Ahiṃsā / non violence radicale

Dans le cas de Vincent Humbert je pense qu'il aurait été beaucoup plus violent de l'obliger à vivre dans l'état dans lequel il était alors que lui même avait explicitement fait part qu'il ne le souhaitait pas. Forcer une personne à souffrir comme ça pour moi c'est ça la vraie violence alors que l'aider à mourir dans la dignité comme il le souhaitait est au contraire un geste d'amour ô combien douloureux mais d'amour quand même.

Pour le cas de la jument et des poux je pense que ce qui peut être pris en compte est le fait que les poux lui font extremement mal alors qu'elle-même ne fait de mal à personne. Ça me fait penser à l'histoire des deux lions tueurs en Afrique (je sais plus où je dois chercher) de la fin du 19eme siècle qui ont tué pas moins de 140 ouvriers d'un chantier avant d'être abattus. La faute principalement au fait que l'on a massacré leurs proies habituelles donc pas entièrement leur faute. Est ce qu'on a fait preuve de spécisme en les abattant? Qu'aurait il fallu faire?
 
Pour les cas marginaux il faut une réflexion au cas par cas me semble t'il. C'est ce qui se passe pour les euthanasies des humains.

Pour rebondir sur ce que dit persOnne, je pense qu'à la violence des propos et des réactions spécistes il faut répondre sans juger la stupidité apparente. Et considérer que l'envie de répondre violemment ou de manière vexante est une attitude à réprimer. Celui qui tient des propos non violents (non vexants) face à une personne aux propos violents attirera plus d'empathie. Comme dit persOnne, la non violence n'est pas la passivité.

A part des propos qui peuvent être violents. Quelles actions violentes antispécistes connaissez vous ? J'en ai pas encore vu dans mes lectures.
 
À moi de mettre mon grain de sel. :)


Évidemment, tout le monde sain d'esprit et un tantinet civilisé admettra que la non-violence est un idéal à rechercher, avec toutefois des exceptions (et là, j'adopte la formulation de PersOnne, qui me plaît beaucoup) :

[La violence] peut [...]avoir un sens dans l'urgence, pour protéger (soi-même ou quelqu'un d'autre), pas pour détruire. Parce qu'on n'a pas le temps de mettre en place un action plus fine.

Mais ces exceptions sont-elles admises par l'ahimsa, à savoir "la nature sacrée de tout ce qui est vivant" (d'après "le yoga du corps et de l'esprit) ? La question se pose, car 'agresseur a beau être un parfait connard (selon l'agressé), il n'en reste pas moins un être vivant qui a droit au respect de son intégrité physique et mental. On peut se demander alors : qu'est-ce qui prime, le respect de la nature sacrée de l'agresseur, ou le respect de la nature sacrée de l'agressé ? Ou, pour le formuler autrement : l'agressé a-t-il le droit de recourir à la violence contre la nature sacrée de son agresseur pour défendre sa propre nature sacrée ?
En théorie, on n'a pas le droit de violer quelque chose de sacré, pour quelle que raison que ce soit. D'autant plus que les agresseurs sont parfois contraints à l'agression : par exemple, un animal qui en tue un autre (homme y compris) pour se nourrir. Parfois même, on peut devenir soi-même agresseur pour des raisons que l'on juge légitime, comme donner la mort à un homme qui nous la demande. L'ahimsa, à mon sens, ouvre donc une fantastique possibilité d'envisager l'agresseur comme un être pas aussi mauvais qu'on le pense spontanément. À ce moment, on lui accorde plus facilement une nature sacrée qui doit être respectée. Il s'agirait donc de laisser l'agresseur agresser.
Toutefois, la passivité par rapport à une agression n'est pas non plus forcément en faveur de l'ahimsa. En effet, en ne rencontrant pas de résistence, l'agresseur pourrait penser que violer l'ahimsa est un excellent moyen d'obtenir ce qu'il veut, et il pourrait être tenté de violer à nouveau la nature sacrée soit de la même personne, soit de quelqu'un d'autre.
Je ne sais pas ce que disent les grands penseurs sur ce dilemne, et je ne m'y risquerai pas moi-même.

Si je n'ai pas de position théorique, en pratique,je me fous de ce que peut bien dire l'ahimsa sur ce point : en cas d'agression, je défendrais moi-même ou autrui, point final. Ma défense sera de préférence non-violente, car, comme l'a fait remarquer PersOnne (et je suis parfaitement d'accord avec lui), la violence engendre la violence, notamment lors des révolutions. Tandis que la non-violence permet une nouvelle connexion entre les êtres humains où chacun trouve sa place dans la paix et l'harmonie.
Mais que faire si l'agresseur ne me laisse pas d'autre choix que d'user de la violence ? Je reprends l'exemple malheureusement banal de l'inconnu qui colle sa main aux fesses d'une dame. Mettons que je sois cette dame et que mon éducation ou mes belles pensées m'interdisent de lui flanquer mon point dans la figure. J'ai encore l'option non-violente de lui demander poliment de cesser immédiatement ce qu'il est en train de faire. Mais voilà que monsieur refuse. Comme je l'ai dit, quitte à violer l'Ashima, je ne me laisse pas faire. Deux solutions alors s'offrent à moi : lui coller envers et contre tout une baffe (violence physique, donc douloureuse, mais de courte durée) ou crier bien fort "ENLEVEZ VOTRE MAIN DE MES FESSES" de manière à ce que l'agresseur se prenne la honte devant les témoins (méthode violente psychologiquement, dans la mesure où j'humilie volontairement l'autre ; elle a pour avantage d'être non douloureuse, mais dure plus longtemps puisque l'agresseur doit fuir le regard des témoins ou, pire, le buzz sur Youtube [ou Dailymotion, je ne fais pas de placement de produit.] - et pourrait avoir envie de se venger, sur moi ou sur la première personne qui lui tombera sous la main). Question : moi qui suis convaincue de l'intérêt de la non-violence mais suis prête à violer l'ahimsa pour défendre mon intégrité physique et mentale, et qui suis contrainte par l'agresseur à une violence que je souhaite la plus douce possible, que dois-je choisir ? La violence physique ou la violence psychologique ? À nouveau, mon choix ne sera pas théorique, mais seulement pratique : étant donné que je suis trop faible pour risquer une riposte violente physiquement, j'userai de "psychologie".


Pour résumer ma position, je pense que l'ahimsa est une très belle idée en théorie et à appliquer autant que possible. Mais, si j'y suis contrainte, j'userai de violence. Et le choix du type de violence que j'utiliserai ne sera pas guidé par une réflexion intellectuelle, mais par des nécessités pratiques... qui violent certainement le principe de l'ahimsa. Quitte à me montrer dure vis-à-vis d'un agresseur sexuel. Quitte à abattre un lion qui menace de me bouffer car il n'a plus d'autre proie. Quitte à tuer des puces qui font souffrir la jument que j'aime. Quitte à donner la mort à un homme qui me la demande...
 
Une précision à ce sujet qui n'a pas été évoquée. L'ahimsa fait appel à ce que l'on nomme dans diverses traditions philosophiques "équanimité", état d'esprit sans doute inatteignable mais qui peut éventuellement être fixé comme cap pour qui le souhaite bien entendu.

Le lien wikipédia vers l'équanimité : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quanimit%C3%A9

ce qu'on pourrait peut-être résumer par quelque chose comme ceci : "égale disposition d'humeur à l'égard de toute chose et de tout être". De manière absolue, l'équanimité pose finalement la question de "pourquoi privilégier le chien à la tique qu'il porte ?". De manière relative, la question est évidemment résolue selon le gré de chacun puisqu'il n'y a pas équanimité.

L'équanimité entretient des rapports étroits avec le végétarisme du fait que la pensée végé tend à relativiser l'importance des humains vis-à-vis des autres animaux et en appelle donc à une certaine équanimité dans son regard et son attitude vis-à-vis des rapports humains/animaux. De là à poser la question du choix de Sophie, bien entendu, il n'y a qu'un pas que d'aucuns franchiront sans vergogne.
 
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