Dossier du monde diplomatique

bintje

Allergique à la chlorophyle
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Lille
Dans le monde diplomatique de juillet, on peut trouver un "dossier" sur le véganisme...
Dont voici le sommaire:
PAGES 20 ET 21 : Cochons, taureaux, mulots, à la barre ! par Laurent Litzenburger.
« Homo sapiens » n’a plus le monopole des droits, par Jérôme Lamy.
PAGES 22 ET 23 : Retour au jardin d’Éden, par Evelyne Pieiller.
De Baudelaire à YouTube, le sourire du chat, par Catherine Dufour.

Et l'article phare: Le temps des charcutiers végétariens PAR BENOÎT BRÉVILLE
(que je vous mets ci-dessous en spoiler).

Si vous avez le temps et l'envie, ça m'intéresserait d'avoir des avis sur cet article...
Personnellement je le trouve à charge des végans sans arguments de fonds...
Je trouve qu'il essaie un peu de tourner au ridicule (voir de culpabiliser) les véganes...
Sans compter qu'il cite Jocelyne Porcher comme si elle avait trop raison :p

Ce Benoît va faire une conférence ce weekend à un festival où je me rends, et j'ai bien envie de faire entendre une autre version de ce qu'est l'anti-spécisme en répondant à certains de ses arguments... Donc si vous avez des idées :pouces:

Par ailleurs, il est un peu dommage qu'ils ne semblent pas avoir pensé que des articles écrits par des véganes/antispécistes auraient pu être bienvenus dans un dossier comme ça...
Voir que les journalistes lisent des livres écrits par des végans... Plutôt que de se contenter d'énoncé des banalités ...

LE MONDE diplomatique – JUILLET 2018
L’ANIMAL, UN CITOYEN COMME LES AUTRES ?

Lors de l’épreuve de français du baccalauréat 2018, les candidats étaient invités à défendre la nécessité d’une Déclaration des droits des animaux. Après avoir pénétré
les facultés de droit et les tribunaux (lire page 20), la question animale s’est ainsi introduite dans les lycées. Les humains ont toujours entretenu des relations ambiguës
avec les bêtes, comme l’illustrent les procès de porcs au Moyen Âge (lire page 20) ou la fascination pour le chat, tour à tour sacralisé et diabolisé (lire page 22). Unanimement admise pendant des siècles, la supériorité humaine sur les autres créatures se trouve aujourd’hui remise en cause (lire page 22), et le refus de tuer pour se nourrir gagne du terrain. Ce qui ne déplaît pas aux multinationales de la boucherie (lire ci-dessous)...


Le temps des charcutiers végétariens

PAR BENOÎT BRÉVILLE

BIENTÔT , les vaches françaises pourront mourir joyeusement : en vertu d’une loi votée en mai dernier par l’Assemblée nationale, chaque abattoir sera doté d’un responsable du bien-être des animaux, qui veillera à ce que les bêtes soient bien « étourdies » – c’est-à-dire électrocutées ou gazées – avant leur exécution. Pas sûr que cela suffise à la France pour obtenir un meilleur indice de protection des animaux – note attribuée par des organisations non gouvernementales (ONG) en fonction de la législation. Avec un médiocre C, la France occupe le ventre mou de la cinquantaine de pays étudiés, loin devant la Biélorussie, l’Azerbaïdjan et l’Iran, où l’on se désintéresse totalement du sujet, mais largement derrière l’Autriche, qui interdit pêle-mêle l’élevage de poulets en batterie, le commerce de fourrure, les expérimentations médicales sur les singes, la castration à vif des porcelets, le gavage des oies...

La question de la souffrance animale ne s’est pas seulement invitée dans les Parlements. Elle occupe une place grandissante dans le débat public et les milieux militants, en particulier écologistes.
Sur Internet, des vidéos virales dévoilent l’horreur des abattoirs et de l’élevage industriel. Sous la pression d’associations, plusieurs grandes compagnies de cirque (Joseph Bouglione en France, Barnum aux États-Unis...) ont récemment cessé d’utiliser des animaux dans leurs spectacles, et des chaînes de supermarché ont retiré de leurs étagères
les œufs des poules élevées en cage. Quant aux librairies,leurs rayons se couvrent de livres vantant les mérites du régime sans viande.

En France, et davantage encore en Allemagne, dans les pays scandinaves, au Canada ou en Israël (Tel-Aviv revendique le titre de capitale végétalienne du monde), le nombre de végétariens ne cesse d’augmenter. Leur proportion dans l’Hexagone varie, selon les études, de 3 à 6 % de la population (contre 8 à 10 % outre-Rhin), et on dénombrerait même 1 % de véganes, qui ont exclu toute forme d’exploitation animale de leur mode de vie – manger du miel comme porter de la laine. On compterait en outre un quart de flexitariens, une notion floue désignant les personnes soucieuses de réduire leur alimentation carnée sans pour autant l’abolir. Si la sensibilité à la souffrance animale n’est pas la seule motivation pour changer de régime – des raisons diététiques ou environnementales peuvent y conduire –, l’idée que l’on peut se passer de viande gagne du terrain.

Les récentes avancées de la cause animale sont notamment à porter au crédit de ses militants. Associant des objectifs de court terme (la fermeture d’un abattoir ou d’un delphinarium) et un projet plus général (la libération animale), ils mènent un lobbying frénétique auprès des représentants politiques. « C’est cinquante mails par jour que nous recevons sans discontinuer, tous [les députés de La République en marche], sur la question des violences animales », constatait récemment le député Gilles Le Gendre (1). Ils s’introduisent clandestinement dans les hauts lieux de l’agrobusiness pour en filmer les dessous et sensibiliser l’opinion à coups d’images-chocs. Nombre de convertis expliquent ainsi avoir franchi le pas après avoir visionné certaines de ces vidéos – des vaches que l’on vide de leur sang vivantes, pour que cela aille plus vite ; des poussins mâles broyés par milliers (2)...
Pour s’assurer un écho médiatique retentissant, la cause animale peut en outre compter sur le concours d’une ribambelle de vedettes nationales (en France, les journalistes Franz-Olivier Giesbert et Aymeric Caron, la chanteuse Mylène Farmer, le moine bouddhiste Matthieu Ricard...) et internationales. Tandis que Leonardo DiCaprio subventionne la protection des éléphants, Angelina Jolie et Brad Pitt se consacrent à la vie sauvage en Namibie. Quant aux comédiennes Penélope Cruz, Pamela Anderson, Natalie Portman et aux chanteurs Justin Bieber,
Morrissey, Paul McCartney, Bryan Adams, Moby, ils participent tous aux croisades de l’association People for the Ethical Treatment ofAnimals (Pour une éthique dans le traitement des animaux, PETA), l’une des plus puissantes du mouvement de défense des animaux, qui affectionne les campagnes publicitaires où des femmes nues apparaissent
dans des positions suggestives.
Que Hollywood soit ainsi devenu l’un des centres névralgiques de la cause animale ne manque pas d’ironie. Quand il s’est imposé dans le Royaume-Uni des années 1970, le mouvement de libération animale empruntait à l’esthétique punk et s’identifiait à une contre-culture. Ses militants, souvent baptisés « écoguerriers », et dont certains ont fini en prison, pratiquaient l’action directe, le sabotage des moyens de transport, le saccage des bâtiments de l’industrie alimentaire et des groupes pharmaceutiques. Leurs premières cibles étaient les manifestations bourgeoises de l’exploitation animale, telles la chasse à courre ou les courses de lévriers, des pratiques témoignant selon eux de l’imbrication des dominations sociale et « spéciste » (3).

FORGÉ sur le modèle au début des des termes années « racisme » et « sexisme », ce néologisme apparaît au début des années et devient rapidement le socle idéologique du mouvement de libération animale. Selon les Cahiers antispécistes, une revue française fondée en 1991, « le spécisme est à l’espèce ce que le racisme est à la race, et ce que le sexisme est au sexe : une discrimination basée sur l’espèce, presque toujours en
faveur des membres de l’espèce humaine ». Il conviendrait donc de libérer les animaux comme on a jadis émancipé les esclaves ou les femmes – à cette différence notable que les principaux concernés ne risquent guère de se joindre à la lutte. Il y eut par le passé de nombreuses voix pour prôner le végétarisme et refuser de tuer des animaux. Au VIe siècle avant notre ère, par souci de non-violence et parce qu’ils croyaient à la transmigration des âmes, le mathématicien Pythagore et ses disciples s’abstenaient de manger de la viande. Plus de deux millénaires après, des sectes évangéliques et puritaines continuaient de bannir les produits carnés, espérant ainsi « vaincre la chair et faire triompher l’esprit (4) ». À partir des années 1960-1970, on justifie le végétarisme par l’égalité entre les
espèces, qui seraient toutes composées d’êtres sensibles à la douleur, capables de réfléchir et de communiquer (lire l’article d’Evelyne Pieiller page 22).
Peu à peu, le symbole de la lutte animaliste s’est déplacé de la chasse à courre et de la fourrure à l’industrie de la viande. Le sujet a en effet de quoi mobiliser. Chaque semaine, selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus d’un milliard d’animaux terrestres sont tués pour remplir les estomacs humains, sans compter quelque vingt milliards de poissons et crustacés (5). Afin de satisfaire une demande toujours croissante, en particulier dans les pays du Sud, il faut produire et tuer le plus rapidement possible, au plus bas coût. La zootechnie – la science des productions
animales – a donc modelé les bêtes aux besoins de l’élevage, pour qu’elles grandissent plus vite, pour que les pis des vaches s’adaptent mieux aux machines à traire, etc. « Les animaux d’élevage sont ainsi devenus des “machines animales” au service d’un projet industriel d’exploitation de la “matière animale” », analyse la sociologue et agronome Jocelyne Porcher (6).

À certains égards, l’animal constitue un obstacle pour l’industrie agroalimentaire – il faut l’héberger, le nourrir, le soigner... –, qui n’aura aucun scrupule à s’en détourner si elle trouve une matière première plus rentable.

Investi par les fonds de pension et les start-up de la foodtech, le secteur du simili-carné est en plein développement. Avec l’argent de Google, des scientifiques américains s’emploient à cultiver des steaks in vitro à partir de cellules souches – un projet salué
avec enthousiasme par PETA. Tandis que le souci d’une alimentation végétarienne se développe, de nouveaux produits apparaissent dans les épiceries: des saucisses à base de pois, des jambons « sans viande mais riches en protéines »... Ces mixtures qui ont l’apparence, la texture et prétendument le goût de la viande sont souvent concoctées par des multinationales de la boucherie ou de la charcuterie, comme Fleury-Michon, qui a créé en 2016 la gamme Côté végétal, Herta (Le bon végétal), Aoste (Le végétarien) ou Le Gaulois (Le Gaulois végétal). Et elles n’ont pas grand-chose de naturel. Pour préparer son cordon bleu « végétal » (vendu par une grande enseigne 67 % plus cher que son équivalent carné),
le volailler Le Gaulois doit par exemple mélanger pas moins de quarante ingrédients, dont la maltodextrine (support d’arôme et agent de charge permettant d’augmenter le volume d’une denrée), le poireau et le blanc d’œuf en poudre, la gomme de xanthane (gélifiant), la carraghénane (épaississant et stabilisant), les protéines de soja réhydratées, le citrate de sodium (conservateur régulateur d’acidité, aromatisant), etc.
L’engouement végétarien peut paradoxalement générer une nourriture de plus en plus artificielle, renforçant ainsi la mainmise de l’agro-industrie sur la chaîne alimentaire.

APANAGE des classes supérieures durant des siècles, la viande a « changé de camp sociologique» : les ouvriers et les personnes sans diplôme en consomment désormais davantage que les cadres et les diplômés, souligne Terra Nova, une fondation qui se propose de contribuer à la « rénovation intellectuelle de la gauche progressiste » en invitant à « saisir les opportunités d’une alimentation moins carnée » et en s’appuyant sur « les secteurs les plus prometteurs de la foodtech » (7).
Désormais, les plus favorisés se distinguent en renonçant à la viande, par sensibilité à la cause animale comme par souci de leur santé, et le végétarisme se transforme en étendard. Il s’agirait du « nouveau régime à la mode », selon l’hebdomadaire Le Point (13 juin 2015). « Bien manger en zappant l’animal n’a jamais été aussi branché », abonde le magazine Elle (1er juillet 2016). Quant à la styliste Lolita Lempicka, spécialisée dans le textile onéreux mais 100 % végétal, elle vante son « business glamour et végane (8) ». La bataille contre la viande ouvre-t-elle un nouvel épisode de la guerre des classes ?
Les restaurants végétariens sont déjà devenus les symboles de l’embourgeoisement des anciens quartiers populaires. Tout en éveillant les consciences sur la réalité de l’agro-industrie, les vidéos de l’association L214 contribuent à stigmatiser les ouvriers des abattoirs, dont les commentateurs se plaisent à discuter le manque d’empathie. Mais peut-on vraiment attendre d’un saigneur voyant défiler entre ses mains, en vingt-cinq ans de carrière, de six à neuf millions de bêtes, qu’il traite chacune avec délicatesse (9) ? Introduire la vidéosurveillance dans les abattoirs ne ferait à cet égard que renforcer le contrôle exercé sur des ouvriers déjà soumis à des cadences infernales. Le bien-être des animaux d’élevage passe par celui des travailleurs de la filière, et tous deux
dépendent du même impératif : ralentir la chaîne.


(1) Conférence de presse à l’Assemblée nationale, 23 mai 2018.
(2) Le film Earthlings («Terriens »), réalisé par Shaun Monson (2005) et narré par Joaquin
Phoenix, présente de telles images, tout comme les grandes plates-formes de vidéos en
ligne.
(3) Marianne Celka, Vegan Order. Des éco-warriors au business de la radicalité, Arkhê,
Paris, 2018.
(4) Selon les mots d’un théoricien végétarien du XVII e siècle, cité dans Arouna P. Ouédraogo,
«De la secte religieuse à l’utopie philanthropique. Genèse sociale du végétarisme occidental»,
Annales, vol. 55, no 4, Paris, juillet-août 2000.
(5) «Livestock primary», http://www.fao.org
(6) Jocelyne Porcher, «Ne libérez pas les animaux ! Plaidoyer contre un conformisme
“analphabête” », La Revue du Mauss, no 29, Paris, premier semestre 2007.
(7) « La viande au menu de la transition alimentaire», 23 novembre 2017, http://www.tnova.fr
(8) Cité dans Patrick Piro, « Nouveau REV pour l’écologie », Politis, Paris, 17 mai 2018.
(9) Selon un calcul effectué par Jocelyne Porcher. Cf. Vivre avec les animaux. Une utopie
pour le XXIe siècle, La Découverte, Paris, 2014.
 
Je viens de recevoir celui d'Aout et j'ai pas encore lu celui de juillet... J'imagine que c'est trop tard pour le partage d'idées. (désolééé :'( )

Je vais malgré tout essayer de le lire demain et d'en faire un retour, mais avec cette chère Porcher citée en référence, ça pue du cul violent d'entrée de jeu.

Tu y as été à cette conférence ? Qu'est-ce que ça a donné ?

Edit : 2 sont en audio, je vais pouvoir gagner du temps.
 
Finalement il a annulé sa venue au festival (il a du savoir que j'allais lui répondre :p).
Mais ça m'intéresse quand même d'avoir des retours sur l'article et le dossier...
J'aimerais essayer de prendre le temps de faire une réponse au monde diplo, parce que je trouve que faire un dossier là-dessus sans mettre d'articles de personnes véganes c'est un peu limite niveau honnêteté intellectuelle...
 
Sur l'article en question je ne vois rien à redire, je ne le trouve pas particulièrement mauvais (il est banal comme tu dis), ni à charge ou quoi que ce soit, en tout cas je vais acheter le mensuel. :)
 
bintje":3mezzyym a dit:
je trouve que faire un dossier là-dessus sans mettre d'articles de personnes véganes c'est un peu limite niveau honnêteté intellectuelle...

Absolument d'accord, et ce malgré tout le bien que je pense du Monde diplo.

Je vais essayer de lire les articles mais c'est compliqué car je suis en train d'aider ma compagne sur son mémoire de fin d'études psycho à rendre bientôt. ^^
 
J'ai lu le dossier au moment de sa sortie. Les papiers des universitaires Lintzenburger et Lamy sont plutôt neutres et informés. Le texte de Bréville est particulièrement dégueulasse. C'est une tentative pour démontrer entre autres que le véganisme est "socialement situé" (ce serait une pratique bourgeoise ou petite-bourgeoise selon lui) et que le mouvement se soucie assez peu, finalement, des conditions dans lesquelles vivent les humains dominés notamment ceux qui travaillent dans les abattoirs. Il fallait bien justifier (très maladroitement) la ligne du Monde diplo, avec laquelle je suis par ailleurs en accord. Mais le texte de Bréville n'est pas informé et fait un contresens absolu sur la signification du véganisme qui est une contribution à l'intégration des animaux dans le combat contre toutes les formes de domination et d'exploitation. Le texte de la critique littéraire Pieiller est une attaque contre ce qu'elle présente comme les incohérences ou les dangers de la notion de sentience en tant que critère de définition des espèces auxquelles les véganes portent intérêt et attention. Mais rien n'est étayé, et Pieiller ne maîtrise pas le contenu de la philosophie éthique qui fait de la sentience un critère majeur de détermination des pratiques militantes véganes.
Je suis le plus souvent sur la même ligne que le Monde diplo, mais ce numéro révèle surtout les difficultés du mensuel à intégrer le véganisme dans les problématiques militantes de gauche. Il suffisait, comme tu le suggères bintje, de donner un espace à des auteur-e-s comme Burgat, Bonnardel, Kimlicka, Llored, etc.
 
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