tessellation":hkaj5pej a dit:
Merci pour ta réponse. Tes réflexions me sont utiles. Je tiens juste à dire que pour ma part, je ne vis pas entourer de gens qui sont très profond. La plupart me rétorquent au sujet du mal être des animaux qu'ils en ont absolument rien à foutre, que les animaux n'ont aucun intérêt à leur yeux. Et ce n'est pas par provocation (même si j'aimerais sincèrement) mais parce qu'ils le pensent réellement. D'où le fait que je suis assez désespéré de pouvoir les changer. Les gens sont trop préoccupé par les faux plaisirs et l'envie d'avoir le monde centré sur le tête.
Et la plupart des gens qui semblent ouvert aux idées de la cause animale ne sont souvent stimulé que par une pitié temporaire (qui n'est pas mauvaise en soi) mais pas par la réelle conviction que c'est terriblement mauvais.
Il y a beaucoup de façons de répondre quand on se sent culpabilisés. Nier le fait qu'on éprouve de l'empathie pour les individus qu'on opprime en est une. Mais c'est un mensonge qu'on se fait à soi et aux autres. Quand on fouille un peu dans la discussion avec ce genre de personnes, on se rend compte qu'à un moment ou l'autre de la conversation, quand on les laisse l'exprimer, il vont revendiquer leur empathie pour les animaux (voire même déclarer qu'ils aiment plus les animaux que nous autres végétariens).
Les afficionados revendiquent leur amour des taureaux, les vieilles dames en fourure clament qu'elles aiment les animaux (parce qu'elles ont un petit chien), les chasseurs déclarent qu'ils tuent avec respect, et même les bouchers et entrepreneurs d'abattoirs disent qu'ils aiment les animaux. (Tout cela, c'est ce que j'ai pu constater dans des échanges sur internet, et par la lecture de différents articles.). Et tous les spectacteurs de vidéos de maltraitance animale ont des réactions soit de réelle affliction, soit des moues de dégoût.
Et une même personne, qui déclarera qu'elle s'en fout totalement à un moment de la conversation, pourra tout à fait réaffirmer son empathie pour les animaux à un autre moment de la conversation (J'ai même eu cet échange sur un forum de passionnés d'animaux... Le mec était amoureux des animaux, empli de compassion pour eux, tous les animaux... Et déclarait en même temps se foutre totalement de ce que vivaient les canards gavés pour le foie gras. Il allait même jusqu'à affirmer qu'il se savait incohérent, mais qu'il s'en foutait, que c'était extrémiste de lui faire la morale. Qu'il était libre d'être incohérent... Alors que c'est une réflexion qui n'a strictement aucun sens : C'est affirmer qu'on est heureux d'être au bord de la folie.)
Alors c'est vrai, malgré tout, certains cas rares réussissent à regarder des vidéos de maltraitance, et en prévision de ce qu'ils vont voir, par peur de ce qu'ils pourraient ressentir, vont se blinder émotionnellement avant même de voir les images. Mais ça reste un processus de défense, et même ces personnes, dans une autre mise en situation peuvent exprimer leur empathie pour les animaux. Seulement, la société leur a interdit de le faire, le société leur a appris depuis tout petit qu'avoir trop d'empathie pour les animaux, c'est être "faible", "puéril", "féminin", etc. Et c'est particulièrement vrai pour les hommes, que la société pousse à la désensibilisation. Mais ça n'est pourtant pas ce qu'ils ressentent "au fond".
La schizophrénie morale dont fait preuve la société est quelque chose de terriblement complexe, on a affaire à de vrais noeuds psychologiques totalement absurdes, mais pourtant l'empathie envers les autres animaux est bien là, cachée sous plusieurs couches de croyances tordues pour défendre le carnisme.
Un exemple : J'ai été végétarien pendant 15 ans, sans voir de réelle évolution dans ma famille. Mais il y a deux ans, en passant au véganisme, je me suis dit que je devais devenir plus "proactif", que je devais essayer (même si ça me faisait peur). Mon père était dans ma famille celui qui semblait le moins empathique de tous envers les animaux. Jamais de caresses aux chats. Il faisait tomber le chat de la table s'il s'aventurait au milieu des assiettes. Il était fier de déclarer que voir un agneau dans un champ le faisait baver. Il se moquait un peu de ma mère et de mon petit frère, qui sont très sensibles vis à vis des animaux.
J'ai eu quelques échanges de mails avec lui, je lui ai livré quelques réflexions, quelques liens, j'ai donné Bidoche à lire à ma mère, et c'est mon père qui l'a lu ensuite... et d'entre tous, c'est lui qui a pris le plus l'initiative de s'informer, qui s'est le plus remis en question. Aujourd'hui, il est quasiment végétarien (Difficile de l'être totalement quand le reste de la famille ne l'est pas.), il lorgne sur le végétalisme (Il considère en tout cas qu'on consomme beaucoup trop de lait et d'oeufs.), il défend totalement mon point de vue sur l'exploitation animale. Il a envie d'apprendre de nouvelles recettes végétariennes, et c'est lui qui informe le reste de la famille sur tout ce qu'il apprend sur la viande, le lait, le végétarisme. Il est en accord total avec l'argumentation éthique. Je lui ai offert deux livres de cuisine sur le végétarisme et le végétalisme à Noël, et il a dit que c'était une excellente idée, il était ravi.
Alors c'est vrai que certains personnes sont plus fermées que d'autres, que certains sont plus ancrés dans l'exploitation animale (éleveurs, chasseurs, bouchers, afficionados, etc.) que d'autres et ont donc plus de choses à remettre en cause pour envisager la réflexion sur le végétarisme. C'est vrai que certains sont plus végéphobes que d'autres. Et que certains mettront beaucoup plus de temps que d'autres à faire la transition, à accepter la réflexion.
Mais il n'y a aucune raison de perdre espoir pour autant. Tout le monde est réceptif aux arguments du végétarisme, même si le chemin est très très compliqué pour les atteindre. Il faut juste prendre son temps. Doser. Informer sans écraser. Laisser faire la réflexion. Varier les informations (Il y a énormément d'informations à transmettre... Chaque parcelle d'information/réflexion transmise est importante, même si elle ne conduit pas immédiatement au végétarisme, car elle ouvre des portes à la réflexion, elle peut amener à la curiosité et elle sert à faire tomber une fausse croyance, une des multiples protections du carnisme.). Rester compréhensif et patient.
Et tous les blocages ne sont pas forcément sur l'éthique. Quelqu'un qui n'est vraiment pas capable de s'imaginer vivre sans viande ne peut pas envisager la réflexion éthique, parce que pour lui, c'est l'équivalent d'une vie sans plaisir, d'une vie en prison. Mais si tu lui apprends tout ce que tu peux sur la cuisine végétarienne, sur les produits qui existent, si tu lui fais goûter, s'il se rend compte qu'il aime ça (malgré la peur qu'il en avait), qu'il peut presque tout remplacer par du végétal, il aura beaucoup plus de facilité à entamer la réflexion.
Il y a aussi le blocage de la pression sociale, de la remise en cause de soi, de son entourage, de la société, des nouvelles habitudes à prendre... Ca fait beaucoup de choses à affronter, beaucoup beaucoup de réflexions à déconstruire/reconstruire. C'est pas simple de faire le passage. La transition demande un réel effort. Parfois, on a juste besoin d'un petit coup de mains pour affronter toutes ces contraintes, ces peurs, et se rendre compte qu'on en est capable nous aussi... (Et ce "petit coup de main", ça peut aussi se faire en discutant de temps à autre du végétarisme, pour répondre petit à petit à toutes ces angoisses mal définies, les unes après les autres, en expliquant comment on s'y prend soi-même pour les dépasser... Sans "pousser" les autres, juste pour les informer.)
Et puis parfois, avec certaines personnes, quand ça veut pas, ça veut pas... Peut-être qu'ils ont besoin d'entendre les mêmes informations ou d'autres informations de la bouche d'autres sources que toi, pour pouvoir y apporter crédit (Si toutes les informations viennent de la même source, forcément, c'est plus difficile de les prendre pour argent comptant.). Peut-être que tu offres la première étape de réflexion/information, et que la deuxième étape leur viendra d'une autre rencontre, d'une émission télé, d'un bouquin, etc.
Mais si ça ne passe pas, pour toi, avec telle(s) ou telle(s) personne(s), il reste des milliers des personnes que tu peux toucher, de mille manières (ne serait-ce que par internet).
Bref, c'est compliqué, c'est parfois déprimant. Mais sur le long terme, ça fonctionne. Et en ce moment, c'est particulièrement vrai quand on voit que la thématique du végétarisme et de l'éthique animale ressort régulièrement dans les médias, et de plus en plus. Il y a de vraies raisons d'espérer. (La raison première, d'après moi, étant qu'internet reste un média récent, et qu'il est en train de changer radicalement la donne en accélérant de manière exponentielle la transmission d'informations et de réflexions. Sans même parler de l'échéance écologique.)
Et il y a encore beaucoup de réflexions au niveau stratégique/sociologique/psychologique à étudier en tant que militant (dans les liens que je t'ai donnés) pour se rendre encore plus efficace.
(Désolé pour la tartine. Mais je pense que ce que je viens d'écrire peut t'intéresser quand même.)