Saegor":3c2y1pyc a dit:
Du point de vue du contenu, je pense qu'il serait super important d'apporter des éléments de connaissance qui ne sont pas toujours bien illustrés dans ce que recherche un humain en transition : présentation des céréales et des légumineuses, le fait que les mauvaises herbes sont comestibles et sont très nourrissante (un autre exemple de ce qu'il ne faut pas avancer de manière trop maladroite sans vite passer pour un extrémiste), bref tout ce qu'un omnivore ignore puisque bien souvent c'est plus par ignorance, facilité et lâcheté que par haine crasse des animaux qu'il refuse d'envisager de changer.
Je crois qu'il faut faire attention à ne pas partir dans un jeu trop informatif, descriptif, didactique qui se révélerait au fond assez plat. Ou alors ça devient une brochure interactive, ce qui est tout à fait envisageable aussi. Quand je pense "jeu vidéo" je pense sensations visuelles, émotions, mystère, suspens, scénario... C'est le problème de l'art engagé : à force de vouloir faire passer un message, est-ce que ça reste vraiment de l'art (ou du jeu, en l'occurrence) ?
Saegor":3c2y1pyc a dit:
- incarner un animal à l'époque actuelle est loin d'être le plus réjouissant, il sera peut-être trop difficile d'aiguiller les gens sur une réflexion avec un contenu directement choquant (un jeu vidéo laisse le choix d'être joué, il ne seront jamais obligés de le faire. il faut prendre en compte le côté "librement proposé à l'omnivore" de l'action sinon il n'y jouera que quand... il sera convaincu, donc ça ne sert plus à rien)
J'ai la conviction personnelle qu'en matière de végéta*isme être en possession de toutes les données théoriques ne suffit que rarement à déboucher sur un engagement concret. Les mots restent des mots, surtout lorsque l'on se refuse à les faire vivre pour préserver à tout prix nos plaisirs gustatifs. Le support vidéoludique me semble idéal pour dévoiler visuellement certaines choses que les mots ne parviendront sûrement jamais à faire sentir (ce que c'est qu'un animal enfermé, voire même un animal en train de mourir), sans pour autant être trop choquant puisqu'on reste toujours dans l'illusion théâtrale, en quelques sortes (le joueur, à moins d'être fou, n'oublie jamais que le personnage est fait de pixels, quel que soit le degré de réalisme du jeu). Il n'y a pas besoin non plus d'en faire des tonnes. De rares scènes, courtes mais poignantes et bien amenées, peuvent suffire.
Exemple : Après avoir eu une conversation/lu quelque chose sur l'élevage industriel, le personnage s'endort, toute l'interface disparaît et on se retrouve en "first person view" dans la peau d'un cochon en batterie, sans savoir où, pourquoi, comment, quoi faire. On appuie sur toutes les touches, il y a les cris, les tintements métalliques, l'impossibilité de bien voir autour de soi, le joueur ne sait absolument pas quoi faire mais ne peut pas échapper à la scène puisqu'il n'y a plus d'interface. A peine une minute s'écoule et paf... Le personnage se réveille. Le jeu n'a pas besoin de tourner autour de ça, ce seraient juste des scènes ponctuelles, dans l'esprit un peu torturé d'un personnage, comme nous l'avons presque tous vécu quand nous avons réfléchi sérieusement à devenir végé. En fait je pense à une mise en scène romancée d'une conversion au véganisme/au militantisme pour la cause animale, dans la même veine que ce qu'a suggéré Pers0nne...
Je me demande quel effet ça pourrait avoir sur un omni, d'être en quelques sortes dans la tête d'un végé en devenir, avec ses doutes, ses peurs, ses grandes interrogations morales, ses dilemmes (et tout ça mis en scène de manière vidéoludique bien sûr)...
Saegor":3c2y1pyc a dit:
se retrouver dans la peau d'un animal est une idée qui a l'air de séduire pas mal de monde mais j'ai peur que ça fasse trop antropomorphiste de coller des capacités humaines de jugement sur le corps d'un animal sans être obligé d'installer un scénario chamanique/transhumance etc qui retirerait le côté réel du scénario. je sais pas comment bien expliquer la façon dont je le ressens mais je pense que c'est un problème qui nous concerne principalement nous puisque les animaux, eux, ne peuvent rien y faire. c'est parce que nous sommes sensibles à leur souffrance que nous avons le devoir moral de changer la situation d'être vivants salement exploités dans laquelle nous les avons foutu
Même en éthologie les chercheurs affirment qu'au moins un peu d'anthropomorphisme est indispensable pour penser les animaux :
Selon l’anthropologue Pamela Asquith, l’usage de métaphores anthropomorphiques dans la description du comportement animal est non seulement inévitable, mais recommandé. La description « A salue B » comporte certes un surcroît de signification par rapport à l’énoncé « A étend le bras et touche l’épaule de B », mais une description du comportement qui serait dépourvue de tout surcroît de signification, telle que pourrait l’enregistrer une machine par exemple, nous laisserait avec un ensemble de données éparses, inutilisables et incompréhensibles.
D'autre part, si nous sommes "sensibles à leur souffrance" comme tu dis, c'est précisément parce qu'en tant qu'êtres vivants sensibles nous sommes capables de nous identifier aux autres êtres vivants sensibles, de comprendre, d'imaginer ce qu'ils doivent ressentir justement parce qu'ils nous ressemblent. Se mettre virtuellement dans la peau d'un cochon de batterie n'est qu'un degré de plus, visuellement, dans l'identification et la compassion, mais ça reste le même processus.
Tu as peur de rebuter les omnivores avec ce genre de procédés, mais est-ce que ce qui rebuterait ce n'est pas plutôt un jeu qui se dévoile d'emblée comme engagé en faveur d'une cause (avec de la musique militante comme tu l'as suggéré par exemple) ? Est-ce que ça ne risque pas de faire le syndrome "blog de cuisine végétale", qui ne sont lus que par des végés (pratiquement) ? Convaincre un omni, c'est un peu comme draguer quelqu'un : faut de la subtilité et ne pas dévoiler son jeu dès le début
. Que la personne ait la sensation que cela vient d'elle-même, de son propre ressenti, de sa propre réflexion, et pas qu'on calque sur elle une réflexion toute faite, qu'on lui impose un impératif dur comme du béton. Il faudrait presque, parallèlement ou au moins au début ou comme cadre général, une histoire entièrement indépendante de la question animale, pour ne pas faire trop "lourd".
Bref tout ça pour dire qu'apparemment tu sembles très axé sur l'aspect réaliste/informatif alors que moi ce qui m'intéresse plus c'est l'aspect scénario/émotions. Nous n'avons peut-être pas la même vision des choses et puis c'est ton projet à la base donc à toi de le mener comme tu l'entends
. Mais bon étant une littéraire pure et dure je suis super partiale, et un jeu vidéo qui ne me bouscule pas un peu, un jeu sans scénario haletant, sans coup de théâtre, sans provocation, sans originalité, sans suggestions subtiles, sans personnages avec un minimum de caractère, de profondeur, de mystère et d’ambiguïté, j'aime pas
. Je me suis même sentie obligée de faire du rp dans les mmorpgs pour compenser la banalité ennuyeuse à mourir des scénarios, c'est dire...