Ce que tu dis Erulelya, c'est qu'il y a une violence légitime en somme ? Oui, je le comprends dans une certaine mesure.
Mais comment savoir dans certains cas que la lutte est juste ? C'est pas toujours facile parce qu'il y a des groupes persuadés de la légitimité de leur lutte qui recourent à la violence, les Khmers rouges ou encore Al Quaida par exemple ou d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit.
Attention, entendons-nous bien, je dis pas que TA lutte n'est pas juste, je suis même persuadé que si hein, qu'elle est juste, juste que je me dis que parfois on peut se tromper.
Par ailleurs, pour ce qui est des victimes éventuelles, quand bien même elles sont dans le camp des oppresseurs, en cas de révolution violente, je me dis que ce sont aussi des êtres sensibles et ça me gêne pour ma part de me dire que je suis capable d'agir avec autant de violence qu'eux, je sais pas si vous me suivez, la question, c'est un peu "est-ce qu'on peut régler la violence par la violence ?", "est-ce qu'on peut utiliser les moyens des oppresseurs pour se libérer d'eux", je dis pas que parfois, quand il n'y a plus de recours, ce n'est pas envisageable mais ça m'interroge quand même cette histoire, sans avoir de solution arrêtée non plus.
Je pense au peuple tibétain par exemple qui a subi des exactions terribles lors de l'invasion par la Chine (l'Histoire du Tibet est complexe mais il n'en reste pas moins que les Chinois ont commis des exactions atroces) et qui a lutté sans violence pendant tout ce temps. Alors, je sais, aujourd'hui, le résultat n'est pas franchement positif en termes de liberté des Tibétains mais il y a eu quelques évolutions, est-ce qu'un soulèvement violent aurait fait mieux ? Je ne suis pas sûr du tout compte-tenu de la puissance des autorités chinoises.
Sur la colère, je ne doute pas que la colère puisse être légitime mais j'ai peur qu'on en soit parfois prisonnier, qu'elle nous ronge. J'ai été tellement en colère par le passé de ce qui m'arrivait, de ce que la société m'imposait de faire malgré la souffrance que je vivais, pourtant je me dis que cette colère peut aussi rapidement nous dévorer et nous rendre aigri, alors j'ai, pour ma part, abandonné cette colère, qui d'ailleurs me revenait droit dans la gueule parfois de la part d'autrui ou de la société, et je m'en porte pas plus mal même si ça ne m'empêche pas parfois d'être en colère mais disons que j'essaye d'éprouver ma colère, puis de la libèrer et puis j'évite en fait de la cultiver pour qu'elle ne me nuise pas trop parce que, quand je suis en colère, j'ai remarqué que souvent juste après l'avoir entretenue, je m'effondre littéralement et c'est vraiment usant.
Je parle bien du point de vue de quelqu'un, moi-même, qui fait aussi partie d'une "minorité" et qui subit une oppression sociale même si ce n'est pas celle d'une femme ou d'une personne racisée. Cette oppression, je la ressens tous les jours encore malheureusement mais j'aime rarement m'exprimer avec virulence par contre, car, si je le fais, je le regrette amèrement après. En fait, je n'aime pas faire de la peine à quelqu'un, même à mes "ennemis" parce que je sais que ce sont aussi des êtres sensibles et que finalement, eux aussi, aspirent à ne pas souffrir, alors, je préfère finalement quand je suis plus serein leur souhaiter de connaître le "bonheur", un certain bonheur disons, qui peut-être leur permettra finalement plus facilement d'évoluer. Je sais pas si je me fais comprendre.
V3nom, une remarque, je ne crois pas que la non-violence ait été inventée ou cultivée par les Occidentaux, blanc, cis e tutti quanti. Il y a des gens de toutes origines, de tous milieux, opprimés même, qui sont "pacifistes" (qui est un peu différent comme concept en fait de la non violence). Et la non violence, ce n'est pas ne pas faire de vagues et parler toujours gentiment pour plaire à l'oppresseur, enfin, je crois pas.
Il y a aussi l'intention dans la colère que je n'ai pas évoquée. S'il s'agit de nuire, je vois pas trop l'intérêt mais s'il s'agit d'un cri de détresse, pour se faire entendre, là, c'est autre chose par contre.
Une dernière question pour Erulelya pour finir : est-ce qu'on n'est pas toujours du bon côté de la barrière par rapport à d'autres ? Toi par exemple, en tant que blanche (si je ne me trompe pas), valide (idem), de classe sociale moyenne (là je me goure peut-être carrément) etc., bref, privilégiée par rapport à d'autres, comment réagir dans ces conditions face à la colère de moins privilégiés que soi. Personnellement, je pense qu'il faut essayer de laisser son ego, ou orgueil, de côté finalement, ce dont je ne suis pas toujours capable, et laisser s'exprimer l'autre, ne surtout pas prendre sur soi sa colère, juste écouter, dans certaines limites quand même car une diffamation reste une diffamation (si cela se produit), une insulte une insulte etc., c'est là la limite de ce que je peux accepter même de la part de gens opprimés.