Végétarisme et classe sociale

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Anonymous

Guest
Ces derniers jours, deux personnes m'ont fait part d'arguments que je n'avais jamais entendus (en tout cas, pas formulés de cette façon, et sans préjugés végéphobes). Ce sont des personnes actives dans les milieux militants, notamment intersectionnels, et qui sont issues de "classes populaires" voire très populaires. Elles sont très intéressées et sensibles au végétarisme mais ont un frein culturel ou plus exactement une barrière symbolique très difficile à franchir. Pour elles, les aliments type tofu, quinoa, etc. sont très connotés socialement : ce sont des trucs de bourgeois et adopter ce genre d'aliments dans leur quotidien représente une "trahison" sociale. Elles ont bien conscience que c'est basé sur des stéréotypes, mais la barrière symbolique est très forte malgré tout.
Je précise qu'il ne s'agit pas du fameux "le végétarisme c'est un truc de bourgeois" ou "les droits des animaux c'est un truc de riche, pourquoi faire passer les animaux avant les humains ?", mais vraiment ce qui est soulevé c'est le lien entre culture culinaire/habitudes alimentaires et identification en termes de classe sociale. Si j'ai bien suivi, elles revendiquent leurs origines sociales dans leur parcours, affichent leurs "codes sociaux" d'origine dans l'espace public sans forcément vouloir se conformer à ceux des classes sociales dominantes comme un geste de "résistance", et du coup, adopter des habitudes alimentaires identifiées comme relevant du "groupe dominant" est un pas difficile à franchir.
J'ai trouvé ça intéressant comme réflexion. Et à part dire qu'on peut être végé sans manger de quinoa, je ne savais pas trop quoi répondre... Mais je pense comprendre le blocage. Vous avez des histoires dans ce sens ou des réflexions ?
 
Donc ça serait un peu le contraire des gens qui mangent de la viande parce que c'est un truc de "riches" dans le sens que la viande c'est cher et que dans les payes pauvres c'est pas accessible à tous ?

Je sais pas si je suis claire là.
J'ai vu un truc y'a quelques temps qui disait que les pays d'Asie qui avant étaient très pauvres, et maintenant étaient en voie de développement voyaient la consommation de viande augmenter en même temps que le pouvoir d'achat.

Donc là, ces personnes ne veulent pas manger d'aliments "de riches" parce qu'elles veulent rester "fidèles" à leur classe sociale, c'est ça ?

J'avais jamais lu ou entendu quelque chose comme ça non plus, mais c'est intéressant.

Peut-être qu'elles ont peur que leur image auprès des autres ne changent et deviennent négative ?
 
manger de la viande pour les classes populaires, c'est justement le symbole qu'on peut faire comme les riches, pourtant ^^
C'est plutôt inhabituel ce genre de retournement, je trouve :)
D'autant que bon, quinoa, tofu, tout ça, c'est de l'alimentation de classes populaires, justement o_O Et passable, il suffit de se faire des gros casse-dalle façon "populaire" pour s'aprecevoir que la viande a été rajouté après coup pour dénoter qu'on faisait partie des riches (Chili, couscous, soupe chinoise, à la base, y'a rien avec des animaux, là dedans!)
 
Déjà, le fait de dire qu'on peut être végé sans manger de tofu ou de quinoa me parait essentiel.
Ensuite, énoncer des faits purement mathématiques : les céréales et légumineuses dans leur ensemble sont nettement moins chères que la viande (et quand je dis ça, je parle du prix affiché en magasin, je ne tiens même pas compte du fait que le prix de la viande est totalement faussé par la PAC...), et ces produits qu'ils consièrent comme "luxueux", s'ils sont parmi les plus chers de leur catégorie, restent malgré tout très en deçà des produits carnés.
Ensuite, remettre en perspective le rapport à l'alimentation dans un cadre plus vaste historiquement et géographiquement : non seulement ces aliments sont, dans leurs pays d'origine, des "aliments du pauvre" (et donc le fait de considérer qu'ils sont des aliments de riches est une vision purement occidentale et complètement tronquée), mais surtout, si on reste dans notre propre civilisation, c'est la viande qui, historiquement parlant, est un produit de riches ! Donc, manger de la viande est en fait en total désaccord avec leur pseudo volonté de "coller" à leur classe sociale d'origine.
Si ça ne suffit pas à leur faire voir leur incohérence (ce qui sera très probablement le cas s'ils ont ne serait-ce qu'un peu de mauvaise foi !), un petit cours d'histoire économique sur la façon dont les pays industriels ont encouragé la consommation de produits animaux après la Seconde Guerre Mondiale devrait permettre de leur montrer à quel point notre consommation actuelle de viande est hyper récente, totalement "artificielle" (à la fois d'un point de vue nutritionnel et d'un point de vue économique), et surtout est clairement un "truc de riche".
 
Je n'ai pas de réponse à apporter, si ce n'est que le sujet est intéressant et à réfléchir non pas sur la base de stéréotypes, comme tu l'as mentionné (être végé c'est pour les bourgeois machin) mais sur l'image véhiculée - même indépendamment de leur coût - par certains aliments non répandus dans la restauration et les habitudes de consommation carnistes.
 
LordGuinness":2sz475r0 a dit:
certains aliments non répandus dans la restauration et les habitudes de consommation carnistes.

Le quinoa me semble quand même assez répandu. J'en ai déjà mangé au restau, à la cantine et ma famille carniste en consomme régulièrement.

Sinon, j'ai beau essayer d'y réfléchir et de comprendre leurs réticences, je ne parviens pas à voire la différence avec le fameux "le végétarisme c'est un truc de bourgeois". Les véganes qui vivent sous le seuil de pauvreté ce n'est pas ce qu'il manque, y compris sur ce forum.
 
L'identification à une classe sociale ne se limite pas au niveau de vie, mais inclut aussi une "culture" ou sous-culture" ou des codes sociaux. Ces personnes ne parlaient pas de leur volonté de faire ou de ne pas faire mais bien d'une barrière symbolique difficile à franchir parce que sentiment d'appartenance très fort à une certaine catégorie sociale, appartenance qu'elles revendiquent par ailleurs dans un contexte social qui n'est pas celui de leur origine sociale. Je comprends le besoin de se démarquer et d'affirmer sa "différence" quand on a un parcours "transgressif".
Usagi : pour le quinoa comme aliment de consommation quotidienne, je n'irai pas jusque-là. ça me semble encore pas mal être un marqueur social, comme le tofu.
 
Si sa culture c'est manger de la viande et qu'il est fort attaché à sa culture, cette réflexion/justification me semble des plus banales avec son lot d'incohérence que soulève Jess.
 
quel est le rapport ? Tu adresses une réponse à une question qui n'est pas posée.
LordGuinness a bien formulé la question puisque je ne n'ai peut-être pas été très claire :
l'image véhiculée - même indépendamment de leur coût - par certains aliments non répandus dans la restauration et les habitudes de consommation carnistes
Par ailleurs, je grandis dans une culture où on m'interdit de montrer mes seins. Demain, dans une société où je pourrais marcher torse nu dans la rue, je peux te garantir que je n'en serai pas capable, quand bien même je trouverais cela simplement équitable par rapport au fait que les mecs le peuvent. Et là, il n'y pas même pas d'identification à des codes sociaux mais simplement une intériorisation.
 
en l'occurence, donc, ils ont la culture de la classe sociale prolétaire, et veulent conserver le fait de manger de la viande pour faire comme les prolos... qui mangent de la viande pour faire comme les bourgeois... et ils veulent le faire pour ne pas être assimilés aux bourges @_@ j'ai bon? ^^'
 
jess":7etf94ai a dit:
Ensuite, énoncer des faits purement mathématiques : les céréales et légumineuses dans leur ensemble sont nettement moins chères que la viande (et quand je dis ça, je parle du prix affiché en magasin, je ne tiens même pas compte du fait que le prix de la viande est totalement faussé par la PAC...), et ces produits qu'ils consièrent comme "luxueux", s'ils sont parmi les plus chers de leur catégorie, restent malgré tout très en deçà des produits carnés.
Ensuite, remettre en perspective le rapport à l'alimentation dans un cadre plus vaste historiquement et géographiquement : non seulement ces aliments sont, dans leurs pays d'origine, des "aliments du pauvre" (et donc le fait de considérer qu'ils sont des aliments de riches est une vision purement occidentale et complètement tronquée), mais surtout, si on reste dans notre propre civilisation, c'est la viande qui, historiquement parlant, est un produit de riches ! Donc, manger de la viande est en fait en total désaccord avec leur pseudo volonté de "coller" à leur classe sociale d'origine.
Si ça ne suffit pas à leur faire voir leur incohérence (ce qui sera très probablement le cas s'ils ont ne serait-ce qu'un peu de mauvaise foi !)
Je ne pense pas que ces personnes sont incohérentes du tout, et je ne suis pas sûre que des discours historiques ou sur le prix faussé de la viande soient adaptés : maintenant, en France, le quinoa et le tofu, déjà, si c'est cher, sauf si t'habites à côté de magasins asiatiques, et puis ouais c'est connoté socialement... en fait j'ai toujours trouvé à moitié bidon l'argument "en fait c'est la viande, le truc de riches". Je comprends les calculs sur le prix des lentilles et tout, mais clairement, les restos végés sont destinés aux bourgeois (et aux végés ^^), ils vont pas s'implanter dans une banlieue pauvre. C'est juste comme ça, aussi irrationnel que ça soit si on creuse un peu, mais ça suffit pour déterminer ce qui est un "truc de riche" ou pas, puisque l'expression est vague et parle de la connotation sociale justement.

Usagi.Chan":7etf94ai a dit:
Sinon, j'ai beau essayer d'y réfléchir et de comprendre leurs réticences, je ne parviens pas à voire la différence avec le fameux "le végétarisme c'est un truc de bourgeois".
Ben j'ai l'impression qu'il y a de ça effectivement, mais pas dit dans le sens "casser du sucre sur le dos du végétarisme", mais comme frein.

Usagi.Chan":7etf94ai a dit:
Les véganes qui vivent sous le seuil de pauvreté ce n'est pas ce qu'il manque, y compris sur ce forum.
J'espère que je vais pas dire de bêtises mais il y a pauvreté et pauvreté je trouve. Être pauvre parce que t'es étudiant.e pendant trois ans entre papa-maman et un boulot, ou encore parce que tu es dans un mouvement de sobriété heureuse (simplicité volontaire, toussa), c'est pas du tout pareil que d'être dans une classe sociale opprimée économiquement et culturellement depuis la naissance et de se construire en tant que tel. J'ai l'impression que déjà il y a moins de gens sur le forum qui sont concerné.e.s (mais il y en a quand même, oui). Après justement peut-être qu'iels ont des trucs à dire sur le fait que le mouvement antispéciste/végane en France est bien blanc et bourgeois, parce que moi je pense effectivement qu'il l'est, et que c'est un problème.
 
Le mouvement végan et antispéciste est peut-être bien blanc et bourgeois en France, mais ni plus ni moins que le reste de notre société au final. On nous vend en permanence une société blanche et bourgeoise. Donc refuser d'être végé pour cette raison, ça veut dire auss refuser d'avoir un smartphone, une TV écran plat ou je ne sais quoi d'autre du même genre. Ce que la plupart des gens qui décrient le végétarisme sous ce prétexte-là ne font pas. D'où l'incohérence, même s'ils n'en sont absolument pas conscients. Notre société entière est blanche et bourgeoise.
 
Encore une fois, je ne pense pas qu'il s'agisse de "refuser".... Une barrière symbolique ou psychologique c'est comme le langage, si on ne connaît pas le mot ou le concept, on ne communiquera pas, c'est tout.
Et on ne peut pas comparer une télé ou un smartphone à du quinoa. Ils ne marquent pas socialement de la même façon, ne relèvent pas de la même stratégie de distinction.
Et puis les personnes avec lesquelles j'ia parlé, justement, ne décriait pas le végétarisme, je l'ai précisé. Il y a plusieurs posts qui sont du pur procès d'intention.
 
Effectivement, même si le véganisme peut être adopté par toutes les classes sociales, certains aliments sont connotés chers, et donc "pour les riches", comme le tofu et le quinoa.
Bon, déjà, on n'est pas obligé de manger ces deux aliments là, mais faut bien avouer qu'ils sont assez symboliques de l'alimentation végé*
Et aussi, le fait qu'on ne trouve certains aliments que dans les commerces spécialisés, comme certains légumes rares bio, assez chers, ou les tofus un peu spéciaux qu'on ne trouve qu'en boutique bio, très connotée "bourgeoise", peut faire fuir des membres des classes populaires.
A part les rassurer qu'on peut être végétarien ou vegan sans avoir recours à ces produits, je ne vois pas très bien quoi faire.
Et c'est vrai que la clientèle habituelle des magasins et salons bio est plutôt "bourgeoise" et "aisée", même si j'y ai déjà croisé des potes végé* des classes populaires-fauchées.
 
Je comprend cette barrière symbolique, ça me parle beaucoup. Je n'achète jamais de quinoa pour cette raison, c'est bête mais c'est comme ça, en avoir dans mon caddie ça me ferait me sentir "bourge" ou pire, hipster^^ Je mange autre chose hein, le quinoa n'est pas indispensable pour vivre, surtout que vers chez moi il vient de Bolivie ce qui rend le truc cent fois pire à mes yeux (parce que c'est l'alimentation de base des Boliviens et qu'ils sont obligés d'en exporter tellement qu'ils ne peuvent même plus s'en nourrir).

Le tofu j'ai moins de problème avec parce que ma grand-mère en consomme beaucoup et qu'elle n'est pas du tout bourgoise.

Mais à part l'alimentation j'ai plein de barrière psycologique de ce genre comme aller chez la manucure ou l'ésthéticienne, pour moi c'est les bourges qui vont se faire faire les ongles et se faire épiler (je sais que c'est un cliché, désolée pour celleux qui fréquentent les salons^^).
 
Je ne peux pas vraiment t'aider Fabicha :(

Fabicha":2qdat3zg a dit:
Usagi : pour le quinoa comme aliment de consommation quotidienne, je n'irai pas jusque-là. ça me semble encore pas mal être un marqueur social, comme le tofu.

Après, faut voir quelle origine on a. Comme je suis d'origine chinoise, le tofu n'a aucune connotation bourgeoise, j'en consomme depuis que je suis tout petit. On en fait des desserts, des plats de fêtes, des soupes, des plats de tous les jours. Mais le milieu que ces gens fréquentent doit être différent oui.
 
C'est marrant comme la majorité des commentaires sont à côté de la plaque.

Bon reprenons : Il y a des marqueurs sociaux plus forts que d'autres.
Il y a une certaine "norme" bourgeoise à laquelle on se plie pour se conformer à cette norme : posséder une TV LCD de 150 cm de diagonale, un IPhone, une PS4, une tablette etc.
Tout ça parce que c'est valorisé par la société d'hyper-consommation dans laquelle nous baignons. Et il en est de même pour la consommation de viande et d'autre produits animaux. L'accès à ces denrées / produits est symbolique mais pas vue comme étant forcément "bourgeoise".

D'autre part, il y a des produits qui portent un stigmate "bourgeois", là où les produits sus-cités ne sont que "normaux" d'une certaine façon. Et ça peut changer d'un individu à l'autre (je pense surtout aux produits Apple) mais je parle de façon globale.
Et ces produits "marqués" sont plus facilement rejetés par les classe populaires car connotés négativement comme étant des trucs de bourge / de bobo parisien.
Et je dois avouer que j'ai encore ça en tête quand j'entre dans un Naturalia et même dans Un Monde Vegan (dans une moindre mesure quand même).

Ce n'est pas uniquement une question de prix, même si ça joue, contrairement à ce qui a l'air de ressortir ici. C'est bien plus complexe que ça. Ça peut aussi être culturel, comme l'a sougliné raf juste au dessus.
 
du coup il est tout à fait imaginable d'exclure ces produits trop symboliquement connotés, sans pour autant manger de viande ou de lait ou autre ^^
 
Mais qui a dit le contraire erabee? Plusieurs personnes ont fait dévier la conversation sur la valeur symbolique des aliments vers un débat sur le végétarisme...
C'est marrant : quand on a des réserves sur le quinoa, on attaque le végétarisme maintenant ?

EDIT : ok, je viens de percuter que le titre du fil prête à confusion, c'est probablement de ma faute donc.
 
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