Bon article sur "Les sophismes de la Corrida"

Siska

Avale du tofu
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Sud de la France
Tout est dit, de quoi en mettre une sévère au sophiste Francis Wolff >:)

De J.B. Jeangène Vilmer

"Tout est dit dans la loi. La corrida est en France une exception juridique, une exception à l’interdiction de pratiquer des « sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux » (art. 521 du Code pénal). Elle est donc, de fait, reconnue par le législateur lui-même comme un sévice grave ou un acte de cruauté, mais qui, à la différence des autres, n’est pas puni. Pourquoi cette impunité ? Parce qu’elle a lieu là où « une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ». Voilà donc une pratique punie à Brest, au nom de la sensibilité de l’animal, mais permise à Nîmes, malgré la sensibilité de l’animal.

Cette aberration est fondée sur l’appel à la tradition, qui est un sophisme connu depuis 2000 ans sous le nom d’argumentum ad antiquitam. L’excision est également un rite millénaire, une pratique culturelle, une tradition profondément ancrée. Pourtant, le même législateur l’interdit et fustige ce relativisme culturel, qu’il invoque au contraire quand il s’agit de protéger le « patrimoine » national, dans le cas de la corrida comme dans celui du foie gras. Ce n’est pas parce que l’on fait quelque chose depuis longtemps au même endroit que l’on a raison de le faire. Tous les progrès sociaux ont eu lieu contre les traditions, de l’abolition de l’esclavage au droit de vote des femmes. La tradition en elle-même explique mais ne justifie rien.

Justement, dira-t-on, n’avez-vous pas mieux à faire qu’à vous occuper des taureaux ? Francis Wolff conseille aux militants de la cause animale de se saisir « de la Tchétchénie, de l’Irak, du Darfour », « des enfants qui crèvent de faim ou meurent sous les bombes » [1]. C’est encore un raisonnement fallacieux, connu sous le nom de « sophisme du pire ». Il consiste à dire que X n’est pas un problème puisqu’il y a pire que X, et que l’on devrait donc concentrer toute son énergie sur ce pire que X. Non seulement ceux qui professent ce genre de conseil seraient bien en mal de l’appliquer eux-mêmes – consacrent-ils tout leur temps à la résolution de ce qu’il y a de pire sur terre ? – mais ils présupposent une contradiction qui dans les faits n’existe pas. S’occuper du bien-être des taureaux empêche-t-il de prendre soin des hommes ? En réalité, ce sont souvent ceux qui citent les enfants du tiers-monde comme un prétexte pour ne pas se soucier des animaux qui ne font strictement rien ni pour les uns ni pour les autres, alors qu’une grande partie de ceux qui se soucient du bien-être des animaux militent également contre la misère humaine, parce que l’humanitarisme intelligent passe la frontière des espèces [2].

Pourtant, insiste-t-on, les matadors, les toréadors et les aficionados sont des gens comme vous et moi, qui ne sont pas « moins sensibles à la souffrance que les autres » [3]. Ils éprouvent à l’égard du taureau un respect profond, et sa souffrance, hors de l’arène, notamment dans les couloirs de l’abattoir, leur est insupportable. J’en ai rencontré certains, dont je ne doute pas de la sincérité. Le problème n’est pas là. Il est dans le passage du jugement selon lequel ces personnes sont bien intentionnées à celui selon lequel la pratique qu’elles défendent ne peut pas être mauvaise – puisqu’elles sont bien intentionnées. C’est un « sophisme de la bonne intention ». Que le but de la corrida ne soit pas de faire souffrir n’implique aucunement qu’elle ne fasse pas souffrir. La moralité d’une action ne se juge pas à l’aune des intentions des acteurs. De bonnes intentions ne garantissent pas de bons résultats et, réciproquement, de mauvaises intentions n’excluent pas de bons résultats.

Mais si les acteurs sont de grandes personnalités ? On rappelle volontiers que Goya, Delacroix, Picasso et d’autres étaient des aficionados passionnés. Une manière de dire : si ces grands hommes ont été inspirés par la corrida, c’est donc qu’elle a une valeur, c’est donc qu’il faut la défendre. On donne ainsi l’impression que la corrida a joué un rôle dans leur génie et donc, d’une certaine manière, que Goya, Delacroix et Picasso n’auraient pas été Goya, Delacroix et Picasso sans elle. Ce qui signifie, pour nous, aujourd’hui : si vous interdisez la corrida, vous nuisez au développement du potentiel humain dans une mesure qui reviendrait à tuer dans l’œuf des Goya, des Delacroix, des Picasso. C’est un autre sophisme, qui porte le nom d’« appel à l’autorité ».

Il est ici doublé d’un « sophisme de la bonne compagnie », puisque l’on fait référence non seulement à de grandes personnalités (autorité), mais encore à des gens dotés d’un ethos respectable, d’une image positive, donc insoupçonnables d’être associés à de mauvaises pratiques. D’où ce genre d’argumentation : « Pensez-vous vraiment que Lorca, Hemingway, Leiris, Bataille, Cocteau se plaisaient à voir mourir des bêtes ? » [4]. Le raisonnement sous-jacent est celui-ci : Lorca, Hemingway, Leiris, Bataille et Cocteau sont des hommes bons. Or, ils aiment la corrida. Donc, la corrida est bonne. Sophisme, bien entendu, puisqu’il n’y a aucun lien logique entre la sympathie que peut susciter une personne et la légitimité des pratiques qu’elle apprécie. Les personnes citées sont bonnes pour écrire, peindre, composer, pas forcément pour avoir des jugements éthiques valables. Qu’une pratique soit une inspiration pour l’art n’en fait pas forcément une bonne pratique. L’art s’inspire de tout, y compris du pire, et heureusement qu’il a cette liberté.

Le sophisme de la bonne compagnie tente donc de rendre la corrida sympathique en l’associant à des pro-taurins sympathiques. Mais l’on trouve aussi la stratégie inverse, le « sophisme de la mauvaise compagnie », qui tente de rendre la corrida sympathique en dénigrant les anti-taurins. Les exemples sont nombreux, où l’on dresse le portrait terrible de ces « animalistes » absurdes, ridicules, et surtout dangereux, à grands coups d’amalgame, d’ignorance et de mauvaise foi.

La défense habituelle de la corrida, d’autant plus faible qu’elle est criblée de sophismes, est renforcée depuis quelques années par le développement d’une argumentation philosophique [5], plus subtile, mais non moins fallacieuse. La corrida est présentée comme un symbole. Pour Alain Renaut, elle symbolise « le combat de l’homme avec la nature », pour exprimer « la soumission de la nature brute (c’est-à-dire de la violence) au libre arbitre humain, victoire de la liberté sur la nature ». C’est à la fois un art et l’expression de l’humanisme, « c’est-à-dire la désignation de la culture comme la tâche propre de l’homme », la culture étant définie comme arrachement à la nature [6]. Francis Wolff renchérit : « L’humanité contre la tauréité. Homo sapiens vulnérable mais serein face à la force vaine de bos taurus ibericus. Nature lucide contre nature aveugle » [7].

L’explication est simpliste, pour au moins deux raisons. D’une part, parce que si tout ce que montre la corrida est ce vieux dualisme que tous les philosophes depuis Descartes ont dépassé, alors elle décrit un monde et un système de pensée qui ne sont plus les nôtres depuis trois siècles. D’autre part, parce que si le taureau symbolise la nature, il est bien loin dans les faits d’être la nature, c’est-à-dire d’être naturel, comme le reconnaît Renaut lui-même [8]. Le taureau de combat est un produit extrêmement calibré, contrôlé, maîtrisé, un chef-d’œuvre de l’élevage, donc de la culture. La « naturalité brute » qu’il dégage malgré tout n’est rien d’autre que l’interprétation que nous avons de son comportement. Elle n’est pas tant en lui que dans notre regard, qui trouve ce qu’il cherche.

Mais le problème essentiel est ailleurs. Il y a une confusion générale, un glissement sémantique de l’explication à la justification. Lorsque Renaut et Wolff mettent au jour ce que symbolise la corrida, ils ne le font pas pour enrichir de manière neutre les catalogues anthropologiques. Ils le font pour la défendre ! Ils passent donc du fait à la valeur, d’une explication à une justification. Or, ce n’est pas parce qu’une pratique peut être expliquée qu’elle est juste. Il serait aisé de réunir une trentaine d’intellectuels internationaux pour trouver à l’excision, l’infibulation ou à n’importe quelle torture, scarification ou violence traditionnelle une importante dimension symbolique, rituelle, esthétique, sociologique, psychanalytique et tout ce que l’on voudra. La rencontre peut être passionnante sur le plan intellectuel mais cela ne change rien au fait que ces pratiques sont condamnables et doivent être abolies.

Ces philosophes qui défendent la corrida soulignent son rôle éducatif : « Comme le dressage, elle humanise la bête, mais elle met à mort l’animal sitôt instruit » [9]. De là, deux questions. D’une part, à quoi éduque-t-on exactement ? Qu’apprend-on au taureau ? On parle d’une bête instruite, sans jamais préciser de quoi. Je demande de quoi on instruit la bête en lui plantant des lames dans le corps. D’autre part, en admettant qu’il y ait instruction de quelque chose, à quoi cela sert-il d’instruire pour tuer ? Quelle est cette pédagogie qui ne permet pas à l’élève de vivre suffisamment longtemps pour jouir de son instruction ?
Curieusement, la bête qui tout à l’heure était l’incarnation de la nature brute, l’antithèse de la culture humaine, est maintenant instruite comme un enfant. L’anthropomorphisme est même la base de la philosophie de la corrida de Wolff, qui repose entièrement sur l’attribution au taureau d’un certain nombre de qualités : la bravoure, le courage, la noblesse, l’héroïsme, l’excellence [10]. Il y a d’ailleurs une contradiction, puisqu’en même temps qu’il lui attribue ces qualités sophistiquées, il refuse au taureau la simple capacité de vouloir qui, selon lui, serait « contraire à sa nature » [11]. Comment un taureau qui ne veut pas, qui n’est donc qu’une machine, pourrait-il faire preuve d’héroïsme ?

Mais ce qui frappe est que ces qualités sont évidemment humaines. Ce n’est pas le taureau qui voit ce que les hommes appellent un combat comme un « combat ». Ce n’est pas lui qui fait preuve de noblesse dans un coup de corne, d’héroïsme ou de bravoure lorsqu’il continue de se défendre tout en se vidant de son sang. Ce sont les hommes qui lui attribuent ces qualités humaines, pour rendre la comparaison possible. La philosophie de la corrida repose sur une négation de l’altérité. Le taureau est « humanisé » pour pouvoir être mis sur la même échelle de valeurs que l’homme qui le combat – et permettre ainsi la comparaison, dans le seul but de pouvoir affirmer la supériorité humaine, qui n’aurait aucun mérite si l’adversaire ne partageait pas les mêmes « vertus cardinales » [12].

Pourquoi faut-il, en fin de compte, tuer le taureau ? Wolff parle d’« une vérité aveuglante », d’un impératif catégorique : « il faut que le taureau meure ! » [13]. Mais pourquoi ? La raison n’en est énoncée clairement nulle part. L’auteur explique que la manière de le faire justifie le fait de le faire. La mise à mort est codifiée, ritualisée, elle est une cérémonie. Cela suffit à la défendre : « Dans toutes les civilisations où le taureau a été combattu et mis à mort de façon formalisée, il a été admiré, loué, célébré et plutôt chanté comme un dieu que traité comme une bête » [14]. « Après la mort, enfin, la dépouille du taureau combatif est souvent acclamée. Parfois même, elle recueille un tour d’honneur au pas lent des mules, et la foule se lève et se découvre à son passage » [15].

Le raisonnement sous-jacent est celui-ci : la corrida formalise la mise à mort. Or, toutes les civilisations qui ont fait de même ont traité le taureau comme un dieu. Donc, la corrida traite le taureau comme un dieu. Donc, elle le respecte. Donc, elle est légitime. Raisonnement typiquement anthropocentrique : le taureau se moque bien d’être respecté comme un dieu s’il souffre et meurt dans l’arène. De la même manière, je ne peux pas justifier l’enlèvement et le meurtre sacrificiel d’une jeune vierge par le fait que la codification de la pratique manifesterait mon respect à son égard. Le fait d’avoir des règles, des rites, un déguisement et, éventuellement, un grand respect pour sa victime, n’excuse ni ne justifie en rien ce qu’on lui fait subir.

Quant aux hommages rendus à une dépouille, ils n’ont de sens que pour les survivants. Celui qu’on enterre dans un cimetière se moque bien d’avoir des fleurs fraîches sur sa tombe. De la même manière, le tour d’honneur de la dépouille du taureau n’a strictement aucun sens pour le bovin mort ou pour ceux qui sont encore aux champs : c’est l’homme encore et toujours qui se fait plaisir. Si l’on pense que la corrida se justifie par ce plaisir que peuvent éprouver certains hommes à y assister, qu’on le dise franchement. Mais qu’on cesse de dissimuler derrière un écran de fumée métaphysique des raisons qui sont en réalité beaucoup plus brutes."

Lien : http://www.jbjv.com/Les-sophismes-de-la-corrida.html
 
Lu rapidement, mais * clap clap * quand même :)

[mode apprenti psychologue = ON]
Je me souviens avoir lu un livre sur la non-violence il y a 10 ans : il expliquait que pour certaines personnes, le fait de tuer quelqu'un fait se sentir vivant.
Ca rassure de se dire que la mort a frappé quelqu'un d'autre que soi, et par comparaison avec sa propre condition, il y a une certaine jouissance à constater qu'on est vivant alors qu'on est face à face avec la mort.
Autrement dit, le genre de personnes qui ressentent les choses comme ça éprouvent au fond d'eux une grande insécurité, ils ont peur...
[mode apprenti psychologue = OFF]
 
Bien vu :).

Je tiens à rajouter un point sur les contradicteurs de la cause anti corrida (dont fait malheureusement parti mon frère :(, heureusement que je suis là pour relever le niveau de la famille, entre les fanas de la charcuterie, les chasseurs, les pro corrida, les anti-vg,... je suis servie), c'est un argument ad hominem critiquer une petite "contradiction", le pet de travers des défenseurs d'une cause, pour éviter de ce remettre en cause par exemple "Ils sont cons parce qu'ils défendent les taureaux,mais ils écrasent quand même les cafards" avouons que ce genre d'argument et crétin, en effet celui qui sort cet argument s'en contrebalance des cafards, mais veut juste éviter de se remettre en question et réfléchir un peu plus là dessus, donc accusation sans rapport pour tenter de décribiliser les militants.
 
Excellent article Siska!
Je ne connaissais pas ce dénommé Wolff, mais j'en ai une idée bien précise maintenant... :anger:
Les accros à la catharsis devraient se mettre aux jeux vidéos, je suis sûre que GTA pourvoira à tous leur besoins en la matière :rolleyes:
 
Je propose Shadow of the Colossus plutôt, qui dépeint la vacuité du meurtre, ainsi que ses motivations, avec une justesse que je n'ai jamais retrouvée ailleurs.
 
Kasui":3e258yd1 a dit:
Je propose Shadow of the Colossus plutôt, qui dépeint la vacuité du meurtre, ainsi que ses motivations, avec une justesse que je n'ai jamais retrouvée ailleurs.
Bien trop subtil pour des accro à la corrida qui n'y verront que la joie de pouvoir frager un colosse qui fait 50 fois leur taille.
 
Ne juge pas trop vite...
 
Kasui":3cc8toma a dit:
Ne juge pas trop vite...
Mais je connais le jeu! Et je me dis que son message n'est pas à la portée de tout le monde...
Comme c'est assez vieux, je sais pas si on trouverait des forums qui parlent encore des réactions des joueurs, mais ça serait intéressant de voir ce que la plupart en a retiré.

(euh bon, hors-sujet, là, désolée :confus: )
 
On parle de catharsis du meurtre non ? Je ne pense pas que ce soit hors-sujet.
Je suis d'accord avec toi sur le fait qu'il serait intéressant de voir ce que la plupart des gens en ont retiré : je pense au contraire que le message de ce jeu se ressent de lui-même au fur et à mesure qu'on avance, jusqu'à ce qu'à un moment on se demande pourquoi on tue.
C'est extraordinaire, et tellement à contre-courant de tous les autres jeux où le meurtre est favorisé, récompensé et encouragé, sur des légions de victimes anonymes !
Ici, la victime, non-humaine (pour rester dans le sujet), a un visage, une vie, un caractère (paisible, agressif, défensif...), des réactions de douleurs, des cris, et sa force de vie qui la quitte petit à petit, au prix de grands efforts de la part de Wanda, le personnage principal.
A tel point qu'à un moment, on se demande vraiment pourquoi on fait tout ça, on éprouve des doutes et de la culpabilité sur le bien-fondé de sa quête...
 
Je pense qu'à son niveau, ce jeu a contribué à ce que je sois antispéciste aujourd'hui...
 
Tu as raison par rapport à ta description des colosses effectivement. En fait, je n'ai pas joué au jeu directement moi-même, mais je regardais mon copain y jouer, avec un malaise grandissant, à tel point que j'ai fini par lui demander le sens de tout ça et même de lui dire d'arrêter d'y jouer (ça me faisait "mal").

Pour autant, même si ce malaise est ressenti, est-ce que les gens n'auraient pas tendance à vit l'écarter ou à le remettre en perspective en se disant "ça n'est qu'un jeu"... Un peu comme pour la corrida en somme (ce n'est qu'un taureau et en plus il est adulé et respecté). Bref, la dissociation bien connue qui va faire que ces pratiques continuent (je ne sais pas si tu as lu Psychologie du crime de l'exploitation animale, mais l'auteur le montre très bien).

En gros, je pense que ce jeu peut toucher certaines personnes (toi par exemple) mais je dirais très peu quand au niveau de la réflexion et plus encore au niveau de son application sur le plan pratique. Il ne m'a pas fait redevenir végé par exemple, j'ai aussi eu ce revers de la main en me disant "ça n'est qu'un jeu".
 
Je pense que ce jeu est une forme d'expression artistique, au même titre que de nombreuses autres comme la peinture ou la musique, qui parvient à faire ressentir des sentiments aux personnes qui l'expérimentent (Est-ce que quelqu'un va dire "ce n'est qu'un tableau" face à ce qu'il ressent devant ce dernier, idem pour une oeuvre musicale ?).
A chacun ensuite d'en tirer des enseignements ou pas.
Moi je pense que si on arrive à ressentir de la culpabilité pour une montagne de pixels non-humains, et même reconnaître leur individualité, il y a de quoi faire réfléchir sur sa propre relation avec les non-humains dans la vraie vie.

Pour la psychologie du crime de l'exploitation animale, je ne l'ai pas lu, je ne pourrai donc pas te suivre sur ce terrain. Encore que cela ne signifie pas forcément que je ne suis pas déjà conscient des notions qui y sont abordées.
Cependant, cela soulève un point intéressant : bien souvent, on accuse les jeux vidéos violents d'être dangereux parce qu'ils impliquent le joueur dans cette violence. Mais là, toi tu dis que malgré tout le joueur effectuera cette dissociation par rapport à cette violence.
La dissociation consiste à se séparer psychologiquement de ses expériences sensorielles, comme un comportement second, automatisé.
Je ne suis pas sûr que ce soit le cas pour ce jeu, tant la concentration, l'implication, la réflexion du joueur est nécessaire pour parvenir à ses fins.
 
Bien sûr, ce jeu est totalement artistique, l'artwork était d'ailleurs magnifique. Et je crois qu'une des composantes de l'art (sans être "experte" en la matière), c'est de faire ressentir des émotions, quelle qu'elles soient.

Néanmoins, comme tout oeuvre d'art (appelons le comme ça) la réception sera très personnelle. cela va provoquer certaines choses chez certaines personnes, pour d'autre, ça va tomber à plat, ou seulement la moitié du chemin sera faite. la plupart des gens que je côtoie est loin de passer son temps en introspection après avoir été confronté à quelque chose qui a le potentiel de les faire réfléchir.

Et oui, je pense que ceux qui jouent à des jeux très violent (je pense à GTA entre autres, mais il y en a d'autre) sont dans un schéma dissociatif, et heureusement d'ailleurs dans certains cas. Dans d'autres, et là c'est regrettable, comme Shadow of the Colossus, la dissociation a lieu aussi.
Comme dans beaucoup de travaux artistiques, je pense notamment à la littérature, le cinéma ou encore les jeux vidéo, il y a un contrat implicite qui est passé entre les créateurs et ceux qui apprécient l'oeuvre: c'est la suspension of disbelief (pas la trad en français, mais Eco a bossé dessus je crois) et de manière tout aussi implicite, cette suspension prend fin une fois que l'on s'écarte de l'oeuvre, dans la majorité des cas.

Ton expérience en la matière est pertinente pour illustrer que ce jeu a ce potentiel réflexif, pour autant combien de joueurs sont devenus anti-spécistes après y avoir joué, ou seulement regardé dans mon cas?
Le potentiel est là, sa réalisation dépend de tout un chacun.

Edit: orthographe
 
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