Balika":i8yempsp a dit:
L'abattoir "éthique et modèle" de Bourganeuf... On aime l'oxymore dans la creuse.
On disait aussi des abattoirs ECOCERT qu'ils étaient "éthiques", avant qu'on ne découvre les mêmes pratiques qu'ailleurs.
A ce propos, une nouvelle enquête qui fait autant de tapage que les précédentes (et c'est tant mieux), cette fois sur l'élevage des poissons.
CIWF et L214 révèlent la cruauté des conditions d’élevage des poissons
Les vidéos des deux associations montrent les conditions de vie dans les fermes piscicoles. Le poisson est l’animal d’élevage le plus répandu après le poulet
Par Martine Valo, LE MONDE, 30/11/2018
Ils meurent en silence, suffoquant, gelés, sur les ponts des chalutiers, ou asphyxiés dans des caisses en polystyrène, le corps parfois écrasé dans des sennes trop pleines, les yeux sortis de leurs orbites par la décompression brutale. Dans l’univers de la pêche au large, la souffrance des poissons – et des hommes aussi parfois – a peu de chance d’être entendue. Mais leur sort n’est pas forcément plus enviable dans les élevages.
Peu s’en souciaient jusqu’à présent. Mais voilà qu’en ces temps où les humains tendent à changer de regard à l’égard des animaux, des études scientifiques récentes révèlent chez plusieurs espèces une sensibilité et des comportements sociaux plus complexes qu’on ne l’imaginait. Deux associations se saisissent du sujet. L214 rend publique, vendredi 30 novembre, une vidéo sur les conditions d’élevage des truites arc-en-ciel, tournée en caméra cachée dans des installations du groupe Aqualande situées en Nouvelle-Aquitaine. CIWF (Compassion in World Farming) a publié pour sa part, lundi, un film ainsi qu’un rapport sur la façon dont sont abattus les poissons de pisciculture dans l’Union européenne.
Leurs images à toutes deux montrent les mêmes silhouettes de poissons morts flottant ventre à l’air au milieu de leurs congénères, à la surface d’eaux troubles, dans des bassins en béton et des cages installées en mer, ou encore fraîchement mis à mort dans un bain rouge sang. L’équipe de tournage britannique de CIWF a notamment fait escale en Bretagne et dans l’Hérault. L’association dénonce l’entassement des poissons, s’émeut des saumons de 75 centimètres de long ne disposant que de l’équivalent d’une baignoire, des grands migratoires condamnés à nager en rond dans leur cage.
Mais n’est-ce pas peine perdue que de chercher à sensibiliser le public au sort des daurades, bars, truites, saumons ? « Détrompez-vous, notre campagne a reçu le même accueil en France que les précédentes sur les cochons ou sur la volaille, assure Marion Wintergerst, responsable des campagnes de CIWF. Lors des deux premiers jours, 12 500 personnes ont interpellé le ministre de l’agriculture par mail comme nous les y engageons. »
La question des conditions de vie dans les piscicultures constitue potentiellement un dossier énorme. Le poisson est l’animal d’élevage le plus répandu après le poulet. L’aquaculture, qui fournissait à peine 7 % de l’offre mondiale en 1974, fait depuis 2014 presque parts égales avec la pêche dans l’alimentation humaine. En 2015, dans le monde, 50 millions de tonnes de poissons provenaient d’élevages (majoritairement de Chine), selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Rien que dans l’Union européenne, en fonction de leur poids moyen, ce sont 500 millions à 1,7 milliard de spécimens qui sont abattus chaque année, rapporte CIWF.
Courant électrique ou percussion
Sa campagne actuelle vise à imposer des méthodes de mise à mort moins cruelles à l’avenir. Car s’il ne bénéficie guère de normes précises s’appliquant aux différentes étapes de sa vie, le poisson est cependant régi par le principe fondamental, selon lequel, dans l’UE, tout animal d’élevage « doit être épargné de douleurs, détresse ou souffrance pouvant être évitées au moment de la mise à mort (…) ».
Avant d’être tué, l’animal devrait, selon CIWF, être étourdi de façon efficace, soit au moyen d’un courant électrique dans l’eau du bassin, soit par percussion. C’est ce qui se pratique pour les truites au Royaume-Uni, où l’on se soucie du bien-être animal. Toutes les autres méthodes sont à proscrire : tremper le poisson dans un bain glacé ou bien contenant du dioxyde de carbone, du sel, voire de l’ammoniaque, le laisser s’asphyxier hors de l’eau, le décapiter ou lui sectionner les branchies sans l’avoir rendu groggy au préalable.
Chez Aqualande, on a choisi le dioxyde de carbone. Une pratique « inacceptable » pour les truites arc-en-ciel, estime CIWF, citant à l’appui une étude d’une agence européenne selon laquelle il faudrait 9,5 minutes pour que celles-ci perdent conscience avec ce procédé. L214 a bien d’autres griefs à l’égard du groupe coopératif, un des leaders du marché européen, qui compte une quarantaine de piscicultures dans les Landes, les Pyrénées, le Languedoc et en Espagne, plus des centres de sélection et de transformation. Les trois quarts des truites fumées vendues en France viennent de chez Aqualande, qui produit 17 000 tonnes de truites, plus 400 tonnes de bars et de daurades par an.
Une truite sauvage sautant dans un torrent bucolique : telle est l’image qu’avance Aqualande sur son site Internet. Comme dans toute filière intensive, la réalité des élevages est très éloignée de ce que le consommateur peut imaginer. Les militants de la cause animale ont voulu lui ouvrir les yeux. Ils indiquent avoir eu du mal à entrer dans les lieux où ils filment clandestinement l’intérieur de bassins surpeuplés. Ils montrent des poubelles pleines de poissons morts, des bidons de vaccins et des truites déversées sans ménagement vers l’entonnoir de l’abattoir.
« Leurs élevages bio ne nous ont pas semblé très différents, ils ont seulement un peu moins de densité dans les bassins, confie Sébastien Arsac, porte-parole de L214. Ce qu’on a vraiment découvert sur place, c’est la façon dont ils obtiennent des truites triploïdes stériles, qui grossissent plus que les autres. On a appris qu’ils donnent à des alevins femelles de la méthyltestostérone afin d’en faire des “néomâles” qui à leur tour ne donneront que des femelles. »
Aqualande fait valoir qu’il a réduit par quatre l’utilisation d’antibiotiques en dix ans. « L’alimentation et l’oxygénation de l’eau ont aussi beaucoup progressé », assure Stéphane Dargelas, directeur marketing et communication du groupe. Et la surpopulation ? « Dans les installations bio, la densité maximum est de 35 kg par mètre cube, il n’y a pas de normes fixées pour les autres, répond-il. Le matin, toutes les truites se regroupent naturellement en banc dans un coin de leur bassin qui mesure 30 mètres de long avant de se disperser. L’entreprise a tout intérêt à ce que le poisson – qui est un produit hypersensible – soit dans les meilleures conditions possibles. »
Les pratiques du groupe sont-elles représentatives de ce qui se fait en Europe ? L’Institut national de la recherche agronomique dispose d’experts travaillant sur l’amélioration des techniques d’élevage : alimentation, reproduction, conditions de vie. Nos demandes d’entretien sont restées sans réponse.
Martine Valo