C'est pas faux ce que tu dis Leo mais il faudrait sans doute préciser certains points car cela peut donner une vision légèrement biaisée (très répandue néanmoins) de l'évolution des langues.
En fait, toute langue non standardisée est sujette à variation, c'est à dire qu'elle n'est pas parlée exactement de la même façon d'un endroit à un autre. Il existe quelques 6000 langues dans le monde et la très grande majorité n'est pas standardisée (standardisée signifiant qu'on a codifié la langue pour la rendre plus homogène pour des besoins pratiques : enseignement, administration, médias...). Toute langue dérive en fait d'une autre langue plus ancienne (comme l'espagnol provient du latin par exemple) qui s'est transformée soit sous l'influence d'autres langues déjà présentes sur le territoire où la nouvelle langue s'implante soit sous l'influence du passage du temps et des modifications spontanées ou conditionnées (phénomènes morpho-phonétiques) qu'il engendre. Par exemple, la langue latine (qui n'était d'ailleurs pas le latin littéraire qu'on apprend à l'école, qui, lui, n'est qu'une variété prestigieuse, une koinê littéraire, en quelques sortes, du latin à une époque donnée) s'est transformée en s'implantant en Gaule sous l'influence, phonétique essentiellement, du celte que parlaient les Gaulois.
Bref, une langue, c'est d'abord un complexus dialectal, c'est à dire un ensemble de "parlers" qui partagent un certain nombre de caractéristiques lexicales, phonétiques ou phonologiques et morpho-grammaticales. Le ch'ti (cette appellation est récente en effet) n'est ni plus ni moins que la variante nord du picard, non que le ch'ti serait dérivé du picard stricto sensu (c'est à dire le picard que l'on parle en Picardie) mais qu'il partage avec le picard de Picardie un grand nombre de traits. Bref, ce que l'on appelle le picard en linguistique englobe les parlers de Picardie et les parlers du Nord-Pas de Calais. On pourrait tout aussi bien appeler cet ensemble Picard-ch'ti ou un tout autre nom encore. Voilà, le ch'ti n'est donc pas un dérivé de picard dans le sens où il serait une évolution du picard venu de Picardie mais partage avec lui des traits qui font qu'il constitue un ensemble cohérent. Par ailleurs, il n'existe pas à ma connaissance de forme standardisée du picard (incluant le ch'ti).
L'utilisation du terme patois est assez controversée. Ce terme est très propre à la France et à son intelligentsia qui a désigné par l'antiglossonyme "patois" tout ce qui n'était pas du français (seule langue reconnue comme telle en France par les élites). Petit à petit, les gens du petit peuple ont adopté cet usage et se le sont appropriés et sont parfois même fiers de dire qu'ils parlent patois mais dans la bouche d'élites, le terme patois est clairement méprisant, accompagné d'un refus de reconnaître le caractère de langue (quand bien même non standardisée) de tout autre idiome que le français. Je n'utilise le terme "patois" que pour parler avec les locuteurs qui utilisent eux-mêmes ce terme mais je me garde de l'utiliser en linguistique. Il y a quelques linguistes vieille école qui continuent d'utiliser le terme patois dans le sens de parler local, parler propre à un canton par exemple mais qui fait partie d'un ensemble linguistique plus vaste (comme par exemple l'ammiennois serait un patois du picard au sens de forme locale du picard). J'évite cet usage pour ma part, préférant l'usage dans ce cas des termes "parler", "idiome local" voire "microlecte" (rare).
Pour l'occitan, la situation est à peine différente de celle du picard. L'occitan existe comme langue non standardisée avec des variantes dialectales (diverses manières de le parler) par conséquent que sont le limousin, l'auvergnat, le provençal, le languedocien et même le gascon. Tous les locuteurs natifs (qui ont l'occitan pour langue maternelle, ayant appris le français à l'école à l'âge de 6 ans, dont les derniers sont nés dans les années 1930 pour la majorité, en Limousin en tous cas) nomment leur langue "patois", parfois en précisant "patois limousin", "patois auvergnat"... Il n'empêche que l'occitan qu'on appelle aussi langue d'oc ou qu'on a même appelé par le passé "lemosi" (au Moyen-Age=limousin) ou "provençal" (au Moyen-Age et puis aussi au XIXe siècle en parallèle avec le terme Langue d'oc), est une langue romane (issue du latin comme le français, l'espagnol ou l'italien) certes mais qui se démarque clairement du français et des idiomes d'oïl (dont fait partie le picard mais aussi le gallo, le bourguignon, le poitevin-saintongeais...). Bref, le patois limousin est la forme prise par l'occitan en Limousin. Les gens s'imaginent parfois que l'occitan, ce serait la forme prestigieuse ou littéraire de leur patois et disent donc que c'est pas la même chose, mais non, "occitan" n'est que le nom donné par les linguistes à l'ensemble des parlers d'oc. Il existe à la différence une forme standardisée de l'occitan essentiellement basée sur les parlers languedociens (entre Toulouse et Montpellier en gros, en passant par Albi et Carcassonne) qui est enseignée dans le sud mais pas du tout en Limousin, ou en Provence où il existe en plus là-bas des provençalistes qui veulent faire bande à part, décrétant que le provençal serait proche de l'occitan mais n'en serait pas mais là, on rentre dans des querelles de clochers, le provençal et le languedocien, tous deux occitans, étant tout de même éminemment proches).
Alors, MVA, c'est chouette si ça t'intéresse l'occitan limousin. Le site sur lequel tu es tombée, je le connais bien, je fais même partie du groupe Arri (même si j'y fais plus grand chose pour ma part). Pour apprendre le limousin, c'est pas si facile car on manque d'outils. Il existe bien des cours mais ça se passe à Limoges en général ou alors ailleurs par endroits mais pas par chez toi je crois. En Limousin, on est à l'extrême nord du domaine occitan et la limite nord se situe au niveau d'une ligne Bellac-Châteauponsac-Guéret en gros. Au dessus de cette ligne, il existe une zone où les formes d'oïl et d'oc se mêlent qu'on appelle le Croissant et qui reste jusqu'à une certaine limite occitane mais avec une phonétique beaucoup plus d'oïl (plus française quoi). C'est dans cette zone que tu habites. Pour savoir quelle forme apprendre, un occitan limousin central ou plutôt ce qu'on parle autour de chez toi, tout dépend des usages que tu souhaiterais en faire. Je dois te dire que le limousin "central" t'amènerait à davantage d'ouverture dans les cercles occitanistes d'où qu'ils soient (Limousin, Languedoc, Provence, Gascogne...) avec des gens assez jeunes. Mais si tu comptes essayer d'échanger quelques mots avec des locuteurs âgés vers chez toi, alors, mieux vaut privilégier l'approche locale. On peut éventuellement mêler les deux approches en apprenant un occitan limousin plus ou moins central et puis en connaissant les formes plus locales mi oc mi oïl du nord de la Haute-Vienne.
exemple : une oie qui se dit aucha (prononcé aôtcho) accentué sur l'avant dernière syllabe (je n'utilise pas l'alphabet phonétique international pour le coup) en limousin central donnera "auche" (ôche) dans le nord de la Haute-Vienne. La francisation de la phonétique ne marche pas à tous les coups néanmoins car les parlers du nord ont aussi des originalités lexicales par exemple.
Autres exemples de deux phrases comparées :
Lo pitit chin minja la sopa (prononcé lou piti tchi mïndjo la soupo) deviendra Le pitit/ptit chi minge/mènge la soupe dans le nord Haute-Vienne.
La chabra sauta per dessus lo plais (prononcé la tchabro saôto pèr déssu lou plaï) devient la chabre saute per dessus le plais (la chabre sôte pèr dessu l'plaï) (ou éventuellement un autre mot que "plais" que je n'ai pas en tête).
Sur le site de Arri, y a des documents téléchargeables, des guides de conversation avec la prononciation et l'on peut même écouter.
Voilà, j'ai été très long, désolé.