Véganisme et espaces naturels à préserver

Picatau

Fait crier les carottes
Inscrit
24/2/13
Messages
3 828
Score de réaction
1
Localité
Limousin
En complément du sujet sur le fil Pierre Rabhi au nom de la Terre (cf. post375456.html?hilit=rabhi#p375456), je crée un topic pour avoir l'avis d'autres vegewebiens sur la compatibilité entre préservation de milieux naturels, ou plus précisément naturo-culturels, et véganisme.
Pour avoir une idée de la problématique, je reposte ci-après une petite compilation de mes messages en provenance du fil sur Pierre Rabhi.

"Voilà, en Limousin, il existe des landes et des tourbières qui sont pour l'essentiel liées à l'activité agropastorale. Sans pâturage, le milieu se ferme et les bouleaux et autres espèces pionnières colonisent le milieu. Alors, la plupart de ces milieux ont disparu aujourd'hui car l'activité agropastorale a considérablement changé. Au début du 20ème siècle, le plateau de Millevaches en Limousin était un gigantesque espace de landes (un peu comme dans les High-Lands en Ecosse à ce jour) sèches et humides et de tourbières. Bon, la petite activité agropastorale a disparu au profit des grandes exploitations intensives qui ont ""fertilisés"" les prés et prairies, les landes ont disparu aussi mais il en reste quelques-unes plus ou moins grandes et en plus ou moins bon état. Ces milieux présentent un intérêt faunistique et floristique majeur dans le sens où les espèces qui vivent dans ces milieux leurs sont inféodées (en dépendent si vous préférez) et rares. De ce fait, il existe dans de nombreuses régions dont le Limousin, un conservatoire des espaces naturels (on devrait dire naturo-culturels en fait) qui se donne pour mission d'entretenir ces espaces reliquats au moyen de fauches, de débardage, de pâturage (avec la participation d'éleveurs ou du troupeau de brebis du conservatoire). Bon, faut-il laisser disparaître ces milieux au risque de faire crever les bestioles qui en dépendent. Il ne s'agit pas que de sauvegarder des espèces d'ailleurs à mon sens, mais aussi de venir en aide à de malheureuses bestioles qui n'ont plus beaucoup de ressources pour vivre. D'accord, je vous entend déjà, le truc entretient l'élevage à cause du besoin de pâturage.
Alors, voilà, faut-il toujours soutenir la loi du plus fort ? On pourrait là aussi faire comme pour les abeilles, s'en occuper gratuitement en sorte, reste le problème du pâturage (encore que si c'est à échelle réduite, on doit pouvoir éviter les dérives de l'élevage pour la viande, en n'éliminant pas les vieilles brebis ou vaches, en n'éliminant pas les mâles etc.).
Il existe bien entendu quelques tourbières, landes et étangs strictement naturels mais il y en a peu par chez nous.

Dans le cas des landes, deux cas de figure se présentent : soit un éleveur accepte de mettre à pâturer de temps en temps ses vaches ou brebis dans les milieux à entretenir, ce qui n'est pas évident car ce sont des milieux assez pauvres, soit les brebis du conservatoire sont mises à pâturer.
Dans le premier cas, je dirais que ça change pas grand chose que les vaches ou les brebis paissent dans ces milieux ou dans d'autres. Néanmoins, c'est aussi participer d'une certaine manière à l'élevage pour la viande de demander à l'agriculteur de mettre ses vaches dans la mesure où sans élevage, pas de landes. Donc, c'est pas le mieux mais en fait, on ne peut pas dire que ça entretienne vraiment l'élevage non plus car c'est simplement un "bénéfice secondaire" dirons-nous pour préserver quelques milieux reliquats sans compter que les milieux ne sont pas entretenus uniquement pour le pâturage désormais mais par des activités de fauche et de débardage par des moyens humains (encore que pour le débardage, des chevaux puissent être utilisés).
Dans le second cas, c'est le troupeau de brebis du conservatoire qui est mis à pâturer. Les brebis sont bien traitées, par contre, je ne sais pas s'il les font se reproduire et je ne sais pas ce qu'ils font des vieilles brebis ou des brebis malades. Et puis, il est vrai que les brebis acquises proviennent forcément d'un élevage. Soit on considère que c'est leur sauver la vie, soit on considère que c'est participer là aussi à l'exploitation.
Je reviens sur le débardage avec les chevaux. Considérez-vous que ce soit de l'exploitation ?
De manière pragmatique, c'en est évidemment puisqu'on profite de la traction animale pour une activité intéressée mais, par ailleurs, les chevaux ne sont pas destinés à la boucherie, sont nourris, logés, brossés, soignés, ont de l'espace...
Ça me fait penser que ma voisine végétarienne a deux chevaux et deux ânes qu'elle bichonne, et dont elle n'attend rien si ce n'est le plaisir d'être avec eux. L'un des chevaux a une maladie qu'on appelle la fourbure, une vraie saloperie, on se demande même comment ça peut exister. Considérez-vous de vivre en compagnie de deux ânes et deux chevaux comme de l'exploitation sachant qu'ils ne proviennent sans doute pas d'un élevage pour la viande ?
Un autre truc me vient à l'esprit. Il existe en Haute-Vienne une ferme asine qui fait aussi des chambres d'hôtes, camping en yourte ou en roulotte, et qui propose des activités de randonnées avec les ânes. Plusieurs des ânes sont des ânes "de récupération" c'est-à-dire que c'est leur "seconde vie" en somme. Certains ont parfois souffert et ont l'échine bien courbe. Les jeunes propriétaires de la ferme font très attention à ne pas les charger, choisissent bien les ânes adéquats selon le type de randonnée. Les ânes sont contents de partir en randonnée. Le but est néanmoins de gagner un peu d'argent pour vivre. Peut-on parler d'échange de bons procédés avec les ânes : on vous bichonne, en contrepartie, vous faites des ballades avec les gens. Leur site est par là : http://www.anes-de-vassiviere.com/

Un coup d'oeil par là pour les conservatoires d'espaces naturels : http://reseau-cen.org/home.php?num_niv_ ... um_niv_3=3
Et aussi par là pour ce qui concerne le conservatoire du Limousin : http://www.conservatoirelimousin.com/
Je parle des landes et tourbières mais il n'y a pas que ça, sont aussi concernés les ripisylves, les mares et étangs, les bois, les marais... et tous ne dépendent pas forcément de l'activité humaine."
 
J'avais laissé de coté ce sujet (que pourtant je connais pas mal, surtout les landes et tourbières justement ^^), je vais faire une première réponse rapide, même si j'ai survolé le sujet. (le titre me semble assez éloquent)

Selon les façons de faire, l'écologie est littéralement opposée à l'anti-spécisme :

-préservation d'espèces (animales ou végétales) coute que coute, quitte à génocider d'autres espèces jugées comme nuisibles.
-aucune considération de protection pour des espèces qui ne sont pas jugées comme en danger, tant qu'un milieu est considéré comme équilibré, même avec une activité humaine.
-emploi d'espèces d'élevage pour l'entretient de milieux jugés comme naturels, ou en tout cas patrimoniaux et rares, tels que les landes et tourbières.

Une lande est un milieu particulier à mi chemin entre la prairie pacagée et la fermeture boisée, et maintenue dans cet état par le passage des animaux d'élevage justement. Une lande n'existe que par l'activité humaine, ce n'est pas un milieu "naturel" à proprement parler, même s'ils existent depuis maintenant, de fait, environ 40000 ans.

Alors certes il existe des moyens mécaniques et humains pour faire le boulot de bêtes, mais c'est sans commune mesure financière avec un simple troupeau de brebis comme celui qui appartient au CREN Limousin justement (que j'ai pu voir à l'œuvre sur la lande du cluzeau notamment). Je ne vous parlerais pas des budgets de gestion de milieux ridicules, et sans commune mesure non plus avec les budgets indécents des conférences écologiques en center parcs, c'est juste à gerber...

Les landes (différents types très différents) et leurs cortèges d'espèces, notamment les bruyères, sont fascinantes à étudier, autant au niveau botanique qu'animalier, même si ce sont souvent des animaux de passage qui n'ont de considérations pour les landes que pour s'y reposer en toute quiétude (ce sont souvent des lieux isolés et calmes), ouverts (sans arbes, dont certains rapaces migrateurs détestent), et remplis de tout ce qu'il faut pour se restaurer.

Je pourrais en parler longuement et en détail avec moult photos ^^

Leur rareté font que beaucoup d'espèces d'oiseaux migrateurs désertent peu à peu leurs routes habituelles et doivent faire des détours importants, rallongeant leurs routes, et les épuisant donc d'autant. Ceci plus des espèces entomologiques et végétales non moins rares, comme quelques espèces de plantes carnivores, font que ce sont des milieux effectivement avec un certain intérêt de sauvegarde.

La solution ? A part faire un havre pour des animaux sauvés, je n'en vois pas, pour concilier sauvegarde d'un milieu qui n'existe que par le broutage d'animaux (et encore pas n'importe lesquels pour une lande, milieu pauvre par essence).

Pour les tes tourbières, ce sont ce qu'on pourrait simplement appeler de très vieilles landes (plus de 5000 ans mini), dont le couvert épigé au raz du sol, composé principalement de sphaignes (le plus souvent), plante entre autre reconnue pour ne pas pourrir et acidiphier le sol, a constitué au fil du temps un véritable coussin de plantes mortes, maintenant en quasi non-décomposition, et s'épaississant au fil des siècles(*), au point de pouvoir retrouver de très vieux cadavres d'animaux (parfois d'humains) quasi momifiés malgré le fait d'être immergé dans l'eau.

(*) c'est pour ça qu'acheter de la tourbe, que ce soit de la brune ou de la blonde, pour se chauffer comme il fut un temps ou pour jardiner, c'est tout sauf écologique et renouvelable.

Voilou vite fait, pour commencer... ^^

Pour savoir tout ça, j'ai étudié 10 mois un cursus Bac +2 de 2 ans en GPN GEN, eu le président de la LNE du centre La Loutre comme prof, petits cours avec le Cabinet Riboulet de Solignac (expert arboriculteur), rencontré quelques personnes du CREN, de la Tourbière des Dauges, du conservatoire d'arboriculture du Vigen près de Limoges, fais 2 stages au PNRPL et bossé sur 2 landes dégradées de la forêt de Rochechouart (juste à coté de chez moi), en vue de l'élaboration d'un dossier d'inscription dans un réseau éclaté de Réserve Naturelle. (envers et contre la SAFER et la CDC, vautours par excellence)
J'ai fais l'étude phyto-sociologique préliminaire (un truc à s'arracher les cheveux quand ça ne passionne pas xD), le repérage cadastral avec l'aide des archives régionales (cadastre napoléonien et tout ^^), et rédigé les lettres de prises de contact avec les proprios...
 
Cursus impressionnant et message très intéressant. J'ai entendu parler de la SAFER (pas en bien), ce sont vraiment des rapaces (sans vouloir dénigrer les oiseaux)? :)
 
Il n'a rien d'impressionnant, ce que ne sont que des rencontres et quelques ptits cours, et stages.

Pour la Safer et la CDC, absolument, à vrai dire, concrètement, la Forêt de Rochechouart est coupée en deux, un gros tiers (disons 4/10eme) est sur la commune de Saint-Auvent, et son Maire, malgré sa volonté de racheter les terres sinistrée depuis la tempête de 99, n'a rien pu faire, la Safer (qui s'occupe de l'orientation régionale économique des terres) lui est passé devant (ce qui est déjà pas super légal), et la CDC a avancé les sous pour racheter donc ces terres aux paysans dépourvus, à un prix modique, mais toujours plus que ce que ces derniers pouvaient en espérer.

Pour quoi faire ? Pour y faire pousser du bois d'œuvre en mono culture pardi (il y a déjà du douglas à profusion de l'autre coté), et ainsi pouvoir par la suite revendre ces terrains à prix d'or. C'est de la spéculation territoriale, et bien souvent ce ne sont que les plus riches qui peuvent les reprendre, les banques notamment. (à savoir que le Crédit Agricole est propriétaire de 90% des terres agricoles par endroits, directement ou par les crédits des exploitants)

Corrections sur les titres des sites de la Safer et de la CDC :
La Safer n'est pas au service du développement agricole, mais du développement économique foncier.
La CDC n'est pas au service de l'intérêt général mais au service de l'intérêt du porte monnaie de l'Etat.

C'est facile de rendre des agriculteurs dépendants quand tu as assez d'argent pour les aliéner.

C'est pourquoi pour ce qui reste, des actions sont entreprises pour protéger ce qui reste de cet espace pas trop pourrit. Hélas il ne s'agit que d'une Znieff, c'est à une dire zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique, autrement dit ce n'est que reconnu en tant que cite "botanique et animalier intéressant", cela n'a aucune valeur légale de protection. Au PNR d'arriver à en faire une RN (réserve naturelle)
 
La Safer et la CDC ce sont des archaïsmes hérités de l'après-guerre, époque à laquelle ces organismes avait peut-être une réelle mission d'intérêt public et puis ça a dérivé, ou bien ça a toujours été comme ça ?
 
Je ne sais pas trop, mais intuitivement je dirais qu'à leurs créations il y avait certainement un intérêt commun (un peu) et le désir d'homogénéiser la gestion territoriale avec un cadre définit et des règles, mais je suis peut-être encore naïf sur ce coup-là. :p
 
V3nom":2hvbzgox a dit:
la Safer (qui s'occupe de l'orientation régionale économique des terres) lui est passé devant (ce qui est déjà pas super légal),
Je croyais que la principale caractéristique de la SAFER était justement le droit de préemption ? En quoi n'est-ce pas légal du coup ?
 
Parce que le maire avait déposé les demandes de la commune bien avant que la Safer ne débarque si je me souviens bien, et cette dernière est arrivée comme une fleur alors que l'acquisition était sur le point d'être accordée, et paf, merci bonsoir...

Puis quand bien même cela aurait été fait en concordance avec la loi, racheter des parcelles de bois mixtes pour spéculer dessus à grands renfort de monoculture, ça fait juste chier dans une forêt non-domaniale, qui va malgré tout se retrouver en partie gérée par l'ONF, qui n'a que faire de son caractère touristique, paysager et écologique...
 
Retour
Haut