Philosophie magazine juin 2011

Shambalah

Broute de l'herbe
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Le numéro de juin de philosophie magazine consacre son dossier à "Je suis ce que je mange". La question du végétarisme est à peine évoquée, celle du végétalisme pas du tout.

L'éditorial est un odieux éloge du boudin qui se termine ainsi :

"C'est pourquoi je souhaite que tu restes égal à toi-même (il s'adresse directement au boudin), en qualité comme en quantité, et que tu ne te laisses pas impressionner par les rodomontades des esprits étroits et de la néo-bourgeoisie aux mains blanches et à la taille fine de nos grandes villes. Ne te font-ils pas rire, ces porte-parole de l'idéologie végétarienne ? Ah ! mon cher, comme il faut avoir l'estomac plein, n'avoir jamais connu le manque et grandi dans la dentelle pour se permettre de mépriser la viande. Toi, au moins , tu combats pour une cause qui en vaut la peine et chaque jour qui passe, tu l'emploies à l'action contre la faim".


J'ai donc pris mon clavier et ai envoyé ceci au journal :

""Bonjour,

Certains végétariens le sont par refus de la violence à l'encontre des animaux. Assimiler le végétarisme à un "mépris de la viande" est un contresens : on peut refuser la viande par (dé)goût, mais on peut aussi la refuser parce que son industrie tue, pollue et affame les plus pauvres (une grand proportion des céréales cultivées dans le monde est destinée... au bétail !). On nourrit donc avec des céréales le bétail destiné à la consommation des plus riches, pendant que des millions d’êtres humains meurent de faim...

Pour ce qui est de "la néo-bourgeoisie aux mains blanches et à la taille fine", sachez que le végétarisme a aussi pour avantage d'être économique, viande et poisson étant ce qui coûte le plus cher.

Les végétariens ne méprisent pas la viande : ils voient au contraire en elle l'animal qui a souffert inutilement (nous n'avons pas besoin de viande pour vivre, Cf. l'exemple de l'Inde).

Et quand on sait qu’un végétarisme plus généralisé permettrait de nourrir convenablement dix fois plus de personnes, on ne peut qu’être outré par votre éloge au boudin pour son « action contre la faim ».

D'autre part, pas d'allusion dans votre dossier "Je suis ce que je mange" aux philosophes contemporains qui ont pensé et pensent cette question de l'animalité : Jacques Derrida, Florence Burgat, Elisabeth de Fontenay, ou qui ont une réflexion philosophique sur le carnisme et le végétarisme (récemment Marcela Iacub par exemple).

C'est dommage. Cette question et celle du spécisme dépassent largement l'aspect "diététique", notre rapport aux animaux révélant notre conception du vivant, et peut-être par-là notre rapport à l'autre.

Faisant partie des « esprits étroits » dont vous parlez, j’ai donc été déçue que votre dossier n’approfondisse pas davantage la dimension fondamentalement éthique du végétarisme, qui, loin de ne se soucier que des animaux, peut être un plaidoyer pour une humanité plus « humaine ».

La jolie réponse de Pierre Péju à Louis -"se soucier ou tenir compte de leur sensibilité est un beau signe d'humanité""- devrait nous faire réfléchir, nous adultes, à notre relation à l'animal. ""

J'ai écrit après que le numéro de juillet-août soit sorti, donc j'attends de voir le courrier des lecteurs du numéro de septembre, sans me faire trop d'illusions...
 
Tant pis si ce n'est pas publié, c'est une réponse tout à fait appropriée, et même nécessaire.
Ces réflexions envers les végétariens me choquent vraiment. Même quand j'étais omnivore (sans connaissance végétarienne autre que deux amis très éloignés qui mangent... du poisson), jamais je ne me serais montrée aussi méprisante envers quelqu'un de la sorte, que je sois d'accord ou non avec ses idées (qu'il s'agisse de régime alimentaire ou de tout autre chose).
De la part d'un magazine de "philosophie", bonjour l'ouverture d'esprit !


Edit :

Bon, je viens de lire l'éditorial en entier et je suis atterrée.
Mon cher boudin, j'aime tout en toi et d'abord, j'apprécie que ta matière soit faite prioritairement de sang. Car c'est le sang qui est succulent autant qu'attirant dans la viande, et non la fibre musculaire – après tout, on se fiche de manger du muscle, ce qu'on veut, c'est atteindre au principe vital, aux esprits animaux qui vibrionnent au coeur de la Création.
Je crois qu'une fois qu'on a lu ça, il n'y a plus rien à dire. Nous avons affaire à un grand psychopathe – j'ai feuilleté cette semaine le livre Beurk, c'est bon (qui traite des choses dégoûtantes bonnes à manger, comme les tripes, la tête de veau et le topinambour), et l'une des chefs interviewés expliquait que sa petite manie dégueu et délicieuse était de lécher le sang qui restait sur les papiers de boucherie. Bin bizarrement, j'ai trouvé ça parfaitement répugnant sur le moment, mais ça me révolte moins que de lire cet tas de conneries dans Philosophie magazine.
En fait, il est tellement mystique dans son éloge du bouduin que ça me fait penser au fou dans Dracula, Renfield, qui attrape des mouches pour les donner à manger à des araignées, qu'il donne à un moineau, qu'il donne à un chat qu'il a l'intention de manger, tout ça pour "avaler des âmes".

Plus encore que le steak tartare, tu offres la quintessence de la viande – en cela, tu es le sushi du tyrannosaure.
Ok. Donc la quintessence de la viande, ce n'est pas la viande, c'est le sang. Logique.
Et le sushi du tyrannosaure ? Wtf ? C'était quoi, un steak de mégalodon ?

En bref, le texte entier est assez déprimant, et même révoltant.

L'éditorial est lisible ici, on peut y laisser des commentaires aussi.
 
Ok, merci Grenadine, j'ai reposté mon courrier au journal dans les commentaires...
Au début, je pensais que c'était du (mauvais) second degré, mais quand on lit le tout, on réalise qu'il a l'air très sérieux...
 
"les nouveaux gardiens de l'ordre". Mais quelle connerie ! C'est lui le gardien de l'ordre, qui ne veut surtout pas qu'on touche à son boudin (que je n'ai d'ailleurs jamais été capable de manger en tant qu'omni, comme bon nombre des omni que je connais...) !
Plutôt que d'écouter les arguments des végé, de se renseigner, de se documenter et de réfléchir, quitte à ne pas être d'accord, on a là la réaction typique de l'omni défendant.
"esprits étroits". On se demande bien où il est vraiment, l'esprit étroit, quand on lit sa tirade contre les végé, que je définierais plus comme une éthique ou une politique que comme une idéologie, qui est tout simplement insultante.
 
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