Aaah ! les prairies. Un bien beau sujet. Allons-y.
« Une prairie stocke autant de carbone qu’une forêt »
C’est comique, il manque toujours trois mots : « dans le sol ».
Oui, les déchets de plantes sont mal décomposés dans une prairie (ce qui est quand même déjà un signe d’une activité biologique faible). Le carbone absorbé de l’atmosphère s’y accumule donc et
il y en a autant (p. 4) que dans le sol d’une forêt.
Mais ça occulte toute la partie aérienne de la forêt (celle qui est a-dessus du sol) : herbacées, troncs, animaux, etc. De ce que j’en ai lu, ça
double le stockage (bon, ici, c’est par rapport à une prairie aérienne). ou
peut-être même 2,5× (figure 4, p. 49 [p. 5 du PDF]).
Variante : « Le stockage de carbone des prairies compense l’équivalent de 30 à 80% des émissions de méthane des ruminants »
Utiliser cet argument, c’est se tirer une balle dans le pied : les prairies n’absorbent que l’équivalent de 20 à 70 % des émissions de méthane des ruminants. La prairie comme stock de carbone, ça ne fonctionne donc pas !
« La biodiversité des prairies va disparaitre si on les transforme en forêt »
C’est tout à fait vrai que les prairies forment un biotope particulier, avec des espèces – animales, végétales, fongiques… – spécifiques.
Mais, à ce que je sache, ces espèces préexistaient à la transformation de forêts en pâturages par les humains. A priori, elles continueront d’exister. C’est sûr que les effectifs seront moindres mais, de l’autre côté, les effectifs des espèces forestières (ou des friches) augmenteront.
Et outre les prairies naturelles, les espèces prairiales continueront profiter d’autres espaces créés par les humains : tranchées forestières (là où passent des lignes à haute tension ou des coupe-feu), bords de routes et de voies de chemin de fer, aéroports, jardins, pistes de ski, etc.
« Les prairies freinent la propagation des incendies de forêt ou de friche »
Ça semble logique. Et je ne m’y connais pas assez en incendies – ni dans leur gestion ou leur prévention – pour répondre à ça.
Mais quand on voit que
plus de deux tiers des causes sont d’origine humaine (2 % pour la foudre, et 30 % de cause inconnue, donc probablement en partie humaine aussi), on se dit qu’il y a de la marge de progression pour la prévention.
Ma préférée par-dessus tout : « On entretient les paysages »
:jcapote: Mais oui, bien sûr, nos cher⋅es
paysan⋅nes fermier⋅es exploitant⋅es agricoles paysagistes font ça pour la beauté du pays. La vente des produits animaux n’est qu’une activité annexe servant à financer ce travail d’esthète public.
Et puis, en quoi les prairies seraient le seul paysage digne d’intérêt. Une forêt, une ville, des dunes, un parc, etc. ne seraient-ce pas des paysages ?
Commentaire
Ce truc des prairies ne sort par les trous de nez mais, à mon sens, il est symptomatique d’un mode de pensée ou l’arbre (ici, l’herbe) tente de cacher la forêt.
Je ne sais pas si vous avez remarqué mais, souvent, quand on parle d’élevage, on nous répond en parlant de l’élevage bovin. Et on occulte tous les autres (notamment les porcs et les oiseaux).
Pourquoi ? À mon avis parce qu’il fait partie de l’imaginaire du grand public car le plus visible dans nos régions (on voit des bovins paitre paisiblement, alors que les cochons et les poules, on ne les voit quasiment jamais), et parce que c’est l’élevage le moins pire donc celui qu’on prend comme exemple pour défendre la pratique (Si vous allez fouiner sur Twitter, vous ne verrez que des éleveur⋅ses de vaches laitières. Aucun⋅e engraisseur⋅se de veaux ou de bœufs, aucun⋅e éleveur⋅se de pondeuses, poulets, porcs, dindes, etc. Probablement qu’iels n’osent pas se montrer.)
Pensez-y si vous parlez élevage et qu’on vous répond bovins. Vous pouvez recadrer et répondre cochons, poules, poulets… (et poissons, et crevettes, etc.)
H.