Je comprends tout à fait les interrogations de Picatau, et d'ailleurs il me semble que c'est un réel piège de l'éducation non violente (mais bon, là faudrait peut-être créer un 2e fil parce qu'au départ celui là parle d'instruction, en fait, école ou pas), de s'oublier soi-même et en particulier quand on n'a pas été soi-même élevé de cette façon.
Soyons clair : dans notre société actuelle, pour la plupart des familles, les parents devront mettre leurs besoins de côté pendant un certain nombre de mois quand le bébé arrive : besoin de sommeil en particulier, pour beaucoup. Mais si on était dans une société où c'était la norme, d'estimer que les besoins d'un nouveau-né sont plus importants que ceux des adultes, eh bien tout serait mis en oeuvre pour faciliter la tâche auxdits adultes. Pour ne parler que du sommeil, déjà, rien que d'arrêter de demander aux jeunes parents "alors, il/elle fait ses nuits ?", ce qui leur met une pression dingue quand ce n'est pas le cas, arrêter de dire que le sommeil partagé c'est malsain, que ça donne des mauvaises habitudes à l'enfant et tout ça, bref, arrêter de foutre la pression ou de donner des mauvais conseils, au minimum, voire être plutôt dans l'aide active, l'écoute et tout ça, ça aiderait. C'est pas le cas actuellement.
Et donc je connais pas mal de parents qui se sont littéralement vidés pour répondre aux besoins de leur bébé, parce que eux-mêmes n'étaient pas "équipés pour" à la base (cf l'expérience dont parlait je ne sais plus qui, répondre à son enfant qui pleure quand on sécrète de l'ocytocyne, c'est chouette. Quand à cause de notre éducation, le moindre pleurs nous stresse à donf, c'est beaucoup plus épuisant), parce qu'ils étaient mal ou pas entourés. Et quand on est complètement HS, on a du mal à réaliser au bout d'un moment que ah ben là, le bébé, il a grandi, et que maintenant il peut attendre un peu pour manger qu'on soit allé aux toilettes (le nb de mamans que je connais qui ne se permettaient pas d'aller aux toilettes de la journée quand elles étaient seules avec leur enfant parce qu'il pleurait quand elles disparaissaient 3s de leur champ de vision... Pour le coup j'ai toujours eu suffisamment d'"égoïsme sain" en moi pour ne pas nier complètement ce genre de besoins vitaux. Il y a eu des périodes effectivement où quand je prenais ma douche - ça dure 3 minutes, chez moi -, Fiston pleurait non stop. Ben oui. J'expliquais avant, je me dépêchais, j'expliquais après, je le mettais en sécurité pendant ma douche, j'accueillais ses pleurs, mais zut, je prenais ma douche. Il avait le droit de pleurer, j'avais le droit de me doucher. Bref).
Donc je disais quand on a la tête dans le guidon et que l'entourage ne file que des remarques perfides en guise d'aide (ah ben tu vois, on te l'avait dit, blablabla), oui, on peut se laisser déborder très facilement. Sur les forums et les listes que je fréquente, j'en vois tout le temps qui appellent à l'aide, qui n'en peuvent plus. Et d'ailleurs en général ce qui les fait réagir c'est qu'à force de nier leurs besoins, ils ou elles finissent par devenir violent(e)s, verbalement ou physiquement (ou alors y en a qui sont tellement HS qu'ils ou elles manquent de s'emplafonner en voiture, ça calme).
Disons qu'en Suède c'est beaucoup + facile d'élever ses enfants dans la bienveillance sans s'oublier soi-même, parce que tout est fait pour aider les parents dans ce sens. Bref, ce n'est pas l'éducation non violente en elle-même qui est à remettre en question quand ça dérape comme dans les cas dont je parlais plus haut, pour moi, c'est le contexte.
Pour le fait de s'engueuler et pour en revenir à mon cas perso, bah oui ça nous arrive de nous engueuler, Fiston et moi. Mais pas si souvent, et en fait une bonne discussion en général suffit à arranger les choses. Par contre, en amont de la discussion, il y a parfois une grosse réflexion de ma part pour être claire sur mes besoins, pour ne pas raconter de conneries au Fiston.
Là le Fiston a 6 ans bientôt, et franchement depuis ses 3 ans ça roule. Il y a qq semaines un peu difficiles par an (mais ce que je considère comme des journées infernales pour moi seraient des bonnes journées chez bien des gens), le temps de ruminer ce qui ne va pas, d'éventuellement revoir mes envies à la baisse si je me rends compte que j'abuse ou s'il y a un contexte un peu particulier, d'avoir une discussion à coeur ouvert avec lui, et c'est réglé.
J'vais donner des exemples : en ce moment on a un petit problème avec Fiston, c'est qu'il adore raconter des "carabistouilles", des trucs sans queue ni tête. Lui il trouve ça super drôle, mon filleul aussi. Son père et moi, ça aurait plutôt tendance à nous coller mal à la tête (pas qu'il les dit fort, mais ça ne veut rien dire et c'est fatigant).
Donc quand on en a marre on lui demande d'arrêter. Ce qu'il fait.
Sauf que nous, on adore blaguer. Faire des jeux de mots, etc. Et du coup, Fiston s'insurge, et à raison, qu'on lui demande à lui de ne pas faire de l'humour (puisque c'est son humour à lui, finalement), et que nous on se permette d'en faire. En particulier quand on est avec des amis, où les blagues fusent, et où on demande quand même à Fiston d'arrêter de dire des trucs comme "le verre dans les oreilles qui puent", que lui considère comme une blague très drôle.
C'est parfaitement injuste. Je m'en suis rendu compte il y a 2 ou 3 semaines, quand Fiston s'est mis à faire la gueule un soir qu'on était chez des amis, en nous disant d'arrêter les carabistouilles.
Mais la solution n'est pas évidente, parce que si on le laisse faire, il n'arrête pas et franchement ça fait chier tout le monde. Mais nous non plus, on n'arrête pas de faire des blagues, on ne peut pas s'en empêcher.
On va trouver une solution, c'est certain. Ne serait-ce que parce que quand il aura 18 ans, à mon avis, il aura un humour qui se rapprochera du nôtre ^^. Mais pour le moment je sèche un peu. Donc là c'est la phase de grosse réflexion de ma part, tu vois, pour cerner le pb. Je demanderai bientôt probablement à Fiston s'il a des idées pour régler la situation, en général il en a.
Dans la lignée des carabistouilles, mais le pb a été réglé : Fiston est chez mes parents toute la semaine, et dans ces cas-là j'appelle tous les matins pour prendre des nouvelles. Il me parle s'il veut, s'il ne veut pas ça ne me dérange pas, mais au moins je discute avec ma mère pour savoir comment ça va. Premier jour, j'appelle, hop, mode carabistouilles au téléphone, et puis il commence à asticoter ma mère pendant qu'elle me parlait, appuie sur les boutons du téléphone, redemande à me parler et me raccroche au nez (ça le fait beaucoup rire, ça). J'ai pas trop apprécié. J'ai rappelé, demandé à lui parler, je lui ai dit que je ne voyais pas l'intérêt d'appeler si ça se passait comme ça, que j'avais besoin au moins d'un moment tranquille avec sa GM pour avoir des nouvelles. Après on s'envoie aussi des mails, donc pas obligé de passer par le téléphone. Fiston dit ok, je le sens bien penaud (et pourtant j'ai parlé très calmement), on discute, et pour le dérider un peu je lui dis que maintenant qu'on s'est déjà dit au revoir s'il veut il peut me raccrocher au nez. Hop, ça raccroche.
15 minutes plus tard ma mère rappelle, Fiston a le coeur gros, elle me le passe et il fond en larmes au téléphone (arg, mon coeur). Il n'avait pas fait exprès de raccrocher, en fait, et il a cru que c'était moi qui lui avais raccroché au nez. 30 minutes de discussion, de mots doux et 2 histoires plus tard (oui, lues au téléphone ^^), tout est réglé, et Fiston rassuré me passe sa GM pour que je lui raccroche au nez à elle (elle est prévenue, hein, rassurez-vous).
Bon, ça c'était mardi. Hier et aujourd'hui, j'ai eu Fiston un bon quart d'heure au téléphone, il a dit qq carabistouilles mais il m'a raconté plein de choses, il n'a pas embêté sa GM pendant qu'elle me parlait, et voilà, c'était redevenu agréable pour tout le monde. Et cerise sur le gâteau, je raccroche au nez de ma mère tous les jours (ce qui est assez plaisant, je comprends pourquoi Fiston aime faire ça ^^).
Bon, je dois filer, j'espère que la tartine sera digeste et en plus y a eu des messages entretemps donc j'espère que c'est encore vaguement d'actualité, ce que je raconte.