N1C0LAS, je sais pas trop si ta question concerne le sujet initial du fil ou pas. Je crois que les points qui font que certains perdent leur self-control ou se désinscrivent ne sont pas les mêmes que ceux qui étaient débattus initialement.
Sur le sujet initial, le point de désaccord est entre celleux qui estiment que l'article fait passer le racisme au second plan et que ce n'est pas normal, et ceux qui pensent soit qu'il ne minimisait pas le racisme, soit qu'on sen fout l'antispécisme est plus important. Plus généralement, gros débat ensuite sur la hiérachisation des luttes, avec des désaccords assez profonds. (Edit : ah bah cool, je développais pas assez ce point mais Fabicha l'a fait pendant que je postais.)
Pour les clashes annexes, il semble que Ravelle a très mal vécu la comparaison faite par Félidée entre son vécu et celui de certains animaux non humains, et pour Sacha je crois qu'il y a deux trucs : (1) il estime que dire que c'est plus facile pour lui en tant qu'homme blanc de trouver que le racisme et le sexisme sont moins importants que d'autres problèmes que s'il était une femme noire, c'est un non-argument voire une attaque personnelle qui justifie de répondre par des insultes et (2) il y a un problème que je n'ai pas encore réussi à comprendre par rapport au mot « validisme ».
Pour revenir un peu au fond, concernant l'article et ses suites, perso j'identifie les problèmes suivants (il peut y en avoir d'autres qui m'échappent) :
1. Le titre est malvenu. Le « oui elle est un singe » semble donner raison à la personne qui a utilisé cette insulte (même si c'est discuté après, le titre reste important), et le « moi aussi » fait un parallèle entre l'auteur (un homme blanc) et C. Taubira (une femme noire) qui minimise implicitement le lien entre le choix de l'insulte et la couleur de peau (et le sexe) de la persone visée. Je sais pas quel titre aurait été idéal, mais peut-être que « "singe" ne devrait pas être une insulte » (en rappelant dans l'article qu'en pratique ça l'est, même si les raisons sont mauvaises, et que donc la condamnation est fondée).
2. L'illustration est critiquable pour les raisons
que tu as mentionnées, auxquelle j'adhère. Je trouve le fait que l'évolution soit représentée comme allant vers une peau de plus en plus blanche est quand même particulièrement choquant pour illustrer un article qui débat d'une jugement concernant une insulte raciste anti-noir.e.s.
3. L'article aurait pu/du être plus clair sur le fait qu'il critiquait une des motivations du jugement et pas le jugement lui-même. Notamment, une phrase rapide parle de discrimination, mais le mot « racisme » n'est jamais utilisé : pourquoi ? D'ailleurs, ce n'est pas le tribunal qui est à critiquer, car ses attendus sont le reflets de l'idéologie dominante, mais l'idéologie elle-même. Ça peut paraître une nuance, mais ça évite de donner l'impression que la condamnation serait moins justifiée, tout en permettant de parler autant de spécisme.
4. Pourquoi choisir de critiquer uniquement le spécisme plutôt que d'étudier les liens particuliers entre spécisme, racisme et sexisme dans cette affaire, ce qui aurait été une bonne façon de ne minimiser ni l'un ni l'autre ? Par exemple, les noir-e-s sont souvent renvoyé-e-s dans l'imaginaire raciste à une certaine forme d'animalité voire d'état « de nature » (truc à critiquer aussi), les femmes aussi vue quoi que sans doute de façon différente. (À ce titre, l'image fournissait un bon exemple à critiquer : animal = singe = inférieur (antérieur dans l'évolution) = noir, homme = supérieur (postérieur dans l'évolution) = blanc.)
5. Continuation du point 4 : trouver un-e auteur-e qui soit à la fois militant-e anti-spé et anti-raciste pour traiter le sujet correctement des deux points de vue (voire trois en comptant le sexisme). Pourquoi pas même (on peut rêver) essayer de donner la parole à une femme noire, c'est aussi une façon de combattre les discriminations que de donner la parole aux dominées.
6. Autre continuation du point 4 : si on veut parler juste du spécisme d'une insulte (soit parce qu'on a pas l'envie soit pas les compétences, ce qui peut se comprendre, de traiter les autres aspects), on peut essayer de le faire à une occasion où il n'y a pas une énormel composante raciste (et sexiste) à l'insulte. Je crois que ça rejoint ce que disait Fabicha : si on va dire aux anti-racistes « eh, vous oubliez le spécisme » puis qu'on parle juste de spécisme, c'est assez fondé qu'iels reviennent nous dire qu'on oublie un peu vite le racisme.
7. Comme je l'avais dit plus haut, les réactions qui ont suivies ont été déplorables.
Bon, je vais m'arrêter là parce que je dois y aller, que beaucoup de trucs ont déjà été dits de toutes façons donc je crois pas qu'il va y avoir moyen d'avancer beaucoup plus à ce stade, mais je voudrais juste rappeler deux trucs qui ont été à mon sens un peu trop oubliés dans les discussions plus générals qui ont suivies :
- les critiques concernant des problèmes (récurrents ou ponctuels) dans le mouvement antispé ont pour but d'améliorer ce mouvement, pas de le couler.
- le mouvement antispé n'appartient pas à celleux qui pensent que le spécisme est le seul problème (ou le problème tellement de loin le plus important qu'on s'en fout des autres), il appartient à tou-te-s les antispé, y compris celleux qui choisissent de ne pas hiérarchiser les oppressions, et particulièrement celleux qui sont victimes de certaines oppressions intra-humaines (ignorer ces personnes ou les considérer comme « autres » ou moins légitimes, il se trouve que c'est justement un des mécanimes de ces oppressions).