Joan Pick

  • Auteur de la discussion tom
  • Date de début

tom

Élève des carottes
Inscrit
8/9/06
Messages
1 343
Score de réaction
2
Au JT d'hier soir, une petite mathématicienne anglaise de 68 ans qui se nourrit de noix et de germes de blés, qui court tout le temps pour se maintenir en forme, qui passe pour une folle et qui écrit sans arrêt à des scientifiques et des politiques pour leur parler de ses idées : Joan Pick.

Il y a cette photo d'elle a 32 ans, soigneusement rangee dans un tiroir de sa table de chevet. Elle y est ravissante, les cheveux courts, habillee d'une petite robe noire sans manches. C'etait au debut de l'annee 1973, juste avant que Joan Pick epouse une vie d'ascete energetique. Elle a ensuite renonce a sa voiture, a son refrigerateur, a sa television, a son chauffage, a sa douche... pour s'approcher d'un bilan energetique carbone proche de zero.
Pendant les trente-cinq dernieres annees, Mme Pick a vecu a Croydon, au sud de Londres, comme si le progres technologique n'avait jamais existe. Elle n'est plus jamais montee dans un vehicule motorise, sauf pour se rendre a l'hopital en ambulance en 1991 apres s'etre deboite l'epaule et pour l'enterrement de sa mere en 1992. N'a plus jamais pris un bon bain chaud. Ne s'est plus jamais concocte un bon petit plat...
Ses seuls luxes sont sa bouilloire electrique - pas question de renoncer a son the, qu'elle prend avec du lait en poudre -, sa radio et une lampe, avec une ampoule a faible consommation, evidemment. "Cela me coute 7 livres (7,8 euros) par mois d'electricite", precise-t-elle. Les vestiges de son passe de femme moderne sont encore la. Feu la cuisiniere abrite des dossiers composes d'articles de journaux decoupes. Les poeles a frire orange - des Le Creuset - lui servent d'halteres pour faire sa gymnastique quotidienne. Quant au refrigerateur, il est plein de noix et de germes de ble, qui composent l'essentiel de son alimentation. Ajoutez a ce regime spartiate deux heures de jogging par jour, et vous avez une Mme Pick, agee de 68 ans, manifestement en pleine forme physique.
La solitude lui pese bien un peu. Mais elle n'a jamais rencontre l'ame soeur. "Ce n'est pas arrive", dit-elle. Elle se souvient pourtant qu'elle plaisait. Et va chercher dans sa penderie des robes en soie Liberty, qu'elle s'etait confectionnees quand elle pouvait encore se permettre d'etre coquette. Temoignage d'un temps revolu qu'on a du mal a imaginer quand on la voit aujourd'hui dans son jogging bleu, la tete couverte d'une casquette Nike. "Un homme n'aurait jamais supporte ma vie, juge-t-elle. Il lui faut ses trois repas par jour."
Mme Pick n'a pas seulement une vie amoureuse inexistante, elle est egalement sans amis et presque sans famille. Ses parents - son pere etait ingenieur, sa mere professeur de mathematiques - sont decedes. Son frere, avec qui elle entretient des relations complexes, vit a Dallas, aux Etats-Unis.
Comment en est-elle arrivee a ce denuement aussi bien materiel qu'affectif ? "Les gens disent que je suis folle", s'esclaffe-t-elle. Je ne suis pas loin de penser la meme chose, emmitouflee dans mon manteau, mon echarpe et mon bonnet, a tenter de prendre des notes alors que la temperature approche zero degre en ce jour de decembre. Mme Pick est sans conteste une ecologiste coherente jusqu'au bout des ongles. Mais son combat pour un monde moins energetique est aussi un combat pour sa rehabilitation.
Car cette diplomee en physique et mathematiques de l'universite de Bristol, ou elle a etudie quatre ans, est persuadee d'avoir eu raison avant et contre tout le monde. "Je suis une sorte de Galilee", lance-t-elle, en ne plaisantant qu'a moitie. Une incomprise sacrifiee sur l'autel des conformismes et des academismes.
Pour comprendre le combat de sa vie, il faut revenir quarante ans en arriere. Apres avoir contribue deux ans au journal scientifique Understanding Science, la jeune femme rejoint en 1964 le groupe de consultants Metra, alors filiale de Paribas, ou elle fait des recherches pour le compte d'industriels sur des sujets aussi varies que le traitement de l'eau, les microscopes electroniques ou encore les moteurs Diesel.
En 1967, elle suit certains de ses collegues qui creent une societe independante et concurrente, Peter Ward Associates (Interplan). Jusque-la, rien a signaler, si ce n'est que cette jeune femme a l'intelligence assuree - elle a depuis rejoint Mensa, qui rassemble les QI les plus eleves - mene bien son debut de carriere.
A Noel 1972, les affaires marchent doucement, on est a la veille du premier choc petrolier, et l'inflation menace. Elle decide donc de rediger un rapport sur la planete, nourri de son observation sur un monde industriel "obsede par la croissance et les profits". Elle pense avoir fait le tour de la question. Mais, apres lecture du rapport, Interplan, qui tient a ses clients, ne souhaitera pas lui faire de publicite.
Mme Pick crie a l'injustice. "J'ai invente un nouveau modele economique. La Terre est comme une entreprise dont nous sommes tous actionnaires, et l'energie est la principale devise", estime-t-elle. Elle harcele son patron pour etre entendue. "Il m'a envoye chez le medecin, qui a considere que mon cerveau marchait trop vite et que je souffrais d'hypermanie", raconte-t-elle. Le 24 mai 1973, elle s'en souvient comme si c'etait hier, il tente de la faire interner dans une clinique a Londres, dont elle s'echappe apres avoir vu "une caricature de stupide petite femme psychanalyste".
Mme Pick quitte donc Interplan. Avec une obsession - faire publier son rapport, l'oeuvre de sa vie - qui mobilise encore toute son energie aujourd'hui. C'est alors qu'elle abandonne petit a petit tout superflu, aussi bien pour des motifs economiques qu'ideologiques. Et commence a ecrire des lettres a tout ce que le monde britannique compte de scientifiques, editeurs, politiques... "Je ne pensais pas que cela allait durer trente-cinq ans", rigole-t-elle. Car personne n'a encore publie son travail. Et Mme Pick continue a inonder l'establishment de lettres, ecrites methodiquement chaque jour sur sa vieille machine a ecrire. "Il n'y a pas une seule personne au gouvernement qui n'ait pas entendu parler de mon rapport", lance-t-elle.
C'est ce moment que le facteur choisit pour lui remettre son courrier du jour. Une pub pour Sky Tele et un accuse de reception du depute Mark Todd a l'une de ses milliers de lettres. "C'est insultant, non ?", demande-t-elle. Heureusement, elle ne doute pas de son combat. "Je suis une des meilleures scientifiques au monde et je travaille pour rien", dit-elle. Ses allocations et une petite retraite - 6 500 livres par an (7 250 euros) - lui suffisent. Son appartement, dans un HLM, lui coute peu. Les meubles, des annees 1960, ont un petit air de vintage. Moquette verte, fauteuils orange, baie vitree avec une vue superbe sur Londres, l'endroit est nickel et plutot gai.
"J'ai reussi a survivre tout en respectant mes principes, se rejouit-elle. J'ai prouve qu'on peut vivre en consommant tres peu d'energie." Manifestement, cela n'empeche pas de rever.
J'aime aussi cette page :

Imagine what life would be like living with Joan (imaginer la vie avec Joan) :

* No TV
* No heating (pas de chauffage)
* Only raw food (seulement de la nourriture crue)
* Make your own clothes (faire ses propres vêtements)
* Walk and run everywhere, no cars, no buses, no aeroplanes (marcher et courir partout)
* Tea with condensed milk (thé avec lait en poudre)
 
Kerlo en avait parlé avant qu'elle passe au JT il y a qq temps déjà ^^

J'ai bien aimé sa réflection à la fin du reportage où elle disait ne pas se considérer comme un exemple à suivre, mais que sa manière de vivre était à méditer pour chacun de nous.

Un peu barge mais attachante cette mamie :)
 
J'ai vu le reportage au JT. C'était la première fois que j'entendais parler de cette femme. J'adore ces êtres convaincus de leur choix, qui osent vivre comme ils l'entendent sans se soucier de l'avis des autres. Perso je l'ai trouvée un peu extrême, mais j'adorerais la connaître, parler avec elle. J'ai beaucoup aimé sa réflexion sur les voitures : elle disait que les gens expriment leur pouvoir d'achat et leur élévation dans la société à travers la puissance de leur véhicule et montrait, par sa façon d'être, à quel point ces gens sont ridicules. J'ai horreur de la bagnole, il n'y a rien de plus puéril que d'être attaché à ça. Ce n'est jamais qu'un tas de ferraille pour aller d'un endroit à un autre, qui sert de joujou à certains jeunes cons (passez moi l'expression, mais ce n'est que la vérité) et qui, à l'occasion, tue des gens et brise la vie de leurs proches.

Pour autant, je n'imagine pas adopter la vie de cette femme. Vivre sans télé, sans ordi, sans chauffage, sans frigo, je ne pourrais pas. Mais je suis admirative de la pêche qu'elle a à son âge. Se déplacer en courant quand tant d'autres papys et mamies de sa génération sont perclus d'arthrite, chapeau bas ! :YE:
 
Ah oui, je l'ai vu.
ÉPATANTE, c'est une grande dame !

Extrémiste ?
A mon sens, peut être un tout petit peu, et comme tout le monde elle a aussi ses incohérences (ou concessions à faire) :
lait, nike aux pattes et sur la tête ... tout ça, ça pollue aussi.
Mais ce que je trouve formidable est qu'elle montre à quel point nous pouvons nous passer de certaines choses. Comme elle le dit si bien à la fin de son reportage, elle veut que son expérience serve de réflexion (et non d'exemple).
Sans aller jusqu'aux limites qu'elle s'est fixé (un tant spartiates, à la limite du confort et donc du "progrès") nous devons bien reconnaitre qu'elle a vu juste avant beaucoup d'autres personnes, on vit dans l'image, le superflu, dans une économie de SUR production/consommation/gâchis qui n'ont aucun sens.
Une autre chose intéressante à retenir, elle est crudivore depuis pas mal d'années et en forme !
 
Retour
Haut