Comprendre votre philosophie

Ce sont bel et bien deux choses différentes.

Le véganisme est un mode de vie. Il consiste à ne consommer aucun produit d'origine animale (ou testé sur des animaux) et à boycotter les activités nécessitant l'exploitation d'animaux (cirque, zoo, aquarium...).

L'antispécisme est un courant de pensée. Il consiste à rejeter la hiérarchisation des espèces. Chaque être sentient est considéré comme un individu dont les intérêts doivent être pris en compte de manière égale.


Ça me semble possible d'être végane sans être anti-spéciste. Par exemple: une personne pourrait être végane parce qu'elle est opposée l'exploitation des animaux tout en estimant que la vie d'êtres humains est plus importante que la vie d'autres espèces.
 
L'antispécisme consiste seulement à reconnaître que chaque individu sentient à des intérêts, et qu'il n'y a aucune raison respectant un principe basique de justice qui permette de considérer que leurs intérêts devraient être considérés de moindre façon.
Tous les véganes ne sont pas des antispécistes "appliqués", mais la plupart sont proches de ce mouvement et s'en servent comme base argumentative.

Pour la question de la nature, effectivement il y a beaucoup (probablement une majorité) de véganes (et également une bonne partie d'antispécistes) qui ont une vision sacralisante de la nature. Mais comme tu l'as très justement fait remarqué, il n'y a pas de liens intrinsèques avec l'antispécisme ou le véganisme fondé sur de l'éthique.

Pour reprendre un exemple caricatural du bingo, la question de sauver une vie humaine ou X^x vies d’animaux non humains ne se pose absolument pas pour moi.

Si tu avais le choix entre un humain torturé à mort et 12 quintillons de chiens torturés à mort, que choisirais-tu ?
Ca ne me semble pas raisonnable d'avoir un système tellement rigide qu'il refuserait d'assigner une valeur nulle aux intérêts autre que ceux de l'être humain. C'est le même genre de rigidité qui existe dans tous les autres systèmes de discrimination; Il suffit de nommer une catégorie sociale et de lui attribuer des valeurs qu'on va qualifier de "dignes" pour se justifier de dominer tout le reste.
Le blanc civilisé, qui va dans les contrés reculées d'Afrique, afin de donner un sens à la vie des "sauvages" qui vivent là-bas en les soumettant à ses "nobles désirs", et en les faisant participer à ses "nobles aspirations".
La question serait donc: sur quoi bases-tu tes valeurs humanistes, et qu'est-ce qui fonderait selon toi leur légitimité pour bénéficier à tous ?
Nos valeurs en tant qu'antispécistes (je pense que tu le sais déjà) se basent sur le fait que chaque être sentient a la capacité de souffrir et d'être heureux, et qu'ils ont par conséquent un intérêt pour eux-même, un intérêt intrinsèque, indépendant de n'importe quel observateur extérieur.
Cet intérêt ne devrait pas être disqualifié sous pretexte que nous sommes humain et que seul notre intérêt primerait.


Tu es né.e et as vécu (comme nous tous) dans un système qui a toujours exercé une domination absolue sur certains animaux, de sorte que tu as toujours admis qu'ils devaient être soumis à nos désirs. Ils n'ont pas plus de raisons de l'être que n'importe quel autre humain pour qui le sexe, la condition et les aptitudes ne devraient pas non plus être des critères disqualifiant.
 
Salut Hemenate ! et bienvenue par ici.

NicolasJ":z0bpqyzw a dit:
Pour la question de la nature, effectivement il y a beaucoup (probablement une majorité) de véganes (et également une bonne partie d'antispécistes) qui ont une vision sacralisante de la nature
Je ne vois pas ce qui te permet d'affirmer ça, et j'aurais plutôt dit le contraire (et que c'est plutôt l'argument que sortent les gens qui veulent surtout ne rien changer).
NicolasJ":z0bpqyzw a dit:
Si tu avais le choix entre un humain torturé à mort et 12 quintillons de chiens torturés à mort, que choisirais-tu ?
Hemenate, en général, dans la vie de tous les jours on se contente de ne pas acheter de viande ni de fromage, et c'est plutôt simple ! on n'est pas obligé de se poser tous les jours ce genre de question rhétorique. Après ce sont des discours intéressants, l'antispécisme, des gens très bien y réfléchissent et c'est passionnant, mais perso ce n'est pas cela qui m'a fait changer ma conduite, ces réflexions sont venues après.
 
Je ne vois pas ce qui te permet d'affirmer ça, et j'aurais plutôt dit le contraire
Tu as raison, je n'ai pas de chiffre, seulement un ressenti personnel. Il me semble simplement que l'idée qu'il faille conserver la nature, parce que... la nature quoi, est une idée autant répandue chez les non véganes que les véganes (sauver les lions et autres mammifères en voie de disparition, ce genre de choses). Je ne parlais pas d'appel à la nature, je reprenais surtout l'idée de Hemenate qui avait été exprimée par la personnalisation de la nature.
 
Un non convaincu qui poste après avoir vraiment fait des recherches et avoir réfléchis de son côté, c'est tellement rare et beau que j'en suis émue dans mon petit cœur :calin: .

Je pense que si tu restes confus quant au "point de vue" végane sur l'antispécisme et le concept de Nature malgré le fait que tu te sois autant renseigné, c'est parce que ce sont des concepts qui sont flous, aux définitions variables selon les individus et qui sont généralement tout de même considérés comme assez "évidents" pour ne pas être expliqués par les personnes qui les utilisent.

Je vais ici parler de la notion d'antispécisme comme je la comprends, c'est à dire la négation de fondements valides à toute discrimination entre les espèces. J'ai pu lire ici ou là d'autres définitions moins intuitives (quand la définition d'un mot s'éloigne trop de sa forme j'ai du mal à la retenir donc je ne saurais pas les présenter).

Mon point de vue concernant l'antispécisme c'est que c'est souvent une porte d'entrée vers l'éthique étendue aux animaux non humains quand on se pose la question de la justification des différences de traitement entre les espèces (chiens-chats vs animaux d'élevage).
Ça a été ma porte d'entrée vers le véganisme dans une réflexion un peu différente puisque je me suis posée la question de savoir pourquoi il serait immoral de tuer un humain (je n'avais pas du tout en tête les anh initialement donc).
Cette réflexion étant longue à retranscrire (même si courte en réalité, c'est le passage tête-mots qui rend ça plombant), chiante et déjà postée ailleurs sur le forum je vais l'épargner (en plus c'était quand j'avais 15 ans donc mes opinions ont évoluées depuis même si elles ne sont pas forcément arrêtées).

Cela dit même si l'antispécisme semble être souvent invoqué pour expliquer un basculement éthique vers le véganisme, je pense qu'on peut tout à fait placer arbitrairement des espèces au-dessus des autres sans que cela n'invalide la remise en cause de l'élevage dans la plupart des cas, car même si l'on admettait que l'humain vaut infiniment plus que toutes les autres espèces puis que, parmi ces espèces, le chien vaut plus que la vache, ça n'empêcherait pas de penser que même si la vache vaut moins que moi et mon chien ça ne justifie pas que je la fasse souffrir délibérément et que je la tue pour un motif trivial (le goût ici).

Quant au concept de Nature je pense que c'est loin d'être une plaie propre au véganisme malheureusement.
Pour moi la "Nature" est parfois le substitut qu'utilisent certains athées pour remplacer "Dieu" (pour les athées qui n'assument pas de rompre totalement avec les "évidences" héritées de nos cultures en tout cas, qu'elles concernent nos rapports avec les autres animaux ou non). Je le vois donc comme un argument d'autorité, une facilité qui permet de rejoindre n'importe quelle opinion (souvent majoritaire) sans avoir à réfléchir à ses fondements.
Par exemple les monothéistes disent que ce n'est pas bien d'être homosexuel (ou de se masturber, ou la sodomie, ou...) car Dieu a créé l'homme et la femme comme complémentaires et le sexe a pour but la procréation, tout ce qui s'éloignerait de ce but serait donc condamnable.
Les athées homophobes disent que le sexe est apparu durant l'évolution dans le but de procréer, de continuer l'espèce, donc que l'homosexualité est contraire à la Nature (plusieurs athées m'ont sorti ça, d'où cet exemple spécifiquement).
Dans cette optique je trouve les religieux beaucoup plus honnêtes intellectuellement puisqu'ils admettent que leur raisonnement s'appuie sur une croyance alors que les athées qui s'appuient sur la "Nature" la voient comme une connaissance scientifique, mais c'est pas le problème.
Le concept de Nature est souvent associé à ce qui est "bon", "propre", "sain", "évident" bref c'est flou au possible et ça ne veut effectivement rien dire en soi.
Je pense qu'on a aussi des fils sur le forum où ça a été discuté mais je suis nulle avec la fonction de recherche.

Tout ça pour dire qu'il n'y a pas de consensus végane concernant les notions d'antispécisme et encore moins de Nature et je pense qu'il n'y en aura jamais car il ne peut pas y avoir de ligne de pensée imposée quant on touche aux valeurs morales. Même les religions qui sont sensées unifier sous un même dogme se scindent toujours en sous groupes, alors imagine bien qu'un mouvement social sera encore moins évident à unifier puisque aucun dogme ne peut y être imposé (aucune autorité ne serait légitime pour le faire en tout cas).

[Et là on retombe un peu sur les fondements même de la morale -naturalistes, positivistes, nihilistes, relativistes, jemenfoutistes- mais c'est probablement pas l'objet de ta question donc je m'en vais dormir maintenant :zzz: ]
 
Hemenate":2pr2da4m a dit:
Si je peux envisager de ne plus consommer de PA (en tout cas théoriquement pour le moment) par compassion envers les souffrances des animaux non humains, je ne me vois absolument pas remettre en cause mes conceptions humanistes (entendues comme philosophie qui place l'homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs).

Cela n'implique pas nécessairement la remise en question de tes conceptions humanistes. De mon point de vue, c'est simplement une continuité et un élargissement de celles-ci. Reconnaître les questions de justice dont doivent jouir tous les autres animaux, c'est reconnaître que cette suprématie humaine se fait aux détriments d'autres espèces.
Depuis que je suis môme, on m'a toujours dit de défendre les plus petits et de ne pas m'en prendre à eux. C'est exactement la manière dont je conçois le fait de vivre en prenant en compte l'éthique animale.

Sur le sujet je t'invite à lire :

- L'article de blog de F. Coté-Bourdreau : L’humanisme comme arme de destruction massive. Publié en 08.2014
- Le livre "La violence de l'humanisme" de P. Rouget, publié en 04.2014
(pas eu l'occasion de lire ce dernier, il à l'air passionnant).

En fait, je suis pour un humanisme antispéciste...
 
Hello, Hemenate !

Je te suggère aussi l’article Mes excuses aux végans , d’un gars qui ne l’est pas mais dont le cheminement semble proche du tien.

Extrait :
Yann Kindo":2mrveo8o a dit:
En plaçant à tort le mouvement végan au cœur de l’écologie profonde, je le voyais comme une version radicale de l’écologie politique, une sorte de déclinaison de la mouvance « Earth First » et autres adorateurs du « naturel » pour qui l’espèce humaine serait une sorte de nuisance sur la planète. Or, il n’en est rien, et c’est presque l’inverse qui est vrai, en toute logique. En effet, l’attitude végan n’a strictement rien de naturelliste , elle ne postule pas du tout que ce qui est naturel est bon et bien, au contraire, puisque son fondement consiste à choisir pour un être humain de faire quelque chose de complètement artificiel qui va à l’encontre de sa propre « nature », au sens de : « ce à quoi sa biologie le pousse ». C’est une position morale correspondant d’une certaine manière à une forme d’humanisme radical, plus que d’écologie radicale, reposant sur la volonté d’infliger le moins de souffrances possibles à autrui, autrui pouvant être d’une autre espèce que la nôtre.

[…]

Le véganisme ne tire aucune conclusion morale d’un supposé ordre naturel - ce qui est là aussi conforme à l'esprit de Darwin - , et il se fonde sur le progrès et de la connaissance scientifique et de la morale pour faire un choix absolument non naturel.
(Bon, là, j’avoue qu’il enjolive la chose : nombre de véganes tentent même de faire croire que les humains sont « naturellement herbivores » [Et ça me fait chier !])


Quant à l’idée de mettre un terme à la prédation, tu as bien vu que les opinions étaient loin d’être unanimes. C’est aussi parce que c’est impossible à mettre en œuvre actuellement et que ce n’est donc « que » un sujet de pure philosophie spéculative. Mais il n’est pas inintéressant pour autant.

H.
 
A ce propos, quelqu'un a-t-il lu "L'animalisme est un anti-humanisme"
 
Merci Haricot pour cet extrait intéressant,
perso quand on me demande si je pense que l'humain est naturellement herbivore ou carnivore et si la Nature bla-bla-bla, je fais mine de réfléchir, et puis je dis que c'est un sujet intéressant, qui mérite qu'on y réfléchisse longtemps, et que pendant qu'on cherche, bah tiens, on n'a qu'à dire qu'on arrête de manger de la viande, et quand on aura trouvé LA réponse, on se demandera si on recommence !
 
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