A
Anonymous
Guest
IV":2nkbxbgg a dit:J'ai l'impression dans les milieux militants,(et probablement spécifiquement sur internet), ça joue au meilleur militant, à celui qui sera le plus safe, le plus déconstruit. J'ai l'impression que c'est "bien vu" d'être le premier ou celui qui va gueuler le plus fort contre un militant de son propre camp, que pas mal d'énergie est utilisée pour chercher à prendre les gens en défaut sur un tweet, un article, un dessin...
J'ai vu pas mal de gens commencer à réagir un peu à ça, sur les réseaux sociaux, j'ai lu des choses (à propos de militants féministes) comme "on passe plus de temps à se pourrir entre nous qu'à lutter contre hétéroland", ou "pendant qu'on se déconstruit, on cause pas politique et ça craint".
J'ai toujours pas les idées claires à propos de tout ça, je pense que bien sûr, il faut continuer à critiquer les idées réactionnaires où qu'elles se situent, mais qu'il faudrait peut-être pas oublier contre quoi on se bat à la base.
Quand je vois que pour certains véganes sur FB, le principal ennemi, c'est L214 et pas l'industrie de la viande, je me pose vraiment des questions.
Je trouve que c'est vraiment une question très compliquée. Et je ne suis pas forcément sûre qu'on parle des mêmes choses, du coup je vais essayer d'être bien claire et de donner des exemples, parce que là j'ai à la fois l'impression que je pourrais écrire le genre de trucs que tu as écrit, et que je suis concernée par les critiques que tu fais.
Par exemple, quand tu dis "on se tape entre personnes du même camp", ça m'évoque deux choses très différentes :
- Les dominant.e.s qui vont expliquer aux dominé.e.s qu'iels ont les mêmes buts, les mêmes intérêts, qu'iels sont uni.e.s, pour silencier des critiques des dominé.e.s. Celleux qui critiquent le sexisme, le racisme, etc, sont montré.e.s comme les diviseur.se.s de la lutte face aux dominant.e.s qui ne voient pas où était le problème et pourquoi on fait tant de bruit. Parce que si on est tou.te.s "dans le même camp" entre antispécistes, on n'a pas tou.te.s les mêmes privilèges.
- Et en même temps ce sont des réflexions que je me suis également faites, où je me dis qu'au bout d'un moment il faut savoir si on veut faire un gros mouvement qui a du poids et vraiment changer les choses.
Ou quand tu parles de L214 : je crois que j'avais déjà raconté sur végéweb du racisme anti-rrom bien dégueu auquel j'ai assisté en faisant des trucs avec des militants de L214, et je connais plusieurs personnes qui racontent des trucs similaires, c'est quand même critiquable. Mais je donne du fric tous les mois à cette asso parce que j'ai l'impression que c'est la plus efficace en France pour les animaux. (Juste pour dire : ce n'est pas parce qu'on critique L214 qu'on oublie que si on est là, c'est parce qu'on combat l'industrie de la viande et non L214.)
Après bon, on parle de divisions, donc j'aimerais quand même rappeler que la question de savoir ce qu'on tolère ou non au nom de l'unité me paraît très intéressante mais que ce serait aussi cool si on n'avait pas tant de matière sur laquelle réagir...c'est juste que je remarque que tu lances un fil sur la bonne manière de réagir (plutôt orienté sur "arrêter de trop critiquer pour s'unir"), alors que je préfère l'angle "mais pourquoi ce mouvement a autant de problèmes de fascisme, de racisme, etc". Pas que je pense que ce fil ne devrait pas exister du tout, hein ! Je suis sincère quand je dis que c'est une question intéressante, de mon point de vue. Mais je pense qu'on a globalement le réflexe de réfléchir à la meilleure manière de réagir quand on nous donne le choix entre se mettre le plus nombreux possible pour combattre le spécisme, et relever le racisme; et on ne se dit pê pas assez que ce choix n'est pas une fatalité et que celleux qui nous le proposent ont juste du mal à lâcher leurs privilèges.
Et puis aussi, quand tu parles de safety et de jouer au meilleur militant, ça m'évoque deux choses très différentes :
- Pour certaines personnes c'est un besoin d'avoir de tels espaces. Quand on se prend de la transphobie/lesbophobie/grossophobie/toxicophobie/etc dans la gueule en permanence, c'est normal de chercher des endroits où l'atmosphère soit respirable et j'ai vu pas mal de personnes chiantes et oppressives se faire rembarrer d'une façon qui me paraissait assez justifiée.
- Et en même temps, je me suis aussi quelquefois dit qu'il y avait des trucs problématiques dans des discussions facebook comme ça, où, au nom de la safety, il se passe des trucs assez violents. Et puis ça me paraît parfois très hypocrite. Je connais un type qui est trop le pro-féministe parfait, qui maîtrise bien le bon vocabulaire du parfait militant, qui a plein de likes à chaque fois qu'il poste un truc, et qui est un agresseur sexuel récidiviste. À l'inverse, je connais des personnes qui se sont pris des shitstorms alors qu'elles avaient juste dit une gaffe une fois, et au final, ça casse complètement le côté "safe", je trouve. Je me dis aussi que certains problèmes sont liés à facebook, qui n'est sans doute pas le meilleur média pour communiquer : on écrit vite fait, comme on parle, mais à côté de cela, nos écrits restent comme des écrits et ça donne un mélange pas glop.
Du coup, ma conclusion personnelle, c'est qu'il y a peut-être deux plans différents à considérer :
- Être bien vigilant.e à ne pas véhiculer d'oppression, développer des espaces qui soient vraiment reposants parce qu'on est quand même nombreux.se.s à en avoir besoin.
- Réfléchir à comment on peut arriver à militer avec des gens avec qui on n'est pas d'accord sur tout, pour mener des luttes globales. Je pense que la première est super importante mais que la deuxième est effectivement laissée de côté, et qu'au bout d'un moment, je trouve ça super cool d'avoir des espaces hyper en accord avec moi (dans lesquels je peux être une meuf bi juive neuroatypique sans risquer de me prendre de la merde en pleine tronche), mais c'est vrai que l'idée c'est de faire plier toute la société, et notamment d'abolir l'exploitation animale.
Après j'ai l'impression qu'il est en train de se développer des trucs antispé repris par des personnes bien politisées sur des luttes inter-humaines. À la manif du 9 avril (contre la loi Macron), il y avait un petit stand végane, aussi. (C'est pas grand-chose mais ça fait plaisir.) Perso j'ai assez hâte, même si c'est peut-être dommage qu'on ressente ce besoin de développer des choses à zéro tellement on se sent en dissonance avec des trucs du milieu antispé, je pense qu'on sera plus constructif.ve.s comme cela. Si on peut pas bosser ensemble, mieux vaut bosser séparément. Et j'espère vraiment qu'on arrivera à manifester ensemble, parce que quand je vois dans le milieu féministe qu'on ne peut même plus manifester ensemble pour le droit à l'IVG, je trouve ça déprimant. C'est fatigant de voir toutes ces divisions, et en même temps ce sont sur des sujets importants. Bref, je réfléchis beaucoup à tout ça, je pourrais continuer longtemps mais j'ai déjà écrit un pavé avec je-ne-sais-trop-quelle-fraction qui est à jeter à la poubelle, donc je vais arrêter là. ^^