Après avoir suivi toute la discussion, mais pas du tout toute l'encre qui a pu couler en France lorsque ce verdict a été rendu, le mâle cis blanc étranger que je suis viens donner son avis tant bien que mal, car je suis pas doué pour m'exprimer.
Je trouve cet article super intéressant. Je trouve ça super intéressant d'envisager l'insulte dans ce qu'elle est comme un exercice de domination, mais aussi comme non-insulte dans le sens où oui, l'être humain est un animal, cousin des singes qui plus est. C'est un fait, ça ne devrait pas être une insulte.
Je trouve ça bien de soulever la perspective antispé là-dedans. Rabasser l'être humain à un animal est, en fait, con, puisque l'être humain est un animal. J'arrive pas à expliquer, mais je trouve que de rappeler les bases de la biologie fait, enfin devrait faire, perdre du pouvoir à l'insulte. Que se faire traiter de singe devrait appeler une réponse un peu du genre "euh, oui, je suis un cousin du singe, comme toi, je vois pas où tu veux en venir ; c'est censé être une insulte?". (et non, je ne dis pas que le pb vient de la victime qui devrait pas se sentir insultée ; j'essaie juste de dire que personne devrait considérer la comparaison à un animal comme une insulte ; comme si on me traitait de bijambiste. Déjà, ça viendrait à pas grand monde l'idée d'insulter qq1 du fait qu'il ait 2 jambes, et ça devrait pas émouvoir "l'insulté.e" de se faire traiter de bijambiste. Bijambiste est hors du royaume de l'insulte, aussi bien pour celui qui insulte que pour celui qui se fait insulter, et la comparaison avec un singe, ou tout autre animal, devrait être tout autant hors du vocabulaire de l'insulte. C'est ce que je veux dire, je veux pas faire du victim blaming.)
Maintenant, si je trouve intéressant la théorie derrière cet article et si je trouve intéressant d'amener une nouvelle perspective sur cette histoire d'insulte raciste, à mes yeux il part d'un fait précis et théorise sur le sujet et semble faire fi du contexte. Du contexte qu'on parle d'une femme noire insultée (double combo sexoraciste, +1000 points), du contexte qu'on est dans une société spéciste qui considère les "espèce de gueunon" comme une insulte, du contexte que le tribunal ne peut juger qu'en fonction de la loi et du contexte sociétal, etc, du contexte que ça fait des siècles que les femmes et les noires s'en prennent plein la gueule. Ce texte, en partant de l'exemple de l'insulte à l'encontre de Taubira pour théoriser sur le spécisme, me semble mettre tout contexte sous le tapis. Et compte tenu qu'il intervient dans ce que je suppose comme un moment émotionnellement intense en France, il est super maladroit.
Je sais pas trop comment ce texte aurait pu être modifié pour, tout en traitant de la même chose, tout profitant de l'occasion pour aborder le spécisme et l'inanité des insultes à base d'animaux, ne pas donner l'impression que la question de base, le racisme à l'encontre de Taubira, était insignifiante, hors de propos.
Vu l'angle du texte, il me semble logique que le racisme des propos ici y prenne une place minime, puisque justement, ce n'est pas le propos du texte, il veut ouvrir sur autre chose, sur une nouvelle perspective, plus large et à laquelle peut de personnes pensent, mais en mm temps, il me donne l'impression d'évacuer complètement le racisme ou tout autre considération autre qu'antispé dès le départ. Ouais, je trouve qu'il s'autodécontextualise et devient une sorte d'entité "pure" flottant dans ses propres sphères isolées de toute interaction avec le reste de l'univers. Tout en ayant un doigt de pied dans le réel à citer Taubira, mais en évacuant tout ce qui entoure le problème initial de l'insulte sexoraciste.
Bref, je suis ambivalent sur ce texte. J'aime ce qu'il soulève, mais la façon de le faire me paraît bancale. A l'image de ce que je ressens pour cette phrase :
c'est l'existence même de ces catégories qui pose un véritable problème, et qu'il est peut-être contre-productif de renforcer leur importance par des déclarations qui en valident le caractère humiliant?
Je suis d'accord, l'existence de ces catégories [couleur de peau, sexe, espèce] et la ségrégation que ça entraîne pour celleux qui, contrairement à moi, ne sont pas dans la bonne catégorie, me semble problématique. Mais est-ce vraiment contreproductif que le tribunal ait dit, en substance, "oui, comparer Taubira à un singe est une insulte raciste condamnable, et d'ailleurs, on la condamne fermement" ? D'un point de vue antispé, peut-être. Ou je peux mm entrevoir que traiter une noire de sale noire valide la catégorie et le caractère humiliant au lieu que ça soit perçu comme de manière ridicule, comme ça devrait l'être, car au fond, il est où le pb d'être noir ? Mais clairement, du point de vue antiraciste, il est au contraire super productif qu'il soit rappelé par ce verdict que les insultes racistes sont intolérables (j'attends au passage les condamnations des certains hommes politiques au gouvernement, et mm à la tête de celui-ci si je ne m'abuse, concernant les Rroms... là aussi y a de quoi faire des jugements exemplaires pour remettre les choses à leur place et arrêter de s'enfoncer dans ce racisme d'état qui, de fait, décomplexe ses sujets vis à vis de leur racisme.).
Vous pouvez à présent me lyncher.
(ah et moi aussi j'aimais bien Ravelle, ça fait chier qu'il soit parti.)