Manger la chair – Plutarque

Grenadine

Élève des carottes
Inscrit
18/1/11
Messages
1 171
Score de réaction
0
Localité
Paris
J'ai récemment eu envie de lire le livre de Marcela Iacub, Confessions d'une mangeuse de viande (très bien). Et puis comme j'avais emprunté Manger la chair – Traité sur les animaux de Plutarque en même temps, je me suis dit que j'allais commencer par le commencement (et j'ai plutôt bien fait puisqu'il est cité dans le premier).
Et j'ai été frappée de constater qu'un bouquin écrit au Ier siècle semble si contemporain. Certes, le texte est un peu ardu (mais ça dépend peut-être des traductions ? ), mais les arguments employés par Plutarque sont exactement les mêmes que ceux que nous utilisons encore aujourd'hui.

Petit panel :

Il s'étonne tout d'abord du "courage" du premier homme qui a mangé de la viande, le tout premier qui a décidé de tuer et de manger un cadavre en passant outre son dégoût et l'horreur de son acte. Puis, il se dit que celui-là n'a peut-être pas eu le choix de sa nourriture, contrairement à ses contemporains qui vivent dans un âge si prospère, plein de fruits et de légumes.
( = contrairement à l'homme préhistorique/les Inuits, nous, nous avons du choix. )

Il dénonce ceux qui appellent les lions et léopards "bêtes sauvages" qui tuent par nécessité, alors qu'eux-mêmes tuent par "délices".
( = oui mais la viande, c'est bon. )

Il parle de ces humains "grands carnivores qui sont faits pour manger de la viande" et leur rappelle que leurs dents sont plates et leurs ongles courts, et les met au défi d'aller égorger un sanglier sans aucun outil.
( = et mes canines de carnivore, là, hein ? )

Et quand bien même un animal serait mort, personne n'a le courage de le manger tel quel et il faut le déguiser de sauces et d'épices pour ce faire. Il dit aussi que nous avons besoin de nous éloigner de l'idée de mort en accoutrant la chair de telle façon, d'oublier l'animal tué, et Marcela Iacub parle beaucoup de cet aspect-là aussi.

Il estime que celui qui respecte les animaux et leur est attentionné, alors qu'ils ne se ressemblent en rien et ne communiquent pas, est forcément bon envers les humains aussi.

Il accepte le meurtre des animaux si on en a vraiment besoin, mais faisons-le sans les faire souffrir inutilement juste par goût (là, un exemple de recette sympa consistant à sauter sur le ventre d'une truie pleine pour faire une bouillie de sang, de porcelets, de lait... ).

Il parle de la culture qui veut que l'on ne fasse jamais un banquet, que l'on n'invite pas quelqu'un sans lui offrir de la viande.

Bon, il explique aussi qu'au vu de la dissipation des âmes au moment de la mort et tout ça, il vaut mieux éviter de manger de la viande si on ne veut pas dévorer son grand-père réincarné en porcelet, et que de toute façon, celui qui se laisse aller à manger de la viande par délice finira ivrogne, libertin et débauché (et c'est mal).



J'ai trouvé vraiment intéressant que tous ces arguments, sous cette forme ou une autre, se retrouvent encore presque deux mille ans plus tard (ou peut-être que c'est triste qu'on en soit encore là ? )
Certains d'entre vous l'ont-ils lu ?
En tout cas, un bouquin vraiment bien, et puis très court en plus (heureusement, vu le style... ). Et d'autant plus intéressant que Plutarque n'était pas végétarien.
 
J'aime ces quelques extraits, je rajoute ce livre à ma liste !
 
Grenadine":1wmcccfz a dit:
Il parle de ces humains "grands carnivores qui sont faits pour manger de la viande" et leur rappelle que leurs dents sont plates et leurs ongles courts, et les met au défi d'aller égorger un sanglier sans aucun outil.
( = et mes canines de carnivore, là, hein ? )

Personne ne dit ça voyons !
hey-vegetarians-explain-these-184939-320-288.jpg
 
C'est en tout cas la première phrase de la préface, "Plutarque n'était pas végétarien", mais ce n'est pas dit pourquoi.

Voilà des extraits de la préface de Serge Margel :

La question qu'il se pose dans son traité ne consiste pas à montrer qu'il faut se priver de viande ou de chair animale, mais il se demande dans quelle mesure on peut manger de la chair.
[...]
La question qu'il se pose : "s'il est loisible de manger de la chair", n'est plus religieuse, mais proprement morale (contrairement au végétarisme des pythagoriciens, dont il se démarque).
[...]
En somme, la question qu'il se pose peut s'énoncer de la manière suivante : comment l'homme peut-il jouir de manger de la chair ?
Cette question est une question morale, qui se fonde sur une anthropologie, une définition ou du moins une considération de la nature humaine.Or cette nature évolue, se transforme : d'un certain point de vue, elle s'améliore, d'un autre, elle s'aggrave. À l'origine, au temps où vivaient les premiers hommes, la nature était sauvage, les rivières inondaient la terre et la nourriture de faisait rare. Les primitifs, sous le joug de la nécessité, et pour survivre, avaient donc toute cause de manger de la chair. Mais nous, civilisés, nous qui vivons sur une terre cultivée, riche, abondante, nous n'avons aucune raison de tuer pour manger. Non seulement nous n'avons aucune raison, mais de plus notre nature n'est pas faite pour ça. Et pourtant, nous jouissons de manger cette chair. Pourquoi ? Comment se fait-il que nous puissions désirer faire quelque chose qui va contre notre propre nature ?

@Cépafo : cette image est géniale, elle mériterait d'être tirée en poster :ROFLMAO:

En tout cas, je trouve que ce bouquin vaut vraiment le coup d'être lu, et ça se fait en un ou deux jours (sauf si vous passez une heure sur la même page parce qu'il y a une phrase que vous ne comprenez pas... ).
 
Ouais enfin je crois surtout que l'auteur de la préface n'était pas végétarien.
Maintenant ça me revient, je crois avoir lu le texte d'une personne qui contestait cette affirmation justement. Je vais essayer de le retrouver.

edit: c'était un article des cahiers antispécistes
http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article241

Les recherches que j'ai effectuées ne m'ont pas permis de confirmer ses dires, mais plutôt de les infirmer. Toutes les sources que j'ai pu consulter tendent à montrer que Plutarque a été végétarien, au moins une partie de sa vie. Je préfère ainsi rester neutre et conclure que nous n'avons aucune certitude quant au végétarisme de Plutarque. Mais quelle source permet donc à M. Serge Margel d'être aussi catégorique sur la question ?

Je trouve ça étrange d'affirmer sans preuve comme ça. D'après les écrits de Plutarque, tout porte à croire qu'il ait été végétarien. Sinon je me demande bien que sens ça a d'écrire des choses comme
...si tu te veux obstiner à soutenir que nature l'a fait [l'homme] pour manger telle viande, tout premier tue-la donc toi-même (...) sans user de couperet (...) tue-moi un boeuf à force de le mordre à belles dents, ou de la bouche un sanglier, déchire-moi un agneau ou un lièvre à belles griffes, et le mange encore tout vif, ainsi comme ces bêtes-là font
(peut-être qu'il le faisait? miam miam)
ou encore:
ainsi pour un peu de chair nous leur ôtons la vie, le soleil, la lumière, et le cours de la vie qui leur était préfixé par la nature...
 
Cépafo moi je sors celle là ^^

d7c8bf03.jpg


^^ parce certes ils mangent rarement des insectes le bestiaux mais la canine de 10 cm pour bouffer une fourmi moyen ^^

:cartonR:
 
Oui mais en même temps, il a l'air un peu faible et pâlichon à force de manger de l'herbe ;-)
 
Moi, l'impression que ça me donne c'est que ce que veux dire le type qui a écrit la préface, c'est "heu, bon, il est pas végétarien, donc vous inquiétez pas, on peut lire ce qu'il écrit et le prendre au sérieux."
 
Pas faux ça !
A creuser :p
Pour moi, à lecture il serait plus que logique que Plutarque ait été végétarien.
A moins qu'il n'ait simplement voulu soulever un cas de conscience ? Forcer les gens à répondre de leurs instincts ?
Ca ne me convainc pas ...
 
vgbrux":18qtt64u a dit:
Moi, l'impression que ça me donne c'est que ce que veux dire le type qui a écrit la préface, c'est "heu, bon, il est pas végétarien, donc vous inquiétez pas, on peut lire ce qu'il écrit et le prendre au sérieux."

Même sentiment.

Peut-être aujourd'hui se positionnerait-il autrement cela dit.
 
Et après ça on se demande encore à quoi servent les études de lettres classiques =P

Pour ce qui est de la traduction : la plupart de nos traduction des textes classiques datent d'il y 50-60 ans, le style était beaucoup plus lourd. Aujourd'hui on fait des traductions plus adaptées. Mais il suffit de plonger dans le texte et on s'habitue assez facilement ;)

Je ne connais pas d'exemple de végé dans l'antiquité, mais ça devait bien exister (ne me citez pas Épicure, il était malade et ne pouvait pas manger grand chose de toutes façons). Beaucoup de philosophes ont dénoncé des travers humains sans pour autant les réparer sur eux mêmes, donc Plutarque aurait tout aussi bien pu être végétarien comme ne pas l'être.
N'oublions pas aussi qu'à cette époque la condition animale était très différente, il n'y avait ni élevage massif ni problèmes d'écologie.
 
Le seul végé antique que je connaisse (mis à part Épicure :p ), c'est Pythagore, mais je n'ai pas encore trouvé de texte de lui parlant de ça (ma bibli est peu fournie à ce sujet).
Il est évoqué dans le livre de Plutarque.
 
Comme dit l'auteur des cahiers antispécistes dont j'ai oublié le nom mais dont j'ai mis un lien vers l'article,

Je trouve que l'auteur de la préface vide de tout son sens l'ouvrage de plutarque.
C'est du genre "par un philosophes grecs voici toutes les raisons pour lesquelles il ne faut pas manger de viande et qu'il faut absolument être végétarien car manger de la viande est un crime et rend malade; il dit aussi que manger de l'animal c'est dégueulasse. mais ne vous inquiétez pas, tout ça n'a aucune portée concrète, vous pouvez continuer à manger de la viande comme avant".

Lamentable.
Encore une fois il me semble évident que Plutarque était végétarien.
 
vgbrux":1t823krk a dit:
Moi, l'impression que ça me donne c'est que ce que veux dire le type qui a écrit la préface, c'est "heu, bon, il est pas végétarien, donc vous inquiétez pas, on peut lire ce qu'il écrit et le prendre au sérieux."

J'ai la même édition de ce bouquin et effectivement, il semble que l'auteur de la préface démontre avec brio combien dès qu'il s'agit du végétarisme, quelqu'un de très intelligent par ailleurs peut déconnecter complètement son cerveau par pur conservatisme. Affligeant :><:
 
Je lisais Droits des Animaux : Théories d'un mouvement (de Enrique Utria) tout à l'heure dans le RER. Et dans le chapitre consacré à la vision de Rousseau, l'auteur a cité un passage de L’Émile, passage qui lui même cité Plutarque.
J'ai trouvé cet extrait assez fort, et je me suis empressé de le trouver sur le net. Pour ceux que ça intéresse, le voici !

http://mecaniqueuniverselle.net/extenti ... assier.php

(Je tiens à préciser que je n'ai jamais lu Plutarque)
 
Retour
Haut