Au Sud, la faim gagne du terrain ...

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29/3/08
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Source : La Croix
http://www.la-croix.com/article/index.j ... ubId=1094#

Une excellente récolte et la baisse de la demande en matières
premières ont stoppé la flambée des cours agricoles mondiaux,mais les
prix des denrées restent chers


Depuis septembre dernier, les bulles spéculatives qui s’étaient
formées sur les marchés immobiliers, des actions et des matières
premières éclatent les unes après les autres, faisant dégringoler
leurs prix.

Les produits agricoles n’ont pas échappé à la tendance. « Après une
flambée des prix des céréales et des huiles en 2006 et 2007, les prix
ont retrouvé, en six mois, leur niveau de la fin de 2006. Mais il
s’agit de prix encore élevés si l’on se réfère au début du millénaire
», note Catherine Mollière au Crédit agricole.

Les émeutes de la faim

En juin dernier, les pays membres de l’ONU débattaient à Rome des
moyens de combattre cette flambée des prix. Elle entraînait, dans les
pays en développement, des « émeutes de la faim ». Un peu partout dans
le monde, des hommes et des femmes dépensaient davantage d’argent pour
s’alimenter et réduisaient leur consommation de produits de base.

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, constatait alors que « ce
sont les pauvres des pauvres qui souffrent le plus de cette situation,
car ils dépensent les deux tiers de leur budget dans l’alimentation ».

Sept mois après, alors que les cours mondiaux se sont écroulés,
l’inquiétude reste présente dans les pays du Sud. « Le problème est
loin d’être résolu. Au niveau local, les baisses des cours mondiaux ne
se répercutent pas immédiatement sur les marchés. Ces variations
montrent aussi que l’on n’a pas supprimé la volatilité des cours.
Celle-ci empêche les États de prévoir leurs ressources », estime-t-on
au ministère français des affaires étrangères.
De bonnes récoltes en 2008

2008 aura été une excellente année de récoltes. « L’année a bénéficié
d’un climat favorable dans presque toutes les zones de production. Le
rendement a atteint un niveau record en blé, élevé en maïs et en soja
», note Catherine Mollière.

Encouragés par la flambée des cours, les agriculteurs africains et
européens ont beaucoup plus planté et ainsi plus récolté. Du coup, les
stocks mondiaux, au plus bas il y a encore six mois, commencent à se
reconstituer. « Les stocks sont encore faibles mais ils ne sont plus à
un niveau critique », constate Christophe Gouel, au Centre d’études
prospectives et d’informations internationales (Cepii).

L’existence de ces stocks rassure et aide à limiter la spéculation et
la volatilité des prix qu’elle entraîne. Du côté des prix du fret, le
retournement des cours mondiaux est encore plus saisissant. Depuis
juin, l’indice « Baltic Dry Index » – qui mesure les prix de transport
de marchandises en vrac – a été divisé par 10 !

L'idée d'un "partenariat mondial"

Les politiques ne sont pas pour grand-chose dans ce brusque
retournement des cours. « On a évité la catastrophe et les grandes
mobilisations dans les pays du Sud se sont éteintes.

Mais toutes les conditions sont encore là pour l’apparition d’autres
crises. Rien n’a été fait en matière de régulation », estime Ambroise
Mazal au CCFD. Il prend date pour la prochaine conférence sur « la
sécurité alimentaire pour tous » qui se tiendra à Madrid les 26 et 27
janvier prochains.

Au ministère français des affaires étrangères, on rappelle l’idée d’un
« partenariat mondial » lancé par Nicolas Sarkozy à Rome en juin
dernier. « Cette initiative a comme objectif une meilleure
coordination entre les institutions internationales qui traitent de
l’alimentation. Nicolas Sarkozy souhaite aussi la création d’un espace
politique où l’on traiterait de sécurité alimentaire, sans pour cela
créer de nouvel organisme. »

Dans les pays du Sud, les aides promises par les gouvernements pendant
les « émeutes de la faim » n’ont pas toujours été une réalité. « Au
Sénégal, nous avons constaté beaucoup d’effets d’annonces, mais peu de
l’aide promise – par exemple pour l’achat d’engrais – est
effectivement arrivé jusqu’aux intéressés », relève Cecilia Bellora, à
la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm).

Vers une réduction de l’aide publique au développement ?

La crise mondiale semble avoir calmé seule les cours des produits
agricoles. Mais elle pourrait maintenant menacer les économies des
pays du Sud. « À l’avenir, c’est un danger plus important que la crise
alimentaire. Même si aucun pays africain n’a été affecté, jusqu’à
présent, par les effets de l’éclatement de la bulle financière »,
estime-t-on à l’OCDE.

La baisse des prix des matières premières, notamment des
hydrocarbures, commence à se ressentir dans le budget des pays
producteurs du Sud, comme les États pétroliers du golfe de Guinée.
L’OCDE constate que la demande chinoise en matières premières
africaines a commencé à ralentir.

La crise pourrait aussi entraîner une réduction de l’aide publique au
développement. L’institut de recherche américain Center for Global
Development a établi que toute crise économique dans les pays
développés conduisait à une réduction de l’aide aux pays en
développement. « Avec la crise, les pays développés vont se retrouver
face à des déficits budgétaires colossaux, qui peuvent les inciter à
réduire ce poste de dépense », estime un des directeurs de l’OCDE.

« Ce sont les populations les plus précaires qui risquent de pâtir de
cette crise, estime-t-on au Quai d’Orsay. Cette crise montre la
nécessité d’améliorer la gouvernance économique mondiale. La montée en
puissance du groupe du G20 rassemblant les pays émergents et
développés est un progrès. Resterait à lui ajouter une ou plusieurs
voix des pays les moins avancés. »


Pierre COCHEZ

Source : La Croix
http://www.la-croix.com/article/index.j ... ubId=1094#
 
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