J'ai pas lu toute cette discussion, c'est beaucoup trop long.
Et le dernier message est très vieux, donc mon intervention a peut-être une gueule de troll.
Je pose quand même ma contribution :
Ne pas faire le mal, c'est tout simplement, universellement défini par "Ne pas faire à autrui ce qu'on n'aimerait pas qu'on nous fasse.". (Et donc, par déduction, faire le bien, c'est "Faire à autrui ce qu'on aimerait qu'on nous fasse.")
L'origine de ce concept est, d'après moi, totalement évolutionniste. Les groupes animaux d'une même espèce trouvent un intérêt à s'entraider, ça permet de lutter contre les prédateurs, les affres climatiques et autres, et ainsi augmenter les chances de survie de chacun des membres du groupe. De là, il ressort que l'instinct d'empathie, la capacité d'identification à l'autre, et donc d'évaluer les intérêts de l'autre et les respecter, est un atout évolutionniste.
L'homme, en tant qu'animal social, était donc à la base, déjà pourvu de cette capacité d'empathie et de ce fondement pour "le bien et le mal".
Par la suite, pour organiser au mieux la structure sociale de ses groupes, optimiser le confort et la survie de tous leurs membres, il a bien sûr dû perfectionner et formaliser cette capacité d'empathie par des concepts clairs "Le bien et le mal.". Tu ne tueras point, parce que tu n'as pas envie de te faire tuer. Et tu ne voleras point, pour la même raison.
Bien sûr, dans un premier temps, ces concepts de bien et de mal pouvaient tout à fait être limités à chacun des groupes "Tu ne tueras point les membres de ton groupe. Mais pas ceux du groupe opposé, qui essaient de te voler ton terrain. D'ailleurs ils sont faibles, on peut les vaincre, leur voler leur terre et en faire des esclaves.", d'où le racisme. Mais par la force des choses, l'homme s'est multiplié, les échanges entre groupes se sont faits de plus en plus nombreux et inévitables, chacun a fini par montrer sa puissance, et il est devenu plus profitable pour chacun de respecter "Le bien et le mal" a un niveau universel pour éviter des conflits meurtriers et sans fin.
L'empathie s'est donc développée. Encore et encore. Et d'autant plus que la réflexion et l'intelligence se sont développées.
Aujourd'hui (sans forcément y trouver un intérêt pratique, sans doute à cause de la proximité sur plusieurs millénaires avec les animaux domestiques et d'élevage, peut-être aussi par curiosité intellectuelle, par tendance à étendre nos réflexions vers des absolus), on est donc capables d'empathie envers les autres animaux (Pour la plupart des humains, je pense. En tout cas vers les animaux les plus proches physiologiquement.).
Il n'en reste pas moins que "Ne pas faire à autrui ce qu'on n'aimerait pas qu'on nous fasse." est quelque chose d'extrêmement compliqué, voire impossible à mettre parfaitement en pratique.
Parce que ça implique de définir "autrui" (et comme on l'a vu, tout le monde n'est pas d'accord sur l'étendue de cet "autrui").
Ça implique d'admettre l'existence d'autrui (qui est, métaphysiquement, impossible à démontrer).
Ça implique d'essayer d'estimer "ce qu'on aimerait qu'on nous fasse" si on était à la place de l'autre, et qui n'est pas forcément le même "ce qu'on aimerait qu'on nous fasse" en étant à notre propre place. Qui est d'autant plus difficile à estimer que l'autre est culturellement ou physiologiquement différent de nous.
Ca implique, avec ce "aimerait" de tenir compte à la fois du libre-arbitre de l'autre (et donc de sa liberté) et du plaisir de l'autre (qui pourrait être infligé au mépris de son libre-arbitre, en le manipulant).
Et ça implique encore de tenir compte de TOUS les autruis, qui ont des intérêts souvent divergents et incompatibles, et donc d'essayer de classifier la légitimité, l'ordre de priorité de chacun de leur "ce qu'on aimerait qu'on nous fasse"... Trouver le véritable équilibre... ce qu'on appelle donc "justice", et qui est tout aussi virtuel que "le bien et le mal". (Et c'est cette justice, justement, qui pourra posséder des nuances selon les histoires, traditions et cultures des différents groupes humains. Et puisque justice, bien et mal servent à établir l'ordre au sein du groupe, la justice reconnue au sein de groupe aura toujours énormément de poids mental sur la définition personnelle de la justice par le "libre-arbitre" de chacun des individus.)
Et ça implique donc de tomber dans des dilemmes quasi-insolubles tels que "Dois-je en priorité respecter (au nom de la tolérance, de l'ouverture d'esprit et d'une conviction pacifiste applicable) le droit de tuer pour le plaisir de manger, ou au contraire défendre (sans trop d'espoir concret, mais ardemment et héroïquement, voire violemment, au nom de la valeur de la vie et du refus de la souffrance des opprimés) le droit de vivre de ceux qui se font tuer pour être mangés sans nécessité?". (Dilemmes auxquels on répondra sans doute en oscillant de l'un à l'autre tout au long de sa vie...)
Ça implique encore, si on veut étendre "l'autrui" à tous les êtres vivants sentients, de tenter de tenir compte de toutes les petites créatures, qui sont pourtant tellement petites qu'il est pratiquement impossible pour de grandes bestioles telles que nous de les épargner toutes malgré la meilleure volonté du monde.
Ça implique, peut-être, de tenter, devant certains dilemmes, sans savoir si c'est vraiment juste, de poser parfois des priorités sur la valeur des vies (selon leur espérance de vie naturelle, leur nombre, leur taille, leur visibilité, leur démographie, leur fragilité, leur intelligence, leur sensibilité, leur désir, leur aptitude au bonheur ou à la souffrance...).
Ça implique encore de savoir où l'on doit arrêter de sacrifier ses propres ressources au profit d'autrui, dans quelles limites on accepte d'être mauvais pour survivre ou apprécier la vie. Parce que si aucun être vivant ne profite de sa propre vie, si tout le monde se sacrifie entièrement pour l'autre, restera-t-il encore quelqu'un pour être heureux et mériter tous ces efforts ?
Et ça implique enfin, souvent, de souffrir de la conscience de la souffrance et de la mort constante de par le monde sous toutes ses formes, et de se torturer l'esprit sans fin et sans savoir réellement au final quelle est la "meilleure" action à réaliser, la plus bénéfique concrètement, dans un monde si complexe, où tout est interconnecté, aux entrelacements de causes et conséquences si tordus et quasiment infinis...
(Je précise que tout ceci n'est pas une diatribe anti-végé/végan ou spéciste... -Même si je n'arrive pas vraiment à me situer dans tout ça. Je suis d'accord avec à peu près tout ce que je lis sur ces sujets. Une humanité anti-spéciste ne me gênerait pas le moins du monde. Mais j'ai l'impression que tout ça reste très théorique et a de grandes chances de le rester.-
Je n'ai jamais acheté de cuir ni de viande depuis ma majorité, je suis passé de végétarien à végétalien récemment, et je compte le rester jusqu'à ma mort. -L'omnivorisme étant, de toute façon, d'une flagrante incohérence sur tous les plans : Je n'ai jamais rencontré d'omnivore humain qui soit constamment et sincèrement incapable d'empathie envers d'autres animaux.- Mais je ne me sens pas plus optimiste et heureux pour autant.)