Vegecat
Mange de la salade
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Moi je suis plutôt théoricien de l'indifférence des sexes mais cet article est intéressant et foutrement (Lol) bien écrit même si je ne suis pas d'accord avec lui je vous l'offre en pâture ...
Pourquoi les criminels sont-ils masculins en majorité ? Alors que nos
sociétés prônent l'indistinction des genres, interroge les ressorts de
l'instinct guerrier
Une des phrases du XXe siècle aux conséquences les plus déplorables :
" On ne naît pas femme, on le devient. " Non certes parce qu'elle est
fausse, mais parce qu'elle suggère que l'homme, lui, serait créé et
non façonné. Idée aberrante que véhiculent mille autres perles
beauvoiriennes moins souvent citées, ainsi : " La dispute durera tant
que les hommes et les femmes ne se reconnaîtront pas comme des
semblables, c'est-à-dire tant que se perpétuera la féminité en tant
que telle. "
Au contraire, les sociétés de tout temps s'acharnent à fabriquer
justement des hommes - en contraignant les garçons, par la violence,
les menaces et l'humiliation, à se différencier des filles. C'est
tellement énorme qu'on ne le voit même pas : les hommes constituent,
de par le monde, entre 90 % et 100 % des criminels, des pédophiles,
des violeurs, des généraux, des chefs d'Etat et des grands leaders
religieux.
Regardez les journaux télévisés : l'immense majorité des personnages
qui font l'actualité sont phallophores. On croit parler des nouvelles
de l'humanité (et il est vrai que les déprédations masculines nous
bousillent, nous tuent, nous concernent donc tous et toutes) ; du
coup, on ne se demande même pas pourquoi les hommes sèment la zizanie
comme ça.
En revanche, l'immense majorité des prostituées et toutes les mères
sont des femmes. (On peut très bien être femme sans être mère ;
l'inverse, en revanche, n'est pas - encore ? - possible.) Si l'on est
convaincu (ce que je ne suis pas mais peu importe) que " l'instinct
maternel " n'existe pas, pourquoi n'interroge-t-on jamais " l'instinct
" qui pousse les hommes à faire la guerre ? De quelle stupéfiante
indifférence ou résignation faisons-nous preuve à son égard ! De quel
incompréhensible refus de s'étonner !
Car si, dans toutes les espèces proches de l'humaine, l'on observe que
les mères s'occupent de leur progéniture, dans aucune espèce animale
autre que l'humaine on ne voit les mâles s'entre-tuer de façon
organisée et préméditée. Lequel de ces prétendus " instincts " serait
donc à mettre en doute, le maternel ou le guerrier ? C'est la guerre
qui fait des dégâts, et c'est la maternité qu'on veut balayer ! Tant
il nous paraît normal que les femmes aient toujours tout à apprendre
des hommes, et jamais l'inverse. Tant il semble acquis que, comme
l'affirmait aussi l'auteur du Deuxième Sexe, " c'est dans l'homme, non
dans la femme, qu'a pu jusqu'ici s'incarner l'homme ".
Pour ma part, j'aimerais bien savoir pourquoi la spécificité des
hommes (c'est-à-dire des mâles de l'espèce humaine) semble être le
massacre des innocents. Ce n'est pas l'espèce humaine qui fait ça, ce
sont les phallophores, jeunes le plus souvent mais encouragés,
excités, éperonnés par des vieux. Oui, il faut avoir un pénis et des
testicules pour ainsi charcuter, violer, ouvrir le corps des autres à
la machette, au poignard ou à l'épée, les déchiqueter à la
mitraillette, les décapiter et jouer aux boules avec les têtes...
A toute époque surviennent les orgies sanglantes perpétrées par des
mâles, non tous les mâles bien entendu mais eux seulement, alors que
(si ce n'est dans Les Bacchantes où Euripide tente de fantasmer la
chose) on n'a encore jamais vu une bande de femmes se livrer
joyeusement au carnage, s'enivrer de sang, glisser dans le sang,
éparpiller les intestins, piétiner les cervelles, bouffer à pleines
mains la chair de leurs ennemis.
Partout la terre est enrichie par les bonnes protéines des cadavres
jeunes. Combien de fois avons-nous vu, sous mille variantes peintes,
dessinées, photographiées, filmées, cette image emblème de la mère qui
hurle, soit en essayant d'arracher à l'ennemi déchaîné son enfant
vivant, soit en tenant à bout de bras son enfant mort ? Guernica,
Sétif, Nankin, Kigali, la Vendée, Berlin, quelques pauvres noms pour
représenter une liste infinie, un choix embarrassant, siècle après
siècle sur tous les continents, le Massacre des Innocents.
Hypothèse en pointillé : dès qu'un petit garçon comprend qu'il vient
(que tout le monde vient) de l'intérieur d'un corps de femme, un corps
donc différent du sien, il se met à construire et à détruire, à
bricoler, à manier, à remanier et à tripatouiller, la petite fille ne
fait pas cela. Les garçons ouvrent les poupées, les nounours et les
voitures petites et grandes, ils ouvrent les fusils, jouets ou non,
pour en comprendre le fonctionnement ; ils veulent pénétrer le mystère
de la vie, des origines, comprendre d'où ils viennent, pourquoi ils
sont là ; ils regardent de près, d'encore plus près ; plus tard,
certains iront jusqu'à arracher le foetus du ventre de la femme
enceinte et à en fracasser le crâne. Après le dépeçage du nounours,
après le carnage, ils laissent derrière eux : non-sens, monceaux de
chairs mortes qui ne veulent plus rien dire. Ils ont réussi à
transformer le vivant en mort, en objet, en chose, en rien : puissance
sidérante qui ne peut se comparer qu'à celle de mettre un enfant au
monde.
Si les hommes ne savaient pas (comme par exemple les grands singes ne
savent pas) qu'ils ont vécu dans le corps d'une femme et lui doivent
la vie, ils ne feraient pas cela : c'est parce qu'ils se savent
mortels que les hommes tuent. Les femmes semblent moins obsédées par
la mort, et incapables de jouir en étant furieuses ; la colère n'est
pas pour elles un stimulant sexuel et le danger ne déclenche pas chez
elles un pic hormonal. Oui : le danger, la camaraderie virile, la
proximité de la mort agissent sur les hommes comme un aphrodisiaque,
pourquoi le dit-on si rarement ? Sur des millions d'années
d'évolution, ce sont les mâles violents qui se sont imposés, tant dans
la guerre que dans l'amour, et ont souvent fait de celui-ci la
métaphore de celle-là.
Une femme peut tuer, certes, elle peut même débiter en morceaux le
corps de quelqu'un qu'elle connaît bien, mais elle ne charcute jamais
des inconnus. C'est une règle qui ne souffre pas d'exception. Ni les
soldates russes pendant la seconde guerre mondiale ni les Israéliennes
de Tsahal n'y apportent un démenti. Pourquoi ?
Qu'est-ce qui empêche les femmes de former des milices armées, de
fomenter des complots internationaux, d'organiser des attentats ?
Pourquoi si peu de fillettes raffolent-elles de jeux vidéo violents ?
Pourquoi les adolescentes n'entrent-elles jamais dans une salle de
classe ou un restaurant fast-food pour ouvrir le feu sur leurs
semblables ? Et pourquoi cette question ne semble-t-elle intéresser
personne ?
Si l'on en croit les théoriciennes de l'indifférence des sexes, c'est
une simple question de temps et d'éducation. Les dames auront tôt fait
d'exiger la parité dans toutes les chasses gardées des messieurs afin
de rattraper ceux-ci. Elles seront alors vendeuses d'armes et de
drogues, grandes criminelles et grandes patronnes, pornographes et
footballeuses, pédophiles et chasseuses, évêquesses et imamesses,
traderesses et mafiosas, académiciennes et boxeuses sumo, elles
organiseront la traite de dizaines de milliers d'éphèbes des pays
pauvres destinés au délassement sexuel des femmes d'affaires des pays
riches. Encore un effort, les filles, si vous voulez être émancipées !
Les musulmanes se couvrent peut-être les cheveux, mais certaines
théoriciennes de l'Occident se voilent les yeux, ce qui est bien pire
; elles refusent de voir ce qui crève les yeux de tout le monde, à
savoir que les hommes et les femmes ce n'est pas pareil.
Tout dans l'espèce humaine est construit, y compris ce qui nous vient
des instincts. Tout est susceptible de devenir objet d'apprentissage,
de commentaire, d'interprétation. Pourquoi seule la maternité
serait-elle pensée comme pure nature ? Pourquoi, au long des siècles
et des millénaires, les femmes n'auraient-elles acquis, grâce non à
leur instinct mais à leur pratique maternelle, une précieuse
connaissance de l'humain ? Une sagesse utile, susceptible d'être
transmise aux hommes ? (Nonobstant le phénomène des " nouveaux pères
", un papa français passe en moyenne vingt minutes par jour avec ses
enfants.)
L'accouchement est un événement passablement sauvage qui, à l'instar
de la mort, nous rappelle notre condition matérielle et transitoire.
Mais la maternité ne se réduit pas (comme on feint si souvent de le
croire) aux phénomènes liés à la naissance, ni même aux toutes
premières années de la vie des enfants.
Se déployant sur des décennies, s'articulant le plus souvent à une ou
plusieurs autres activités dans la vie de la femme, c'est une activité
d'intelligence, d'interaction verbale et physique, une relation à
nulle autre pareille : ni purement pédagogique, sentimentale, ou
économique, ni échange entre égaux, ni rapport de forces... mais lien
en perpétuelle transformation, responsabilité destinée à se déprendre.
Pourquoi, en Europe, a-t-elle été jugée digne de si peu de réflexions
et donc de si peu de reconnaissance ? Alors ? " L'un est l'autre ",
vraiment ? L'un n'aurait vraiment rien à apprendre de l'autre, l'autre
devrait se rapprocher toujours et exclusivement de l'un ?
Réfléchissons, avant qu'il ne soit trop tard !
Nancy Huston
Romancière et essayiste
Née en 1953 à Calgary au Canada, a rejoint la France dans les années
1970. Elle a notamment publié une série d'essais (" Désirs et réalités
", 1995 ; " Ames et corps ", 2004 ; " Passion d'Annie Leclerc ", 2007
; " L'espèce fabulatrice ", 2008, chez Actes Sud) et de nombreux
romans dont " Dolce agonia ", Actes Sud , 2001 et " Lignes de faille
", Actes Sud, prix Femina 2006.
Pourquoi les criminels sont-ils masculins en majorité ? Alors que nos
sociétés prônent l'indistinction des genres, interroge les ressorts de
l'instinct guerrier
Une des phrases du XXe siècle aux conséquences les plus déplorables :
" On ne naît pas femme, on le devient. " Non certes parce qu'elle est
fausse, mais parce qu'elle suggère que l'homme, lui, serait créé et
non façonné. Idée aberrante que véhiculent mille autres perles
beauvoiriennes moins souvent citées, ainsi : " La dispute durera tant
que les hommes et les femmes ne se reconnaîtront pas comme des
semblables, c'est-à-dire tant que se perpétuera la féminité en tant
que telle. "
Au contraire, les sociétés de tout temps s'acharnent à fabriquer
justement des hommes - en contraignant les garçons, par la violence,
les menaces et l'humiliation, à se différencier des filles. C'est
tellement énorme qu'on ne le voit même pas : les hommes constituent,
de par le monde, entre 90 % et 100 % des criminels, des pédophiles,
des violeurs, des généraux, des chefs d'Etat et des grands leaders
religieux.
Regardez les journaux télévisés : l'immense majorité des personnages
qui font l'actualité sont phallophores. On croit parler des nouvelles
de l'humanité (et il est vrai que les déprédations masculines nous
bousillent, nous tuent, nous concernent donc tous et toutes) ; du
coup, on ne se demande même pas pourquoi les hommes sèment la zizanie
comme ça.
En revanche, l'immense majorité des prostituées et toutes les mères
sont des femmes. (On peut très bien être femme sans être mère ;
l'inverse, en revanche, n'est pas - encore ? - possible.) Si l'on est
convaincu (ce que je ne suis pas mais peu importe) que " l'instinct
maternel " n'existe pas, pourquoi n'interroge-t-on jamais " l'instinct
" qui pousse les hommes à faire la guerre ? De quelle stupéfiante
indifférence ou résignation faisons-nous preuve à son égard ! De quel
incompréhensible refus de s'étonner !
Car si, dans toutes les espèces proches de l'humaine, l'on observe que
les mères s'occupent de leur progéniture, dans aucune espèce animale
autre que l'humaine on ne voit les mâles s'entre-tuer de façon
organisée et préméditée. Lequel de ces prétendus " instincts " serait
donc à mettre en doute, le maternel ou le guerrier ? C'est la guerre
qui fait des dégâts, et c'est la maternité qu'on veut balayer ! Tant
il nous paraît normal que les femmes aient toujours tout à apprendre
des hommes, et jamais l'inverse. Tant il semble acquis que, comme
l'affirmait aussi l'auteur du Deuxième Sexe, " c'est dans l'homme, non
dans la femme, qu'a pu jusqu'ici s'incarner l'homme ".
Pour ma part, j'aimerais bien savoir pourquoi la spécificité des
hommes (c'est-à-dire des mâles de l'espèce humaine) semble être le
massacre des innocents. Ce n'est pas l'espèce humaine qui fait ça, ce
sont les phallophores, jeunes le plus souvent mais encouragés,
excités, éperonnés par des vieux. Oui, il faut avoir un pénis et des
testicules pour ainsi charcuter, violer, ouvrir le corps des autres à
la machette, au poignard ou à l'épée, les déchiqueter à la
mitraillette, les décapiter et jouer aux boules avec les têtes...
A toute époque surviennent les orgies sanglantes perpétrées par des
mâles, non tous les mâles bien entendu mais eux seulement, alors que
(si ce n'est dans Les Bacchantes où Euripide tente de fantasmer la
chose) on n'a encore jamais vu une bande de femmes se livrer
joyeusement au carnage, s'enivrer de sang, glisser dans le sang,
éparpiller les intestins, piétiner les cervelles, bouffer à pleines
mains la chair de leurs ennemis.
Partout la terre est enrichie par les bonnes protéines des cadavres
jeunes. Combien de fois avons-nous vu, sous mille variantes peintes,
dessinées, photographiées, filmées, cette image emblème de la mère qui
hurle, soit en essayant d'arracher à l'ennemi déchaîné son enfant
vivant, soit en tenant à bout de bras son enfant mort ? Guernica,
Sétif, Nankin, Kigali, la Vendée, Berlin, quelques pauvres noms pour
représenter une liste infinie, un choix embarrassant, siècle après
siècle sur tous les continents, le Massacre des Innocents.
Hypothèse en pointillé : dès qu'un petit garçon comprend qu'il vient
(que tout le monde vient) de l'intérieur d'un corps de femme, un corps
donc différent du sien, il se met à construire et à détruire, à
bricoler, à manier, à remanier et à tripatouiller, la petite fille ne
fait pas cela. Les garçons ouvrent les poupées, les nounours et les
voitures petites et grandes, ils ouvrent les fusils, jouets ou non,
pour en comprendre le fonctionnement ; ils veulent pénétrer le mystère
de la vie, des origines, comprendre d'où ils viennent, pourquoi ils
sont là ; ils regardent de près, d'encore plus près ; plus tard,
certains iront jusqu'à arracher le foetus du ventre de la femme
enceinte et à en fracasser le crâne. Après le dépeçage du nounours,
après le carnage, ils laissent derrière eux : non-sens, monceaux de
chairs mortes qui ne veulent plus rien dire. Ils ont réussi à
transformer le vivant en mort, en objet, en chose, en rien : puissance
sidérante qui ne peut se comparer qu'à celle de mettre un enfant au
monde.
Si les hommes ne savaient pas (comme par exemple les grands singes ne
savent pas) qu'ils ont vécu dans le corps d'une femme et lui doivent
la vie, ils ne feraient pas cela : c'est parce qu'ils se savent
mortels que les hommes tuent. Les femmes semblent moins obsédées par
la mort, et incapables de jouir en étant furieuses ; la colère n'est
pas pour elles un stimulant sexuel et le danger ne déclenche pas chez
elles un pic hormonal. Oui : le danger, la camaraderie virile, la
proximité de la mort agissent sur les hommes comme un aphrodisiaque,
pourquoi le dit-on si rarement ? Sur des millions d'années
d'évolution, ce sont les mâles violents qui se sont imposés, tant dans
la guerre que dans l'amour, et ont souvent fait de celui-ci la
métaphore de celle-là.
Une femme peut tuer, certes, elle peut même débiter en morceaux le
corps de quelqu'un qu'elle connaît bien, mais elle ne charcute jamais
des inconnus. C'est une règle qui ne souffre pas d'exception. Ni les
soldates russes pendant la seconde guerre mondiale ni les Israéliennes
de Tsahal n'y apportent un démenti. Pourquoi ?
Qu'est-ce qui empêche les femmes de former des milices armées, de
fomenter des complots internationaux, d'organiser des attentats ?
Pourquoi si peu de fillettes raffolent-elles de jeux vidéo violents ?
Pourquoi les adolescentes n'entrent-elles jamais dans une salle de
classe ou un restaurant fast-food pour ouvrir le feu sur leurs
semblables ? Et pourquoi cette question ne semble-t-elle intéresser
personne ?
Si l'on en croit les théoriciennes de l'indifférence des sexes, c'est
une simple question de temps et d'éducation. Les dames auront tôt fait
d'exiger la parité dans toutes les chasses gardées des messieurs afin
de rattraper ceux-ci. Elles seront alors vendeuses d'armes et de
drogues, grandes criminelles et grandes patronnes, pornographes et
footballeuses, pédophiles et chasseuses, évêquesses et imamesses,
traderesses et mafiosas, académiciennes et boxeuses sumo, elles
organiseront la traite de dizaines de milliers d'éphèbes des pays
pauvres destinés au délassement sexuel des femmes d'affaires des pays
riches. Encore un effort, les filles, si vous voulez être émancipées !
Les musulmanes se couvrent peut-être les cheveux, mais certaines
théoriciennes de l'Occident se voilent les yeux, ce qui est bien pire
; elles refusent de voir ce qui crève les yeux de tout le monde, à
savoir que les hommes et les femmes ce n'est pas pareil.
Tout dans l'espèce humaine est construit, y compris ce qui nous vient
des instincts. Tout est susceptible de devenir objet d'apprentissage,
de commentaire, d'interprétation. Pourquoi seule la maternité
serait-elle pensée comme pure nature ? Pourquoi, au long des siècles
et des millénaires, les femmes n'auraient-elles acquis, grâce non à
leur instinct mais à leur pratique maternelle, une précieuse
connaissance de l'humain ? Une sagesse utile, susceptible d'être
transmise aux hommes ? (Nonobstant le phénomène des " nouveaux pères
", un papa français passe en moyenne vingt minutes par jour avec ses
enfants.)
L'accouchement est un événement passablement sauvage qui, à l'instar
de la mort, nous rappelle notre condition matérielle et transitoire.
Mais la maternité ne se réduit pas (comme on feint si souvent de le
croire) aux phénomènes liés à la naissance, ni même aux toutes
premières années de la vie des enfants.
Se déployant sur des décennies, s'articulant le plus souvent à une ou
plusieurs autres activités dans la vie de la femme, c'est une activité
d'intelligence, d'interaction verbale et physique, une relation à
nulle autre pareille : ni purement pédagogique, sentimentale, ou
économique, ni échange entre égaux, ni rapport de forces... mais lien
en perpétuelle transformation, responsabilité destinée à se déprendre.
Pourquoi, en Europe, a-t-elle été jugée digne de si peu de réflexions
et donc de si peu de reconnaissance ? Alors ? " L'un est l'autre ",
vraiment ? L'un n'aurait vraiment rien à apprendre de l'autre, l'autre
devrait se rapprocher toujours et exclusivement de l'un ?
Réfléchissons, avant qu'il ne soit trop tard !
Nancy Huston
Romancière et essayiste
Née en 1953 à Calgary au Canada, a rejoint la France dans les années
1970. Elle a notamment publié une série d'essais (" Désirs et réalités
", 1995 ; " Ames et corps ", 2004 ; " Passion d'Annie Leclerc ", 2007
; " L'espèce fabulatrice ", 2008, chez Actes Sud) et de nombreux
romans dont " Dolce agonia ", Actes Sud , 2001 et " Lignes de faille
", Actes Sud, prix Femina 2006.