Il y a bientôt 6 ans, je prenais en pleines gencives la violence d’une réalité tout autant invisible qu’omniprésente. Ce que j’étais ce jour-là fût plongé dans une confusion totale et mes sentiments jouaient des coudes et se bousculèrent.
J’oscillais entre colère vive et immense tristesse, en passant par un besoin urgent d’informations et d’actions. Jamais l’envie d’hurler au monde ne m’était apparu autant impérative.
J’ignorais par où et comment entamer les choses. Et d’abord, lesquelles, de choses ? Il me semblait devoir être sur tous les fronts, à tous moments, sans relâche.
Je me projetais et m’imaginais conférencier, tout comme la personne qui m’avait en quelques dizaines de minutes, convaincu qu’il fallait agir. Au sein de la cause, plus personne n’ignore son nom. Certains de ces arguments étaient clairement pertinents et profondément impactants, d’autres un peu moins, certaines de ces positions semblaient plus que maladroites, et il s’est récemment retiré de tout activisme publique. Il s‘agit de Gary Yourofsky. Cet homme a radicalement changé ma vie et ma grille de lecture de ce monde profondément spéciste.
Malgré nos divers différends, jamais je ne serai capable de lui donner en retour le centième de qu’il m’a apporté. Une graine. La plus importante de toutes à mon sens, et la première d’une longue lignée. A jamais, merci Gary.
Mais être conférencier requiert beaucoup de temps, tout autant d’argent et d’avantage d’organisation. Tout ce que je ne possédais pas à ce moment-là. Faute de mieux, j’entrais en croisade contre tout ce qui gravitait autour de moi: les proches, les collèges, la famille, en soirée, à la terrasse d’un café, à table, sur internet, etc. Il fallait que je trouve le moyen de créer de l’écho, de donner de la voix en vue de planter, à mon tour, des graines.
Je n’y parvenais que rarement. Rien ne semblait profond. Tout paraissait rester en surface. Cela a duré 3 mois. 3 mois durant lesquels je me suis essoufflé, j’ai véhiculé une image détestable de l’antispécisme, et je me suis mis beaucoup de monde à dos.
J’ai préféré rejeter une grande partie de la responsabilité de cet échec sur moi, ne pouvant dans un premier temps détester tout le monde, et parce que le fond de la cause étant juste et rationnel, ce devait être la forme employée qui devait faire défaut.
Je me cherchais toutes les excuses du monde pour ne pas m’employer à trouver de solutions pour donner des conférences. Je me sentais inutile, et les images d’élevages et d’abattoirs tournaient en boucle, comme un disque rayé, du matin au soir, du soir au matin, dans ma tête. On peut s’échapper de beaucoup d’endroits, c’est plus compliqué lorsqu’il s’agit de sa propre tête. Rares encore sont les fois où les douleurs - que ces images entrainent - ne viennent pas déchirer mes nuits. Rares sont les jours où ces mêmes images ne viennent pas me balafrer les tripes. Rares sont finalement les instants où je n’y pense pas, où cela ne s’impose pas à moi.
Il fallait se faire violence, mais je faisais parti de ces gens qui défendent l’idée d’un anonymat sur la toile. C’est ce qui me posa problème avec les vidéos dans un premiers temps, et de toutes façons, je n’avais pas le matériel nécessaire pour m’y mettre.
A cette époque, j’avais l’immense privilège de beaucoup voyager. Aux quatre coins du monde, j’apprenais un peu plus celui-ci, et par extension, je m’apprenais. Ce n’est qu’à mon retour en France, et plus particulièrement pour un de mes anniversaires que toutes mes excuses pour ne pas agir comme je le souhaitais ont volé en éclats.
Ma famille et mes amis se sont rassemblés pour m’offrir une Go Pro, pour immortaliser des morceaux de voyages. Seulement, à cet instant, face à cet objet, je ne pensais plus du tout à la moindre destination. Je me rendais compte que j’avais en ma possession une caméra, un ordinateur et une connexion wifi. C’était le moment. S’il faut exposer sa gueule pour défendre celle des autres, allons-y.
C’est ainsi qu’a commencé mon initiative de faire des vidéos et de toucher, sensibiliser, à mon échelle, le plus de monde possible. Tout cela à commencé dans une chambre, avec une feuille, un stylo, des doutes plein la tronche et la rage au bide.
Et c’est à chaque fois la même rengaine.
Il s’en est passé du temps depuis cette première fois. Des vidéos, des commentaires, des rencontres, de la force, des marches avants, des marches arrières, des fou-rires, des hauts, des bas… Mais avec toujours en tête cette idée: donner de la voix pour celles et ceux que l’on refuse d’entendre. Parce que oui, ils.elles en ont une.
Comme beaucoup d’entre vous, je crève à chaque fois qu’on les crève. J’étouffe à chaque fois qu’on les entassent. Je chiale jusqu’à plus de larmes ce monde spéciste, la violence qui en découle et la sourde oreille environnante.
Plus de 1.000.000.000.000 d’animaux non-humains exploités, tués, dans une indifférence quasi totale, et les catastrophes écologiques que l’on connait qui en découlent.
Et vous voilà, nous voilà, aujourd’hui plus de 20.000. Depuis cette chambre, cette feuille blanche et un monde à construire, on en a fait du chemin. Et ce n’est que le début.
Merci, merci, merci à chacune et chacun d’entre vous.
Pour la force, pour vos messages (impossible de vous répondre à toutes et à tous…), vos commentaires, vos retours sur mes vidéos qui vous ont ouvert les yeux, vos tipeee, vos partages, vos pépites que vous me partagez, vos regards et sourires lorsqu’on se croise, et toutes les choses que j’oublie.
Et en même temps, je n’oublie pas.
C’est que le début maggle.
Encore merci. 20.000 fois.
(M'en veux pas si tu crames des fautes, je t'ai tout lâché d'un coup maggle)