Le droit de ne pas être tué

Zigzag

Broute de l'herbe
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Salutations,

Je tiens depuis deux ans un petit journal de "philo de comptoir", et la réflexion suivante, si elle est généralisable au droit, part d'un postulat sur le végéta*isme (ou véganisme) : je préfère dire que les animaux ont le droit de ne pas être mangés (ou exploités) plutôt que de dire que nous n'avons pas le droit de manger les animaux (ou de les exploiter).

Qu'en pensez-vous ?

Bonne lecture !

Droit et points de vue

Un beau jour, je décidai de renverser la perspective au sujet du droit, en matière de végétarisme ou véganisme. Je me dis ainsi : ce n’est pas tellement que nous n’avons pas le droit de manger les animaux, c’est que les animaux ont le droit de vivre et donc de ne pas être mangés. Mais, en en discutant avec mon père, je compris vite que ce changement de perspective était généralisable : ce n’est pas que je n’ai pas le droit de tuer mon voisin, c’est que mon voisin a le droit de ne pas être tué. Ce n’est pas ainsi, pour des raisons pratiques, que la loi est formulée, et je le conçois tout à fait. En revanche, c’est du droit à ne pas être tué que découle le devoir de ne pas tuer ; c’est donc le sens chronologique.
Cela dit, je suis d’accord avec le fait que c’est deux fois la même chose, ou de la paraphrase, comme on dirait en sémantique (on dirait même, au sujet des propositions « A n’a pas le droit de tuer B » et « B a le droit de ne pas être tué par A », qu’il s’agit de conversifs). Pourtant, les conversifs indiquent toujours un changement de point de vue. Et celui-ci est significatif : il place le droit, plutôt que le devoir, au centre de la loi, ou plus généralement de la morale.
 
C'est effectivement une manière intéressante de présenter les choses qui pourrait aider à faire mieux accepter l'idée.
 
Oui j'aime bien l'idée que les animaux ont le droit de ne pas être mangés. Mais peut-être cela pose la question des droits des animaux si on pose la question ainsi et donc la reconnaissance d'un statut différent de ce qu'il est aujourd'hui, non ? Je n'y connais pas grand chose en droit , je reconnais.
 
Bonsoir j'espère ne pas m'immiscer dans cette conversation trop tard 🙂 . Si les animaux ont le droit de ne pas être tués est-ce que cela signifie que nous devons protéger les animaux sauvages de la prédation naturelle? Ceci n'est pas du trolling mais une vraie question...
 
En écrivant cela, je sous-entendais « le droit de ne pas être tué par l’être humain ». C’est bien sûr un problème de ma formulation, car prendre le point de vue des animaux, c’est ne pas prendre en compte les particularités des « tueurs ». Dans le cas de la prédation naturelle, c’est une question de survie, on ne peut trouver une autre solution. En revanche, l’être humain peut se passer de produits animaux. En écrivant cela, je n’ai pas du tout pensé à la prédation.

et non tu ne t’immisces pas trop tard ;)
 
Ok, en fait je demandais cette précision parce qu'il y a des philosophes antispécistes qui se posent vraiment la question, et qui arrivent même la conclusion que d'un point de vue strictement moral (conséquentialisme) il est souhaitable (on ne sait pas comment, chacun y va de sa propre imagination, ...) de supprimer la prédation. Je te renvoie par exemple aux Cahiers antispécistes et à Thomas Lepeltier. Lorsqu'on attache le "droit de ne pas être tué" à la personne de l'animal, après tout, il n'y a pas de raison. Par exemple, en tant qu'antispéciste nous condamnons la chasse, puisque l'animal sauvage a le droit de ne pas être tué, mais si nous voulons le protéger de la chasse, pourquoi ne pas le protéger de la prédation qui est tout aussi génératrice de souffrance et de mort pour lui, voire même plus. Mais si nous ne souhaitons pas supprimer la prédation alors notre approche philosophique doit être différente. Dans ce cas, peut-être faut-il plutôt dire que c'est bien l'homme et lui seul qui a le devoir de ne pas s'en prendre aux animaux.
Personnellement, j'ai une approche un peu différente que le strict conséquentialisme qui considère que l'animal est un être sentient qui a simplement le droit de vivre et de ne pas souffrir (et donc d'être protégé de la prédation). Je considère qu'il y a d'autres choses qui entrent en jeu. Je ne parle pas de conséquences écologiques de supprimer la prédation ( à priori on ne sait pas...) mais bien de conséquences morales. Dans un premier temps, je dirai que l'être humain n'a pas le droit de tuer des animaux pour les manger, porter leur fourrure, etc, en tout cas à l'heure actuelle où il peut faire autrement parce qu'il s'agit d'un problème de dignité. Cela vaut également s'il envisage de tuer/manipuler génétiquement les animaux/modifier leur comportement naturel,etc. "pour leur propre bien".
 
Dernière édition:
[...]Je considère qu'il y a d'autres choses qui entrent en jeu. Je ne parle pas de conséquences écologiques de supprimer la prédation ( à priori on ne sait pas...) mais bien de conséquences morales. Dans un premier temps, je dirai que l'être humain n'a pas le droit de tuer des animaux pour les manger, porter leur fourrure, etc, en tout cas à l'heure actuelle où il peut faire autrement parce qu'il s'agit d'un problème de dignité. Cela vaut également s'il envisage de tuer/manipuler génétiquement les animaux/modifier leur comportement naturel,etc. "pour leur propre bien".

De ce que j'en comprends (càd peu), on pourrait l'inclure dans un conséquentialisme utilitariste dit "de la règle": les conséquences morales et l'impact sur la dignité sont en fait des conséquences matérielles sur le bien-être et la souffrance au niveau sociétal, en prenant en compte l'ensemble de la société. (ex. connu: https://zoutu.be/yDWmnKrSE6M)
(j'ai remplacé le "y" pour ne pas avoir la miniature : y'a un moyen pour éviter d'avoir la miniature automatiquement?)

Pour revenir à un modèle théorique sans considération sociétale:

En regardant le problème d'un point de vue conséquentialisme, comme cité précédemment, la proposition est effectivement la même : "il faut minimiser la souffrance et maximiser le bien-être", et le plaisir de tuer ne compense pas l'absence de plaisir des tué.es.​
Par contre, il y a effectivement inversion de la proposition pour une éthique déontologiste, càd qui pose des règles absolues, de ce que j'en comprends : "il ne faut pas tuer" =/= "vous avez le droit de vivre" ; c'est bien vu je trouve @Zigzag !​
 
Dernière édition:
Je vais essayer d'être un peu plus précise: quand je parle de "dignité" pour les animaux, cela inclut bien sûr des considérations quant à la souffrance et au bien-être. Mais pas seulement. Par exemple: un cochon qui est enfermé toute sa vie en vue d'être abattu pour fournir de la viande, cela pose-t-il un problème seulement parce qu'il souffre de cet enfermement? Eh bien, non. Par exemple, on pourrait supposer que ce cochon ne souffre pas, n'a pas conscience de ce qui lui arrive (par une anesthésie qui le mettrait perpétuellement dans un état de bien-être endormi, par exemple, y compris lors de son abattage), cela aurait pourtant un impact négatif sur sa dignité animale. Parce que ce cochon possède la faculté de se mouvoir, de jouer, d'exercer son intelligence, d'avoir des relations avec ses congénères, etc, et que l'exercice de toutes ses facultés lui sont d'emblée refusées. Voilà pourquoi je suis extrêmement méfiante vis-à-vis de toutes les postures qui ne prennent en compte que la souffrance et seulement elle. Lorsqu'on a inventé "les droits de l'homme", on n'a jamais dit que l'homme était un être qui avait le droit de voir minimiser ses souffrances et maximiser son bien-être. On a plutôt parlé de la liberté et de la dignité humaine. Je pense qu'on devrait inventer une dignité "élargie" qui puisse également s'appliquer aux autres animaux.
 
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@Matilda : Oui, je suis d'accord, de ce que je comprends. C'est le propos que Homo Fabulus me semble développer en partie dans la vidéo que j'ai mise en lien ci-dessus, je trouve:
(et tant pis pour la miniature x-large, au temps pour moi)
L'utilitarisme brut, contrairement à l'utilitarisme de la règle (ou à d'autres), est piégeux, à cause des "préférences illégitimes", cf. vidéo. Je pense que la def. de la "dignité humaine" marche sur le même principe, non? Je serais intéressé d'être détrompé.
 
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Merci pour cette vidéo, elle est très intéressante, elle permet de mieux comprendre l'utilitarisme. Ce n’est pas une philosophie qui va de soi et je ne me considère pas vraiment comme utilitariste. J'ai bien aimé le passage sur la morale intuitive et la morale réflexive. Je crois que ce qui fait de nous des êtres humains est que nous avons une morale intuitive. Je privilégie plutôt celle-là en premier lieu, quand par exemple j'ai décidé de militer pour la cause animale. La réflexion et la logique viennent après, il faut du temps, encore heureux que nous soyons capables d'être instantanément "indignés" par le sort des animaux abattus pour le plaisir de l'homme!

Pour ce qui est de la dignité, justement, sa définition peut poser un problème parce que des fois on en parle et on ne sait pas ce que c'est. Par exemple, certains vont dire que se préoccuper des droits des animaux est une "atteinte à la dignité humaine"! Alors du coup je regarde la définition de dignité dans le dictionnaire et je vois : 1. Respect dû à une personne, à une chose ou à soi-même.

Donc, sous-entendu, ce ne serait pas respectueux pour la personne humaine de se préoccuper des droits des animaux. Mais on ne voit pas trop sur quoi cette affirmation repose, et on pourrait même lui opposer l’affirmation inverse, à savoir : « C’est une atteinte à la dignité humaine de NE PAS se préoccuper des droits des animaux ! » Et cela pourrait être bien plus pertinent, en tout cas pour moi ça l’est plus. En effet, n’est-ce pas plutôt indigne de la part des êtres humains de continuer à ignorer les souffrances qu’ils causent aux autres animaux - surtout depuis qu’on sait que nous sommes des animaux nous-mêmes?

Cependant à cause de cette difficulté de la définition de dignité, peut-être qu’on devrait la faire reposer sur des bases plus positives, à savoir le respect dû à une personne (humaine ou animale) parce qu’elle est capable de souffrir, parce qu’elle est capable d’éprouver du bonheur ou du plaisir, mais aussi parce qu’elle est « libre » (capable d’exercer ses propres facultés pour vivre ou pour survivre).
Il est aussi intéressant de remarquer que la notion de dignité fait intervenir deux "protagonistes": d'un côté celui qui agit de façon digne ou indigne envers un autre être, et de l'autre celui qui "subit" cette action (qui vit dans une condition digne ou indigne). Donc, dans la cause animale, la dignité n'est pas seulement ce qu'on attribue à l'animal, elle met aussi en jeu l'homme, celui qui agit sur l'animal. Contrairement à la souffrance qui ne fait intervenir qu'un protagoniste (celui qui souffre, donc)

Mais je ne vois pas trop le rapport avec les préférences illégitimes de l’utilitarisme brut pouvez-vous me préciser ?
 
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@Matilda
C'est là qu'on aurait besoin d'un.e bon.nne philosophe morale! ^ ^
Le sujet a, je crois, été abordé plusieurs fois sur le forum (sous différentes formes) et, peut-être qu'il y a consensus, mais il n'y a pas unanimité (j'ai des désaccords sur certaines notions avec @Xav et @screugneugneu , par exemple, et iels pourraient être intéressé.es). Je ne peux que présenter ma façon de voir les choses:


Pour moi, perso, la dignité semble être un synonyme de droit aux besoins fondamentaux de bien-être animal (incluant l'humain), donc je n'ai personnellement pas vu de sens s'attachant au sujet de l'action : faire du mal à autrui ne me semble pas être une atteinte à sa propre dignité.

C'est cruel, c'est amoral, ça cause atteinte à la dignitié du violenté...Mais selon ma def perso, pas à la dignité du violenteur.ice.

La dignité elle-même peut être, amha, intégrée à la souffrance, qui est l'une des principaux facteurs de considération éthique dans les systèmes moraux du conséquentialisme utilitariste.

Pour être sûr qu’il n’y ai pas de malentendu sur les facteurs principaux qu'on prend comme axiomes éthiques, j’aimerais expliquer mon raisonnement. (Désolé pour la grosse tartine HS)
Certain.es pensent que notre morale est fondée, à la base, par une émotion : l'empathie
C'est une émotion spontanée, incontrolable, qui a à la base un but évolutif... mais qui aujourd'hui peut nous piéger.

Néanmoins, cette émotion semble être à la base de nos systèmes éthiques : on aime pas quand on fait souffrir autrui, ça nous fait souffrir émotionnellement également.
Mais comme expliqué dans la vidéo : l'empathie étant une émotion, elle dépend de notre savoir, de nos préjugés, de notre humeur du moment, etc....
À la place de juger une action par l'empathie, on peut avoir un jugement plus froid, plus dépassionné, plus théorique : c'est ce que Paul Bloom nomme compassion. (cf.vidéo)
Un jugement compassionnel se base sur des facteurs de considération éthique essentiels…qui sont encore discutés à présent.

Le consensus des militants antispécistes, par exemple, pense que la sentience (=la capacité de ressentir ; ressentir de la douleur, pour certains) est l’unique facteur de considération éthique à prendre en compte. Parce que cette capacité est celle qui nous semble importante moralement, par compassion. On peut la tester, la chiffrer, l’analyser. Des programmes d’études existent pour essayer de dissocier les éventuels autres facteurs, d’ailleurs :

(+ l’onglet « About » avec les publications issues de ce test en ligne)



Tout cela pour dire que chaque facteur de considération éthique peut être testé et remis en question, c’est un champ de recherche relativement actif. À ce titre, je trouvais que la dignité s’apparentait plus à ce droit inaltérable de ne pas faire souffrir un individu (morale déontologiste, donc)….mais qui pouvait s’expliquer aussi pas un utilitarisme de la règle (ou autre), d’où ma mention des préférences illégitimes.



Ensuite, imaginer un dilemme éthique où on tient compte du protagoniste, avec un « agissant » et un « subissant » : on le fait pratiquement avec les dilemmes de base, comme le problème du trolley :

maxresdefault.jpg

Mais ce qu’on cherche à déterminer, c’est si l’action est éthique ou non. Les « subissants » ont assurément ce qu’on peut appeler une dignité = une valeur éthique qui pèse dans le dilemme. L’agissant, lui…je ne pense pas qu’on prenne en compte sa propre dignitié dans le calcul éthique, si on reste sur la def précédente.

Parce que la question est là, je trouve : si on confère une dignité à l'"agissant", est-ce qu'il existe une def de "dignité" qui permette à ladite dignité de "l'agissant" de rentrer dans le calcul éthique final pour ce dilemme? Je n'en trouve pas, perso.
 
Dernière édition:
Ok, nous différons sur ce point. J'ai une définition de la dignité plus large et pour cela ma méthode est de définir la dignité par rapport à ce qui nous indigne. Ainsi, une situation donnée (par exemple, l'espèce humaine exploitant des dizaines de milliers d'animaux en cage pour un besoin futile:, pour porter des vêtements ornés de fourrure) est particulièrement "indigne" et pas seulement parce qu'elle est une atteinte à la dignité des animaux exploités mais aussi à cause de la disproportion des intérêts en jeu (intérêt à vivre et à ne pas souffrir contre intérêt à porter des vêtements ornés de fourrure). Une autre situation porte également atteinte à la dignité des animaux (par exemple, un animal piégé dans la nature, également pour sa fourrure) mais elle est en même temps moins indigne que la précédente si on imagine par exemple que ça se passe dans un pays ou à une époque où il n'y a pas du tout d'autre choix pour l'homme que de porter de la fourrure pour ne pas crever de froid l'hiver. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas indigne, mais ça l'est moins que précédemment. Donc oui, pour moi, la dignité est une histoire de rapport et ne s'attache pas seulement à la victime. Elle implique également le bourreau. Je considère que la dignité de ce dernier (on appellera cela la dignité "morale"...) est d'autant plus dégradée lorsque la souffrance qu'il inflige à ses victimes devient de plus en plus "gratuite".
 
Dernière édition:
(j'ai fait une longue réponse sur smartphone, avec des liens externes, et quand j'ai voulu selectionner une coquille pour la corriger...tout a disparu...😭)
 
ok, je pense que je ferai prochainement un article sur les différentes dimensions de la dignité (ou de l'indignité) sur mon blog. 🙂 ... en tout cas celles que j'ai trouvées... D'accord j'attends votre réponse, pas de souci on a le temps!
 
@Matilda
En fait, j'ai réfléchi depuis, et je ne vois pas de point faible à cette définition, en fait, tu as raison.
J'avais trois critiques sur cette def ambivalente, mais elles ne sont pas consistantes, je pense, si on prend en compte que tu n'adhères pas à l'utilitarisme :
  • la def implique que les animaux violentant autrui ont une dignité inalterable (puisque dépourvus de morale)
  • un individu croyant violenter autrui mais en réalité ne s'attaquant qu'à un postiche (mannequin par ex) n'en enfreint pas moins la morale commune, selon un point de vue déontologiste, et donc cette def de sa dignité
  • il n'y a pas réciprocité du lien entre la dignité et le critère de considération éthique d'un point de vue conséquentialiste (une atteinte à la dignité offensée incluera la souffrance de l'offensé, mais une atteinte à la dignité d'offenseur n'incluera pas la souffrance de l'offenseur), ce qui pourrait remettre en cause l'amalgame des deux sens du terme. Mais il y a réciprocité du point de vue déontologiste, effectivement. (enfreindre la règle de ne pas souffrir/de ne pas faire souffrir)
Donc en fait tu as raison, de mon point de vue : cette def semble marcher d'un point de vue déontologiste, je trouve.
 
Dernière édition:
@crabe

Pour reprendre chacun de tes points, je dirai plutôt:

- les animaux violentant autrui, à supposer qu'ils ne possèdent pas de sens moral, n'ont en fait pas cette dignité "morale" (au contraire de l'être humain qui tout en violentant autrui est capable de juger cela comme "mal"). En revanche, ils possèdent toujours les autres aspects de leur dignité intrinsèque, à savoir ceux qui sont liés à leurs autres capacités (capacité de souffrir, capacité au plaisir et au bonheur, capacités physiques, intellectuelles, sociales,etc)

-Dans le cas de l’individu croyant violenter autrui, plusieurs dimensions de la dignité entrent en compte : d’une part, les aspects liés à la dignité intrinsèque de la victime disparaissent (puisqu’il n’y a pas de victime). D’autre part, l’indignité de rapport semble gommée également, puisque dans tout rapport il y a un « agissant » et un « subissant », or là puisqu’il n’y a pas ce subissant on ne peut parler de disproportion, ni de domination ni de quelconque autre forme de violence.

Il ne reste donc que « l’indignité morale » de notre individu trompé (qui altère consciemment son propre sens moral)
Je ne me contenterai pas de dire simplement « c’est mal/ cela doit être interdit. »
Je vois l’indignité comme une sorte d’entité à plusieurs dimensions ou aspects. C’est pourquoi certaines situations sont plus indignes que d’autres. Ainsi, il y a dans cette situation un aspect de la morale qui est violé, cela est quand même beaucoup moins « indigne », donc beaucoup moins grave, que si la victime était réelle.

- J’assume prendre en compte les deux sens du terme. Le fait est qu’il y a une dignité « intrinsèque » liée à l’individu, et une dignité « de rapport » entre un individu et un autre, ou entre un groupe et un autre, ou entre un groupe et un individu. Les deux sont liés : un rapport indigne engendre presque toujours une altération de la dignité intrinsèque des individus ou des groupes en cause (je dis bien de la dignité et pas seulement de la capacité à souffrir). Encore une fois, la souffrance est potentiellement incluse dans le rapport d’indignité, dans le traitement indigne, mais il est tout à fait possible d’imaginer des situations où le traitement indigne n’engendre pas de souffrance mais altère d’autres aspects de la dignité.

Voilà pourquoi je préfère ne pas me considérer d'emblée comme déontologiste ou conséquentialiste, parce que, à l'instar de ce que font les utilitaristes avec le bien-être/ le plaisir et la souffrance on pourrait, sans avoir au préalable des règles morales déontologistes du style "tu ne tueras point" considérer la dignité comme un ensemble à maximiser, l'indignité comme un ensemble à minimiser. A voir.
 
@Matilda

Mh...je n'ai pas le recul nécessaire sur cela, mais ça me semble délicat à manier.
Autant le déontologisme est pertinent pour définir un statut fixe qu'on peut nommer "dignité", et qui est atteint à chaque infraction d'une règle (et donc l'ambivalence marche), autant l'utilitarisme semble être un système bien défini et économe en hypothèse, de ce que je comprends. Or, ce que tu sembles décrire, c'est un système relatif au contexte, avec des axiomes éthique, un but à atteindre, et un calcul éthique à la clé : ça se rapproche d'un système utilitariste.

J'ai cru comprendre que ta vision de la dignité était un ensemble de facteurs de considération éthique (sentience, douleur, etc). Mais on peut se servir de ces simples facteurs, en fait, et faire un calcul utilitariste (maximiser la dignité me semble un synonyme de maximiser le bien-être) : qu'est ce que ça changerait par rapport à un calcul éthique utilisant la dignité?

Tu dis "Il est tout à fait possible d’imaginer des situations où le traitement indigne n’engendre pas de souffrance mais altère d’autres aspects de la dignité." : d'accord, mais une prise en compte similaire existe également dans les calculs utilitaristes de la règle (par exemple), et c'est précisément ce qu'explique Homo Fabulus au début de sa vidéo (avec l'exemple de la pelouse tondue).

D'autre part, la souffrance et le plaisir/bonheur sont les objectifs d'un système utilitariste...mais on en estime pas moins d'autres facteurs (niveau de cognition, sentience, rapport sociaux, etc...) : Toutefois ce sont précisément des facteurs, pas les buts du système éthique, et on fait cette distinction: ils pèsent dans la balance pour calculer si le but est achevé, ils ne sont pas compté "avec".

Je pense que ce serait un bon exercice de pensée que de tester l'utilité du concept de dignité -tel que tu le définis - par rapport à l'utilitarisme de la règle, pour voir s'il y a une différence est quelle serait son utilité. Dans l'exemple de la pelouse ci-dessous (ou dans l'exemple qui siéra le mieux), est-ce que cette notion de dignité changerait quelque chose au calcul? Si oui, comment?

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Bon, en fait, l'intérêt de mon système ne se verra probablement pas dans le cas de la pelouse de Jeremy. Je l'ai imaginé plutôt pour rééquilibrer des situations déséquilibrées, comme par exemple, le cas du géologue lapidé par une foule. A la réflexion, je l'ai appliqué aussi au cas du personnage qui voit son jardin transformé en jardin public par ses voisins, et le résultat est que cette situation est moralement non tenable. Je dirai que dans le cas du géologue par exemple, le niveau d'indignité atteint est maximal (alors que le niveau de souffrance "total" n'est peut-être pas maximal, si on prend en compte le bien-être de ces spectateurs décidément bien pervers!). On peut dire la même chose d'une corrida. Tu as écrit:
J'ai cru comprendre que ta vision de la dignité était un ensemble de facteurs de considération éthique (sentience, douleur, etc). Mais on peut se servir de ces simples facteurs, en fait, et faire un calcul utilitariste (maximiser la dignité me semble un synonyme de maximiser le bien-être)
Je te renvoie à l'exemple du cochon dont j'ai parlé un peu plus haut. Mais même si dans la réalité, le fait de priver un animal de la liberté d'exercer ses capacités engendre presque toujours de la souffrance, je préfère séparer "conceptuellement" la sentience, ou capacité d'éprouver de la souffrance ou du bien-être, des autres facultés, et considérer que celles-ci ont aussi une valeur en elle-mêmes, indépendamment de la sentience. Alors, cela ne dit pas à priori lesquelles il faut privilégier si le fait de respecter les unes entre en contradiction avec le fait de respecter les autres. Exemple: si un lion poursuit une gazelle et s'apprête à la tuer, faut-il privilégier dans notre considération éthique la souffrance/ la mort de la gazelle et la souffrance du lion (et donc sauver la gazelle et donner des croquettes au lion?) ? Faut-il privilégier le libre exercice de leurs aptitudes à la course, l'un à poursuivre et l'autre à fuir? (et donc laisser le drame de la nature se jouer? -quitte à ce qu'il y ait de la souffrance?) (-sachant que dans le cas où c'est un homme qui poursuit la gazelle et qu'il ne le fait pas par nécessité, le problème est beaucoup moins difficile à trancher, parce qu'un facteur d'indignité supplémentaire entre en jeu: l'indignité de rapport: infliger de la souffrance sans nécessité, par plaisir). Pour le cas de la gazelle et du lion, à ce stade de ma réflexion, je n'ai pas tranché. Je sais juste qu'il existe des niveaux d'indignité maximum (tous les facteurs de l'indignité entrent en jeu) et que ceux ci sont presque toujours atteints dans les formes d'exploitation contre lesquelles nous luttons lorsque nous militons pour la cause animale. Qu'il est tout à fait possible d'amoindrir et même de supprimer cette indignité, ainsi que de rééquilibrer nos rapports (ce qui conduit à supprimer ou amoindrir le niveau d'indignité "de rapport"): exemple: transformer une ancienne ferme d'élevage en un refuge pour animaux sauvés de l'abattoir.
Donc, si l'utilitarisme ne s'intéresse effectivement qu'au bien-être et à la maximisation du bien-être (et à la minimisation de la souffrance), et que pour l'utilitarisme, les autres capacités de l'animal ne sont pertinentes moralement qu'en tant que leur exercice permet d'augmenter le bien-être (et que leur non-exercice augmente la souffrance) alors peut-être que cette approche par la dignité n'est pas un système utilitariste. Je préfère ne pas me coller d'étiquette, et je préfère me focaliser sur la cause animale avant que de réfléchir au cas de la pelouse de Jérémy, ... Je vais essayer d'écrire mon article cette semaine.
 
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