Jocelyne Porcher, une manipulatrice engagée

Akemi

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Jocelyne Porcher, une manipulatrice engagée
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Jocelyne Porcher, sociologue et directrice de recherche à l’Inra (Institut national de recherche agronomique) répondait en avril 2014 à une interview de Terra Eco. La mauvaise foi récurrente de ses propos m’a poussée à écrire cet article.

Distinguer pour embrouiller


Jocelyne Porcher opère une distinction qu’elle affirme essentielle et sur laquelle elle base tout son discours : “entre d’un côté l’élevage, qui est un métier très complexe, a une histoire, s’inscrit dans des enjeux identitaires et des enjeux de territoire, et de l’autre la production animale industrielle, qui a un rapport utilitariste à l’animal et qui fait usage sans limite de son corps.“ Pour elle, l’élevage industriel, qu’elle appelle “production animale industrielle”, n’est pas de l’élevage. Elle semble considérer de façon tout aussi fantaisiste que l’élevage “traditionnel” n’est pas dans un rapport utilitariste aux animaux.On peut se demander si cette distinction, qui s’écarte des significations populaires, se fonde réellement sur la réalité du terrain ?

Le bio, une forme d’élevage industriel


Porcher laisse entendre que l’élevage bio est assimilable à de l’élevage traditionnel et que les éleveurs issus de ce circuit sont des “agriculteurs résistants”. Comme si le bio était à l’écart des impératifs économiques et ne représentait pas un marché juteux. Mais, au juste, les pratiques en bio correspondent-elles vraiment à nos représentations de l’élevage traditionnel ?

L’exemple des œufs
Dans les élevages bio, exactement comme dans les “productions animales” – que j’appellerai comme tout le monde : “élevage industriel” dans la suite de cet article –, les poussins naissent dans des couvoirs. Les mâles ne pondront pas d’œufs : ils sont “donc” éliminés, broyés ou gazés. Les poussins survivants – femelles – grandiront sans aucun contact avec leur mère. Le bec des poulettes peut être épointé, sans anesthésie bien sûr, comme c’est le cas pour les autres types d’élevage. Les élevages bio sont constitués de hangars qui peuvent accueillir jusqu’à 3 000 poules. Nous sommes loin des 30 poules de chez Mémé. Par ailleurs, les statistiques révèlent 2 fois plus de mortalité pendant la période de ponte en bio qu’en élevage industriel (1). En somme, le bio, c’est loin d’être idyllique pour les animaux.

Selon Porcher, l’élevage traditionnel se caractérise par de l’“affectivité entre l’éleveur et l’animal”. Mais une telle “affectivité” n’est-elle pas purement fantasmatique ? Est-elle sérieusement envisageable dans une exploitation composée de 3 000 individus comme le sont les élevages bio de poules pondeuses ? Jocelyne Porcher laisse miroiter à ses lecteurs un élevage traditionnel qui n’existe plus depuis bien longtemps. Surtout elle laisse dans l’ombre la question de la souffrance des animaux. En effet, elle omet le fait que même dans l’élevage bovin, qu’on imagine fermier, de nombreuses pratiques sont sources de souffrances injustifiables : la séparation des veaux de leur mère, l’enfermement, les castrations, l’écornage des jeunes, le transport… L’histoire se terminant toujours par une mise à mort prématurée des animaux. Ces pratiques ne s’expliquent que par ce rapport utilitariste aux animaux qui fonde justement l’élevage.

Le sujet sensible : la mort des animaux


Porcher reconnaît toutefois que les animaux finissent tous tués dans les mêmes abattoirs, dans des conditions peu enviables. Mais rapidement, elle nous rassure quant aux “vrais” éleveurs : “ils y pensent plusieurs jours en avance, parfois ça les empêche de dormir”. Et je me demande : pourquoi tant s’obstiner à tuer les animaux si ce moment est angoissant aussi bien pour les éleveurs que pour les animaux (les premiers concernés) ? Ne serait-il pas plus simple d’arrêter de les manger et de rompre enfin ce cercle perpétuel de souffrances ?

Il n’en est pas question pour Porcher qui s’obstine à penser que l’élevage “traditionnel”, notamment le bio, est déconnecté de l’élevage industriel. Or, on l’a vu, non seulement l’élevage bio repose tout autant sur des dispositifs industriels (abattoirs, couvoirs….), mais il recoure lui aussi à la cruauté : séparations, enfermements, mutilations… Les propos de Jocelyne Porcher passent sous silence le véritable problème, celui de la souffrance et de la légitimité de la mise en esclavage des animaux. Et effectivement, ce n’est pas un hasard si le journaliste intitule l’interview de Porcher : « La question n’est pas de manger moins de viande, mais comment en manger mieux ». Son discours vise à relégitimer le fait de manger les animaux. Il constitue une véritable aubaine pour la filière dans son ensemble et, paradoxalement, tout particulièrement la filière industrielle qui utilise cette idéologie de la “viande heureuse” pour endormir les consciences.

La question est : faut-il manger des animaux ?


Dans cette société, manger des animaux ne relève pas de la nécessité mais de l’habitude et de croyances erronées. Les animaux souffrent et refusent leur mise à mort. Il est tout à fait possible d’être en bonne santé et de se régaler avec une alimentation végane. Alors pourquoi continuer à tuer des animaux ?
J’aimerais terminer ce commentaire en rendant hommage aux éleveurs qui refusent de faire tuer leurs animaux. Ceux-là sont pour moi les véritables “résistants”. L’espoir vient de ceux qui ont le courage de cesser leur activité et parviennent à transformer leur élevage en sanctuaire. J’admire leur conjoint – comme ceux évoqués dans le livre de Jonathan Safran Foer, Faut-il manger des animaux ? –, ou leur enfant (j’en connais certains), qui, en connaissance de cause refusent de manger les animaux pour des raisons éthiques. En effet, au-delà des livres d’éthique animale, ils connaissent bien le métier d’éleveur, les pratiques du terrain, “ce qu’est une vache, ce qu’est une étable”, etc. Ils ne sont pas prêts à sacrifier les animaux à “des enjeux identitaires et des enjeux de territoire”. Ni non plus, à ces enjeux dont Porcher ne parle délibérément pas, mais qui sont pourtant des enjeux primordiaux pour les éleveurs : les enjeux économiques, utilitaristes.Merci à tous ceux qui œuvrent à un monde sans abattoir et sans élevage, à un véritable monde de coopération et non plus d’exploitation entre humain-e-s et animaux.

E.V

Notes
1. Source ITAVI 2004. Taux de mortalité : 6,08% en cages désormais dites “traditionnelles”, 11,55% en bio.
 
j’estime qu’il faut manger de la bonne viande pour soutenir les éleveurs parce que cela permet de préserver un patrimoine, des paysages, des races, des pratiques. Sans l’élevage une partie des territoires français seraient dévastés.

"Cela permet de préserver"... dit autrement : "cela permet d'empêcher toutes évolutions". C'est l'éternel argument invoquant les traditions, l'histoire,, le passé justifiant le présent... bref un bel argument ras des pâquerettes.
Les territoires dévastés par l'absence d'agriculture ou d'élevage.... Mon Dieu des forêts, des jachères, des écosystèmes se reconstituants, une biodiversité augmentante !! Mais quelle horreur !
 
C'est pareil pour les guerres d'ailleurs : l'industrie de l'armement c'est des emplois, les blessés ou les morts ben ça fait des emplois dans les hôpitaux, les pompes de funèbres... et la reconstruction, ben c'est ça qui fait baisser le taux de chomage...

C'est parce qu'il n'y a plus de guerres dans notre pays, qu'il y a autant de chomage, non ?

Moralité... on ne sait vraiment pas ce qui est bon pour nous ! :p
 
snoopyne":34b0tyz5 a dit:
C'est pareil pour les guerres d'ailleurs : l'industrie de l'armement c'est des emplois, les blessés ou les morts ben ça fait des emplois dans les hôpitaux, les pompes de funèbres... et la reconstruction, ben c'est ça qui fait baisser le taux de chomage...

C'est parce qu'il n'y a plus de guerres dans notre pays, qu'il y a autant de chomage, non ?

Moralité... on ne sait vraiment pas ce qui est bon pour nous ! :p

En fait, non. Les deux guerres mondiales ont été catastrophiques pour les pays européens en terme d'économie. L'Europe y a perdu son hégémonie au profit des Etats Unis qui a su tirer profit du continent ruiné.

La prospérité des trente glorieuses ne tient pas au lendemain de la guerre, mais à la modernisation des moyens de production et à l'énergie bon marché. La natalité a suivi la croissance économique, et quand celle-ci s'est brutalement stoppé, le surplus démographique a alimenté le chômage.
 
Je crois que le côté très branlant des arguments des pro-viandes ont joué un rôle dans mon passage au végétarisme. Au font, ça serait mieux qu'ils admettent simplement qu'ils aiment bien la viande.
 
Clairement ! Je préfère les gens qui disent "j'aime la viande" plutôt que de trouver un tas d'excuses bidon.
 
snoopyne":15uk3u63 a dit:
C'est parce qu'il n'y a plus de guerres dans notre pays, qu'il y a autant de chomage, non ?
Ah ouais, celle-ci, je l'ai déjà entendue en live !!
 
Je suis en train de lire le livre de Jocelyne Porcher: Vivre avec les animaux
Enfin, je pense que la préface et les 10 premières pages m'ont suffi...

Ce sont des ami.e.s qui me l'ont prêté, parce qu'illes ne comprennent pas que je sois végane... Illes trouvent ça idiot... même si eux ne mangent quasiment pas de viande et que celle d'agriculteurs bio, petits élevages qu'illes connaissent bien (ils vivent à la campagne), les oeufs de leurs poules qu'illes traitent avec beaucoup d'affection, qui ont un énorme terrain protégé des renards et autres prédateurs...
Bref, illes pensent comme Jocelyne que le véganisme implique de se couper totalement de la nature et de laisser mourir les animaux, alors que eux veulent protéger les animaux, vivre avec eux, leur permettre de mieux vivre... (jusque là, on pourrait encore s'entendre (enfin non, mais bon...)...) en échange de quoi, on peut bien les manger...

Dans le bouquin, c'est exactement ce qu'elle dit... Les animaux travaillent avec nous (enfin, pour nous mais bon, elle dit plutôt avec nous) et comme on leur permet de vivre la belle vie, protégés et tout... on peut bien les manger...

Si on remplaçait ça par d'autres dominations... Donc par exemple, les femmes, elles sont faibles, on doit les protéger (ce sont des arguments souvent utilisés d'ailleurs), du coup, en échange c'est normal qu'elles fassent ce qu'on veut, qu'elles travaillent gratos pour les hommes... (jusque là, je peux encore suivre... même si ça me parait bien dégueulasse) et en plus, on peut les manger parce que on les a bien traitées pendant leur vie... Et qu'on les aime quand même... :mur:

Je ne comprends pas du tout la logique, et je ne comprends pas d'où vient cette idée que les véganes voudraient se couper de la nature...
Enfin, si, je comprends un peu...
Je pense qu'il est indispensable que les êtres humains arrêtent de penser que la nature a besoin d'eux et qu'illes ont tout les droits sur tout ce qui est sur Terre (et même au-delà...) sous prétexte qu'on est "plus intelligent" ou je ne sais quel argument...
Ce que je trouve encore plus bizarre, c'est que des personnes comme ces ami.e.s, qui sont décroissants, anti-capitaliste, écolo, féministes... croient à des textes de ce genre...
Et je ne sais pas non plus comment leur répondre à ces arguments, tellement ils me paraissent incohérents...

(J'ai un peu l'impression de redécrouvrir les bases du spécisme, mais je voulais partager mes réflexions sur ce bouquin, que j'ai refermé 3 fois super énervée en mode mais comment on peut écrire des trucs aussi illogiques...).
 
bintje":36kydg0f a dit:
Et je ne sais pas non plus comment leur répondre à ces arguments, tellement ils me paraissent incohérents...
Tu peux leur répondre ce que tu viens d'écrire.

Ou leur demander à quels moments leurs animaux ont été informés qu'ils sont "protégés" juste pour pouvoir être tués quand les humains en auront envie.

En fait, ça ne ressemble pas du tout à une protection, d'ailleurs. Protéger un individu des prédateurs pour prendre soi-même la place du prédateur, ça n'est pas du tout une protection. Ca ressemble plutôt au tortionnaire qui va en faire fuir un autre, en faisant croire à la victime qu'il est venu la sauver, alors qu'il est juste là pour l'opprimer et en profiter à la place du précédent.
Exemple : quelqu'un se fait braquer, l'agresseur lui demande de l'argent (pour ne pas dire pire), et là tu débarques juste à temps pour faire fuir l'agresseur... puis tu dis à la victime : "Oh non, mais maintenant, il faut me donner votre argent, puisque je vous ai sauvé. Et ne vous plaignez pas, je suis sûr que ça aurait pu être pire avec l'autre. Et non, ça n'est pas une question, c'est un ordre." (et là, on parle seulement d'argent, pas de prendre la vie)

Autre exemple : les gangs/mafias de certaines villes américaines qui vont terroriser certains commerces et demander un taxe régulière en justifiant ça par le fait qu'ils offrent une "protection"... alors qu'ils "offrent" surtout une protection contre eux-mêmes à des commerçants qui n'ont rien demandé.
 
bintje":3ief1hcl a dit:
Bref, illes pensent comme Jocelyne que le véganisme implique de se couper totalement de la nature et de laisser mourir les animaux, alors que eux veulent protéger les animaux, vivre avec eux, leur permettre de mieux vivre... (jusque là, on pourrait encore s'entendre (enfin non, mais bon...)...) en échange de quoi, on peut bien les manger...

Dans le bouquin, c'est exactement ce qu'elle dit... Les animaux travaillent avec nous (enfin, pour nous mais bon, elle dit plutôt avec nous) et comme on leur permet de vivre la belle vie, protégés et tout... on peut bien les manger...
Comme les castes Delta et Epsilon dans Le Meilleur des mondes : sélectionnées, produites à la chaine, et conditionnées pour servir la société, au bénéfice des castes dominantes. (Bon, dans mes souvenirs, les personnes Delta et Epsilon ne se font pas manger après « usage »…)

H.
 
Haricot, moi qui voulait justement lire du Aldous Huxley... :)

Quand j'entends ce genre de propos vis à vis des animaux, je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec les enfants... J'imagine mal une mère dire : "Cet enfant, oui, je vais l'éduquer et le protéger... Et après, quand il sera bien gras, je vais le bouffer !" Désolée pour le parallèle un peu trash mais vu que vous êtes aussi pour la plupart antispécistes, je sais que vous comprenez ;)
 
lors de la grossesse de ma BS, des membres de ma belle-famille étaient en train de vanter les capacités paternelles de son mec de par sa position d'éleveurs d'agneaux de viande...
bon, bah du coup la petite est déjà très en retard pour partir l'abattoir...
 
Je vais peut-être dériver un peu du sujet -et je m'en excuse- mais je ne supporte pas le terme d'éleveur. Personnellement, j'utilise le terme "exploitant d'animaux"... Ben oui, parce que si je parle "d'esclavagiste d'animaux non humains pour la nourriture", on va me faire les gros yeux :D (lors de conversations avec une majorité d'omnivores bien sûr)
 
Porcher est une ancienne exploitante reconvertie dans la "recherche" en sciences humaines à l'INRA. C'est une sociologie normative de part en part. Elle ne décrit pas mais impose un point de vue (celui que nous appellerions la "viande heureuse"). Aucune des conditions minimales de la démarche scientifique (le retour sur soi de l'enquêtrice entre autres) n'est engagée. Lisons plutôt Florence Burgat.
 
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