Après, il y a une part du contexte que tu vis que j'ignorais LordGuinness. Dans mon entourage, je n'ai jamais entendu de tels qualificatifs. Mais j'ai déjà eu affaire à de nombreuses personnes qui votent FN et qui disent certains propos, et qui ne sont pas foncièrement racistes, et qui réfléchissent par peur, notamment de la différence, cela conjugué à une certaine ignorance de leur prochain. Mais même chez les gens que tu cites, je pense qu'il y a une peur de l'inconnu, de la culture de l'autre qui est bien enfouie dans leur cœur, il est plus facile pour eux de vivre avec leurs semblables d'apparence.
Ensuite, si je peux me permettre de donner mon opinion, je comprends que des personnes de couleur s'énervent, s'offusquent ou s'opposent de quelque manière que ce soit, c'est totalement légitime, mais même si c'est compréhensible, je ne pense pas que ce soit la solution. Des hommes comme Martin Luther King ou Jesse Owens n'ont pas forcément frappé fort en laissant leur colère et leur rage s'exprimer. Les barrières ne vont pas forcément tomber grâce à la violence et à l'énervement, au contraire, c'est, je pense, un moyen de s'enferrer dans un cycle pernicieux, cela s'illustre d'ailleurs très bien avec le conflit Israëlo-palestinien. Après, je n'ai pas dit que c'était facile.
Enfin, je ne vois pas ce que vient faire ma couleur de peau là-dedans. Je suis né en France, mais pour moi la France n'existe pas, c'est un concept illusoire, des gens bien avant ma naissance ont délimité des territoires et l'ont appelé ainsi, j'aurais pu naître ailleurs, je ne l'ai pas choisi. Je suis blanc, mais mon alimentation est très variée et influencée par de nombreuses cultures, je ne vais pas à l'église comme les autres occidentaux, je suis végétalien, comme de nombreux habitants de l'Inde, je crois en la réincarnation comme une majorité d'entre eux, je ne bois pas d'alcool comme de nombreux Musulmans, je m'inspire du meilleur dans chaque culture afin de me forger ma propre identité, et je suis désolé, mais je ne me considère pas comme un occidental ou comme un français, je me sens tout aussi proche des blancs que des beurs que des blacks que des asiates que des aborigènes ou ce que vous voulez. Et quand quelqu'un est victime de racisme, je le suis aussi, en dépit de ma couleur, cela me touche tout autant que si j'étais à la place de la personne qui est visée. J'ai toujours aboré les insultes et discriminations raciales, comme tant d'autres, tout comme l'injustice d'ailleurs.
Un été, j'ai travaillé dans un champ de maïs, lorsque je suis arrivé, il y avait des gens du coin d'un côté et des étudiants chinois de l'autre, fraîchement arrivés en France, qui parlaient à peine le français. Pendant le travail, les Chinois étaient d'un côté, les autres du leur, j'ai essayé d'abord de me renseigner sur les Chinois aux autres pour savoir d'où ils venaient, s'ils parlaient le français des choses comme ça, et je n'ai eu que des réactions plutôt négatives, du rejet, mais cela ne me semblait pas méchant, juste le résultat d'une incompréhension, d'une incapacité consciente à franchir le fossé qui les séparait. À la pause repas, les gens du coin étaient à gauche, les Chinois bien à droite, et moi au milieu dans ma voiture à écouter de la musique car je ne me sentais pas d'affinité avec les "blancs". Un Chinois est venu car il reconnaissait la musique que j'écoutais, on a commencé à discuter un peu en français, puis en anglais et j'ai fini par passer mes journées avec eux, et je voyais bien les regards ébahis des autres qui devaient se demander pourquoi je les préférais à eux. Franchement, tout ça pour dire que la couleur on s'en fout, pour moi depuis que je suis petit, je me considère comme un humain et je considère les autres humains comme mes frères, quelque soient nos différences, et je me sens d'ailleurs souvent plus proche de certains qui sont, en apparence, bien différents de ce que je parais être, si l'on se réfère à ma simple apparence physique.
À la fac, un prof d'allemand nous a demandé si on se sentait plus français ou plus européen, et quand je lui ai répondu ni l'un ni l'autre, ni juste humain, je vous raconte pas sa tête ni le débat qui s'en est suivi. Il a absolument voulu me prouver que je devais avoir une identité forcément nationale.
Je ne pense pas que "réfléchir" soit un privilège accordé aux personnes non concernées directement mais plutôt une nécessité qui demande avant tout de savoir prendre du recul et de ne pas se laisser consumer par les émotions. Il y a bien eu des personnes comme Gandhi, Mandela, Martin Luther King et j'en passe qui étaient en plein cœur de l'action et qui ont su conserver leur sang-froid.
Ne pas céder à l'énervement n'a pas toujours été facile pour moi dans ses situations, car tu t'en prends à un autre, c'est comme si tu t'en prends à moi, cela s'appelle être en unité avec ses contemporains. Mais je pense qu'il faut aussi pardonner l'erreur et donner une chance à ceux qui ont une mauvaise attitude de comprendre en quoi ils se comportent mal et se trompent. Je m'étais d'ailleurs énervé dans un kebab que je fréquentais régulièrement avant de devenir végétarien quand une "blanche" se plaignait qu'il y avait trop de noirs en équipe de France, la discussion avait failli viré au pugilat, et j'étais plus tendu que le gérant du kebab, pourtant de confession musulmane, alors à un moment donné, on peut être blanc et avoir des réflexions sur le racisme et même s'en outrer. Pendant une longue période, j'avais énormément de mal à supporter les blancs qui proféraient des propos limite racistes.
Mais un jour, le candidat du FN de ma ville a emménagé à côté de moi. Qu'aurais-je dû faire ? Lui pourrir sa vie ? Lui pourrir sa boîte aux lettres ? Alors qu'il était un voisin exemplaire, poli, courtois et attentionné ? Cela m'aurait-il permis d'être meilleur que lui ? Tout comme la femme du kebab, il aurait fallu que je lui casse la gueule ? Elle aurait compris pour autant le "racisme" qui pouvait se cacher dans ses propos ? Ou elle aurait réagi encore pire ? Au lieu de cela, quand je suis confronté à ce genre de situations, je contiens ma colère et j'accepte que l'on ne partage pas le même point de vue, je laisse parler (bon dans la mesure du possible car je n'ai pas encore eu de cas peut-être trop extrême) mais je sors subtilement des exemples de ma vie quotidienne qui vont dans le sens contraire de ceux qui véhiculent des préjugés.
Quand les ex-proprio nous ont parlé des Arabes, je lui ai sorti le cas d'Ahmet, un type adorable qui s'arrête à chaque fois qu'il me voit marcher sous la pluie et m'offre de me déposer plus loin. Et ce sont des personnes comme Ahmet qui font tomber les préjugés.
Mais je reste persuadé en mon for intérieur que le racisme qui résulte de la haine pure est plutôt rare, sûrement véhiculé par l'éducation ou par un contexte spécifique, la rancune et la vengeance sont des virus dont il est malheureusement difficiles de se débarrasser. La peur de la différence, de l'inconnu, de perdre son confort et d'autres motifs justifient à mon avis que des gens votent FN, ou qu'ils entretiennent des propos intolérants. L'ignorance aussi est un fléau.