastique... Mais bon, après avoir essayé d'expliquer à ma mère la différence entre fantastique et fantasy, et de lui faire comprendre que le médiéval fantastique c'est en fait pas du tout médiéval, je me rends compte que c'est assez courant.

Sinon, pour explique la défection (réelle ou imaginaire, perso je connais plein de femmes qui aiment la SF, mais je suis dans un milieu de rôlistes/geeks/médiévistes, donc bon...) des femmes pour la SF, peut-être est-ce pour la même raison qu'il y a moins de femmes que d'hommes dans les sections scientifiques : on leur dit tellement depuis toutes petites qu'elles doivent être nulles en sciences qu'elles s'en convainquent et finissent par détester ça. Mais ce n'est qu'une hypothèse...

Oui, Jess, c'est en effet ce qu'expliquent en partie les liens que j'ai donnés.
 
Ah Bon. J4avoue, je ne les ai pas lus, mais ravie de savoir qu'ils sont du même avis que moi alors ^^
 
Moi j'aime les styles que vous avez cité, mais on me considère comme garçon manqué donc.

Une de mes sœurs aime aussi ça, elle par contre on la considère plus comme une "vrai femme".
 
Moi j'ai mis les pieds dans la SF quand j'avais 10 ans et aujourd'hui à bientôt 40 je suis éditrice de SFFF (comme on dit dans le milieu : SF, Fantastique, Fantasy), alors je ne pense pas non plus être représentative ^^.
Par contre, aimer la SF à 40 ans, pour pas mal de gens ça ne fait clairement pas sérieux, pour eux c'est un truc d'ado boutonneux. :whistle:
 
J'aime la science-fiction, le fantastique et le fantasy.
Quel est l'hurluberlu qui a été dire que les femmes n'aimaient pas la SF ?
C'est vrai que quand j'étais ado, j'étais la seule de ma classe à apprécier ce genre pour la bonne raison que .... les autres n'aimaient pas lire !
 
Trop chouette Mélodie, t'es dans la SF.
Quant au fait que les femmes/filles lisent ou lisaient moins de SF que les hommes/garçons, il semble que ce soit, ou que ce fut, bien le cas, ce qui peut s'expliquer par le menu par les conditionnements reçus dès le plus jeune âge, ce que les liens que je donne expliquent très bien. Ça a beaucoup changé je pense entre quand j'étais petit (dans les années 80) et aujourd'hui, les filles se sont mises à la SF, au fantastique, à la fantasy... N'empêche que l'Histoire de la SF, aussi bien côté lectorat que côté auteur-e-s, a été une très fortement marqué par les hommes. C'est de ça qu'il est question sur ce fil. Comme je vois que j'ai du mal à me faire comprendre, je vais copier-coller quelques morceaux choisis des textes vers lesquels je pointais.

Voilà un extrait du premier lien que je donnais qui retrace un peu l'historique (on peut évidemment trouver à redire sur le fait que Frankenstein soit de la pure SF bien entendu).
le premier récit de science-fiction digne de ce nom, c’est-à-dire extrapolant à partir des données scientifiques de l’époque, est dû à une femme : c’est Mary Shelley et son célèbre Frankenstein (1818).
Force est de constater qu’après ce coup de maître, les femmes ont globalement dé¬serté le champ de la science-fiction - et celui, concommitant, du fantastique - jusque dans les années soixante, à la fois comme auteures et comme lectrices. La SF, genre “viril”, était écrite par des hommes pour des hommes. Les personnages féminins qui y apparaissaient étaient soit destinés au repos du “guerrier des étoiles”, soit des victimes effarouchées que le héros se devait de délivrer des tentacules du monstre ou de l’extraterrestre.
Ce n’est que dans les années 60 - libération des meurs oblige ? - que quelques écrivaines “osèrent” pénétrer timidement ce domaine éminemment masculin. Et en-core, sous pseudonyme - Andre Norton pour Alice Norton, James Tiptree Jr pour Alice Sheldon - ou avec des noms équivoques - Leigh Brackett, C.L. Moore (Catherine L. Moore), la plupart étant en outre épouses d’écrivains déjà renommés.
L’”invasion” des femmes
Dans les années 70, l’anthologie Femmes et merveilles de Pamela Sargent (1974) mis à mal le machisme pépère du petit monde de la SF en révélant que oui, des femmes écrivaient de la SF, et non, elles n’avaient plus honte de le faire sous leurs propres noms. Et pourquoi pas, elles avaient aussi des lectrices... C’est ainsi qu’apparurent de grands noms qui comptent encore aujourd’hui, comme Ursula Le Guin, Joanna Russ, Carloyn J. Cherryh, Tanith Lee, Anne McCaffrey, Kate Wilhelm, Vonda McIntyre, Marion Zimmer Bradley...
Une vague qui allait s’amplifier, les femmes “squattant” un créneau que peu d’au-teurs masculins avaient abordé : celui de l’heroic fantasy, où régnaient en maîtres des auteurs comme Michael Moorcock (Elric le Nécromancien), Fritz Leiber (Le cycle des Épées) ou Robert Howard (Conan). La plupart des auteures des années 60 s’y engouffrèrent, “féminisant” le genre (M.Z. Bradley, T. Lee, C.J. Cherryh, Loïs McMaster Bujold, A. McCaffrey...) et se découvrant du même coup un public féminin nombreux et enthousiaste. On peut dire que globalement, la SF féminine des années 80 était à 80% de la fantasy.
Or au début des années 90 émergea une nouvelle vague, plus jeune, débarrassée du féminisme militant des années 70 ou de la volonté de “coller au public” des an-nées 80, et dont les auteures s’affirmaient d’emblée comme égales à leur homo-logues masculins. Elles accaparèrent tous les genres de la SF, non seulement les sciences “sociales” (Octavia Butler, Ursula Le Guin, Joanna Russ) mais aussi des domaines réputés “hard” comme la hard-science (Connie Willis), le cyberpunk (Pat Cadigan) ou le dernier bastion encore masculin, le fantastique (Anne Rice, Poppy Z Brite, Kathe Koja).
Actuellement, à l’heure où, aux USA, la SF s’enlise dans la “sci-fi” (science-fiction “au kilomètre” déclinée en interminables séries ou sous-séries genre Star Wars, Star Trek ou X-Files), où les auteurs majeurs du genre se comptent sur les doigts d’une main, les femmes tiennent désormais le haut du pavé, phagocytant la fantasy et produisant des œuvres majeures en fantastique. Le succès foudroyant de Poppy Z. Brite ou d’Anne Rice sont là pour le prouver...
[...]
Un nouvel élan
Mais le “melting pot” culturel des années 90 - et sans doute, l’approche de l’an 2000 - engendra un nouvel élan à la SF et au fantastique français. Les “anciens” (et anciennes) ayant survécu au désert culturel des années 80 reprirent de la vigueur, une flopée de jeunes auteur(e)s s’imposa, là encore en suivant peu ou prou le “modèle” anglo-saxon : la fantasy, boudée durant les années 80 mais “boostée” de-puis par les jeux de rôles, a donné Valérie Simon et Corinne Guitteaud, Sylvie Denis s’illustre dans un domaine plus scientifique, Joëlle Wintrebert devient une écrivaine de référence, et le fantastique s’illustre brillamment avec des auteures “extrêmes” comme Jeanne Faivre d’Arcier (dont les vampires valent bien ceux d’Anne Rice) ou Anne Duguël, qui “pervertit” en outre nos chères têtes blondes sous le nom de Gudule...
Dans les autres pays francophones, si des écrivaines sont à l’œuvre, cela reste en-core très discret à ma connaissance : Elizabeth Vonarburg au Canada (qui fut long-temps le seul écrivain canadien de SF connu ici), la rare Wildy Petoud en Suisse... Et en Belgique ? Si l’on élargit son regard au reste de l’Europe, on trouve une écri-vaine en Allemagne (Birgit Rabisch), deux ou trois en Italie (Nicoletta Vallorani, Barbara Garlaschelli, Gloria Barberi), quelques unes en Angleterre (Pat Cadigan, Carol Anne Davis)... Il en existe sans doute - certainement - en Espagne, en Au-triche, dans les pays du Nord et de l’Est. Mais les éditeurs commencent juste à réa-liser que l’Europe existe et est très riche sur le plan culturel. Donc, wait and see...

Pour le second lien qui est plus essentiel à mon sens, je ne peux pas copier-coller, c'est du pdf, mais vous pouvez ouvrir le lien et lire au moins la première page (la deuxième colonne au moins si vous ne voulez pas aller plus loin) : http://pi.library.yorku.ca/ojs/index.ph ... 2902/11984
 
C'est marrant, j'aurais plutôt classé des auteurs comme M.Z.Bradley ou Anne McCaffrey dans la fantasy que dans la SF. Comme quoi, la frontière entre ces divers genres reste très mince, d'où la confusion de pas mal de gens je pense.

Sinon, j'ai lu les deux premiers liens (pas encore les autres mais c'est prévu), et je trouve le texte d'Elizabeth Vonarburgh très intéressant, et d'autant plus ironique qu'elle dresse un portrait des thématiques récurrentes dans la littérature SF féminine dans lequel sa propre écriture se retrouve totalement (du moins ce que j'en ai lu, à savoir Chroniques du pays des mères). Comme quoi, sa conclusion trouve tout son sens dans sa propre expérience...
 
Ça ne fait pas avancer le débat, mais comme ça m'avait fait plaisir de l'apprendre :

Picatau":26ei09hp a dit:
le premier récit de science-fiction digne de ce nom, c’est-à-dire extrapolant à partir des données scientifiques de l’époque, est dû à une femme : c’est Mary Shelley et son célèbre Frankenstein (1818).

Mary Shelley, qui était végétarienne. :D
 
Ah je savais pas ça, merci pour l'info Mélodie.
 
Ah, trop chouette, Mary Shelley était végé, je savais pas, génial, merci.
 
Moi je le savais que Mary Shelley était végé ^^ Et la créature de Frankenstein l'est aussi ^^

Mélodie28 c'est quoi ta maison d'édition ? Il est fort possible que je la connaisse.
 
Mélodie28":1a6vpnkc a dit:
Elle est toute petite, il s'agit de Griffe d'Encre. Tu connais ?
Mais oui ! J'aurais pas pensé croiser l'éditrice ici :D
Et du coup je viens de voir que la suite de Lemashtu sort enfin, faut me mettre un exemplaire de coté ^^
 
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