En en parlant récemment -et notamment au dernier pique-nique végétalien toulousain-, j'ai réalisé que je ne vous avais pas raconté la soutenance de mon mémoire.
Ca remonte à mi-janvier 2012, ça fait loin maintenant, mais ça vaut vraiment son pesant de cacahuètes bios, faut que je vous raconte ça.
Comme je vous le disais dans ma présentation, j'ai travaillé sur un mémoire pour un diplôme universitaire en psychanalyse, où j'ai essayé de voir si le choix du végéta*isme pouvait être considéré comme une résistance au capitalisme, grâce à l'enseignement de Lacan.
Sans rentrer dans le détail du contenu du mémoire, juste pour situer le contexte, je réponds, à l'issue de cette recherche que oui, le végéta*isme éthique peut être considéré comme objection au capitalisme.
Je tiens à dire que tout ce qui va suivre est véridique. Attention, tartine.
Ça commence par un bel acte manqué, de la part de mon directeur de recherche, qui oublie purement et simplement de me donner la date et l'heure de la soutenance : je saurai finalement par le copain qui doit passer juste après moi je jour et l'heure choisis...
J'arrive à l'heure le jour dit, mon directeur m'accueille par un "Bon, ben entrez" (un peu résigné, pas souriant, lui qui est si enjoué d'habitude).
Nous attendons l'assesseur. Mon directeur de recherche a reçu un analysant juste avant mon arrivée (il est prof à la fac et aussi analyste), il ouvre donc la porte-fenêtre et dit "Ça sent déjà le fauve, de bon matin" (sic). Nous verrons que cette histoire de fauve est importante pour la suite.
L'assesseur arrive tout de suite après moi, on commence donc. Pendant que je présente mon travail, mon directeur de recherche cherche mon mémoire. Second acte manqué : il l'a perdu !! Il m'écoute donc juste d'une demi-oreille, occupé qu'il est à remettre la main sur l'exemplaire papier de mon mémoire. Ne le trouvant pas, il plonge dans sa tablette numérique, histoire de trouver au moins une version numérique de mon travail. Je suis assez déstabilisée, et m'appuie sur l'écoute attentive de mon assesseur, qui, lui, a le mémoire en main et l'a visiblement lu dans le détail (beaucoup de passages soulignés, annotations en marge). Mon directeur de recherche trouve la version numérique, mais elle ne comporte pas ses notes, qui sont sur la version papier... Il me dit donc qu'il va me faire ses remarques "de tête".
S'ensuivent ensuite un certains nombre de points carotte (c'est tellement épique, je crois qu'une certaine IV pourrait faire une BD de cette soutenance hallucinante), de contre-sens énormes, et pas mal de mauvaise foi. De quoi lui décerner un prix d'honneur de la remarque omnivore. Petit florilège :
- "C'est comique votre truc, ça reviendrait à interdire au lion de bouffer la gazelle",
- "Ayant grandi à la campagne, je ne suis pas sensible à la souffrance des animaux, j'ai assisté enfant à la tuée du cochon",
- "Je supporte pas l'idée de P. Singer qui dit que dans un incendie, il faut sauver le chien et non le handicapé" (sic),
- "Les idées de l'écologie sont nées avec le fascisme",
- "L'homme préhistorique a mangé de la viande, et sans ça on ne serait pas là",
- "La science nous montre que même les animaux qu'on croyait végétariens sont omnivores (les singes)",
- puis "Si mon médecin me dit de ne plus manger de viande pour la santé, je le ferai"
- à un autre moment, magnifique lapsus, il parle des reportages animaliers à la télé, et au lieu de dire "quand le lion saute sur la gazelle", il dit "quand le lion monte sur la gazelle" (je vous dis pas ce que j'ai ressenti à ce moment-là , c'était trop énorme pour être vrai !),
Bref, mon directeur de recherche enchaîne les contradictions, n'est pas du tout dans l'écoute, ne discute pas du contenu de mon travail sur le plan de sa construction théorique, et tombe dans le panneau de la vie privée et du jugement moral ("moi je mange de la viande et c'est bien").
Je sors 5 minutes le temps qu'ils délibèrent. Je rentre à nouveau : il me dit qu'ils m'accordent la note de 16/20, il avoue "non, c'est très bien" en faisant non avec la tête et en regardant par terre, "on vous met 16, mais ça ne mange pas de pain (sic), ce n'est qu'un DU (diplôme universitaire)" !!!!!
"Parce que la question est bien est-ce qu'on aime la vie et qu'est-ce qu'on laisse aux générations futures". Donc il reconnaît au final qu'il me note sur la base d'un jugement moral. Alors que je ne suis pas là pour ça ! Je ne suis pas là pour le convaincre d'arrêter la viande, ni pour dire si être vg c'est bien. je suis là pour qu'il me dise si la façon dont j'ai théoriquement abordé et analysé la question est valable. pas un mot sur le capitalisme, au passage, lui qui est si engagé politiquement et si ouvertement communiste.
Sans compter qu'il me donne certains arguments qu'il m'a déjà donné un an auparavant, (la seule fois où nous nous sommes rencontrés pour parler de ce mémoire d'ailleurs), et auxquels j'ai tenté de répondre dans le contenu du mémoire. Plus la soutenance avance, et plus j'ai le sentiment qu'il a à peine parcouru mes 92 pages de dur labeur... et encore, en diagonale sans doute.
Bon, vous n'imaginez pas à quel point j'ai été déstabilisée, sidérée par le déroulement de cette soutenance. J'attendais un regard critique, une mise au travail sur le contenu, une critique pointue sur l'articulation de mon travail et j'attendais aussi qu'il me dise si l'enseignement de Lacan et les concepts psychanalytiques étaient convoqués à bon escient et bien articulés...
Rien de tout ça !
Il accumule les inepties et finit par me donner une bonne note tout en semblant me la regretter !
Cette épique expérience a quand même eu le mérite de me montrer que cette question n'a rien d'anodin, pour qu'un éminent enseignant-chercheur et non moins éminent analyste soit troublé par elle au point d'en multiplier lapsus et actes manqués.
Ah ! Moi qui y allais avec toute mon admiration d'étudiante pour ce grand professeur que j'avais eu en cours il y a plus de 10 ans à la fac... Le mythe s'est écroulé tout d'un coup. Je crois que ça s'appelle "tuer le père". Ça fait mal dis donc.
Allez, ça ne me décourage pas, au contraire : ça me montre qu'il y a beaucoup, beaucoup de travail encore, en matière d'ouverture des consciences, de partage, de tolérance, dans tous les milieux et avec tou-te-s et chacun-e
Ca remonte à mi-janvier 2012, ça fait loin maintenant, mais ça vaut vraiment son pesant de cacahuètes bios, faut que je vous raconte ça.
Comme je vous le disais dans ma présentation, j'ai travaillé sur un mémoire pour un diplôme universitaire en psychanalyse, où j'ai essayé de voir si le choix du végéta*isme pouvait être considéré comme une résistance au capitalisme, grâce à l'enseignement de Lacan.
Sans rentrer dans le détail du contenu du mémoire, juste pour situer le contexte, je réponds, à l'issue de cette recherche que oui, le végéta*isme éthique peut être considéré comme objection au capitalisme.
Je tiens à dire que tout ce qui va suivre est véridique. Attention, tartine.
Ça commence par un bel acte manqué, de la part de mon directeur de recherche, qui oublie purement et simplement de me donner la date et l'heure de la soutenance : je saurai finalement par le copain qui doit passer juste après moi je jour et l'heure choisis...
J'arrive à l'heure le jour dit, mon directeur m'accueille par un "Bon, ben entrez" (un peu résigné, pas souriant, lui qui est si enjoué d'habitude).
Nous attendons l'assesseur. Mon directeur de recherche a reçu un analysant juste avant mon arrivée (il est prof à la fac et aussi analyste), il ouvre donc la porte-fenêtre et dit "Ça sent déjà le fauve, de bon matin" (sic). Nous verrons que cette histoire de fauve est importante pour la suite.
L'assesseur arrive tout de suite après moi, on commence donc. Pendant que je présente mon travail, mon directeur de recherche cherche mon mémoire. Second acte manqué : il l'a perdu !! Il m'écoute donc juste d'une demi-oreille, occupé qu'il est à remettre la main sur l'exemplaire papier de mon mémoire. Ne le trouvant pas, il plonge dans sa tablette numérique, histoire de trouver au moins une version numérique de mon travail. Je suis assez déstabilisée, et m'appuie sur l'écoute attentive de mon assesseur, qui, lui, a le mémoire en main et l'a visiblement lu dans le détail (beaucoup de passages soulignés, annotations en marge). Mon directeur de recherche trouve la version numérique, mais elle ne comporte pas ses notes, qui sont sur la version papier... Il me dit donc qu'il va me faire ses remarques "de tête".
S'ensuivent ensuite un certains nombre de points carotte (c'est tellement épique, je crois qu'une certaine IV pourrait faire une BD de cette soutenance hallucinante), de contre-sens énormes, et pas mal de mauvaise foi. De quoi lui décerner un prix d'honneur de la remarque omnivore. Petit florilège :
- "C'est comique votre truc, ça reviendrait à interdire au lion de bouffer la gazelle",
- "Ayant grandi à la campagne, je ne suis pas sensible à la souffrance des animaux, j'ai assisté enfant à la tuée du cochon",
- "Je supporte pas l'idée de P. Singer qui dit que dans un incendie, il faut sauver le chien et non le handicapé" (sic),
- "Les idées de l'écologie sont nées avec le fascisme",
- "L'homme préhistorique a mangé de la viande, et sans ça on ne serait pas là",
- "La science nous montre que même les animaux qu'on croyait végétariens sont omnivores (les singes)",
- puis "Si mon médecin me dit de ne plus manger de viande pour la santé, je le ferai"
- à un autre moment, magnifique lapsus, il parle des reportages animaliers à la télé, et au lieu de dire "quand le lion saute sur la gazelle", il dit "quand le lion monte sur la gazelle" (je vous dis pas ce que j'ai ressenti à ce moment-là , c'était trop énorme pour être vrai !),
Bref, mon directeur de recherche enchaîne les contradictions, n'est pas du tout dans l'écoute, ne discute pas du contenu de mon travail sur le plan de sa construction théorique, et tombe dans le panneau de la vie privée et du jugement moral ("moi je mange de la viande et c'est bien").
Je sors 5 minutes le temps qu'ils délibèrent. Je rentre à nouveau : il me dit qu'ils m'accordent la note de 16/20, il avoue "non, c'est très bien" en faisant non avec la tête et en regardant par terre, "on vous met 16, mais ça ne mange pas de pain (sic), ce n'est qu'un DU (diplôme universitaire)" !!!!!
"Parce que la question est bien est-ce qu'on aime la vie et qu'est-ce qu'on laisse aux générations futures". Donc il reconnaît au final qu'il me note sur la base d'un jugement moral. Alors que je ne suis pas là pour ça ! Je ne suis pas là pour le convaincre d'arrêter la viande, ni pour dire si être vg c'est bien. je suis là pour qu'il me dise si la façon dont j'ai théoriquement abordé et analysé la question est valable. pas un mot sur le capitalisme, au passage, lui qui est si engagé politiquement et si ouvertement communiste.
Sans compter qu'il me donne certains arguments qu'il m'a déjà donné un an auparavant, (la seule fois où nous nous sommes rencontrés pour parler de ce mémoire d'ailleurs), et auxquels j'ai tenté de répondre dans le contenu du mémoire. Plus la soutenance avance, et plus j'ai le sentiment qu'il a à peine parcouru mes 92 pages de dur labeur... et encore, en diagonale sans doute.
Bon, vous n'imaginez pas à quel point j'ai été déstabilisée, sidérée par le déroulement de cette soutenance. J'attendais un regard critique, une mise au travail sur le contenu, une critique pointue sur l'articulation de mon travail et j'attendais aussi qu'il me dise si l'enseignement de Lacan et les concepts psychanalytiques étaient convoqués à bon escient et bien articulés...
Rien de tout ça !
Il accumule les inepties et finit par me donner une bonne note tout en semblant me la regretter !
Cette épique expérience a quand même eu le mérite de me montrer que cette question n'a rien d'anodin, pour qu'un éminent enseignant-chercheur et non moins éminent analyste soit troublé par elle au point d'en multiplier lapsus et actes manqués.
Ah ! Moi qui y allais avec toute mon admiration d'étudiante pour ce grand professeur que j'avais eu en cours il y a plus de 10 ans à la fac... Le mythe s'est écroulé tout d'un coup. Je crois que ça s'appelle "tuer le père". Ça fait mal dis donc.
Allez, ça ne me décourage pas, au contraire : ça me montre qu'il y a beaucoup, beaucoup de travail encore, en matière d'ouverture des consciences, de partage, de tolérance, dans tous les milieux et avec tou-te-s et chacun-e