Bon, je suis désolé de réagir sur ce fil alors que plusieurs personnes, dont Ravelle à qui je vais pas mal répondre, ont dit ne plus vouloir y débattre. Je dois dire que je rentre des estivales assez remué par des conflits qui y ont eu lieu autour de ces questions ou d'autres s'en rapprochant, et que c'est tout à fait possible que ça se ressente dans mon intervention ici. Je vais essayer de rester tempéré, et si malgré tout j'ai été trop agressif, merci de me le faire remarquer, j'essaierai de le prendre en compte.
Y'a plusieurs trucs qui me gênent dans l'argument utilitariste (ou s'en réclamant) du nombre de victimes. Si compte en nombre de têtes, on tue genre 20 fois plus d'animaux marins que terrestres (et de façon plus atroce), et j'entends pas si souvent des voix s'élever pour dire que les animaux marins doivent être le priorité numéro 1 du militantisme animaliste. On peut aussi considérer qu'il y un rapport encore plus écrasant entre insectes et non-insectes, et qu'on pourrait éviter plein de souffrance aux insectes, etc. J'en entend pas parler tant que ça, franchement. Du coup, mon propos n'est pas de discuter si ça serait raisonnable ou pas, mais de dire qu'au fond, dans mon expérience perso, quand j'ai entendu ce genre d'argument, c'était dans une majorité gênante des cas pour justifier de ne pas se remettre en question quand on merde concernant des oppressions subies par les humaines.
Je voudrais développer un trucs dans la fin de phrase précédente : justifier
de ne pas se remettre en question. Je crois qu'à peu près toutes les militantes anti-racistes, féministes, etc. sont assez claires sur le fait qu'est tou-te-s susceptible de merder, vu la culture dans laquelle on a grandi, parce qu'on peut pas toujours être assez sensibilisé-e-s à tout, etc. Là où ça énerve vraiment, c'est quand c'est suivi d'une justification par des propos encore plus problématiques, ce qui à mon sens inclus « ma lutte est plus importante que la tienne ». Et qui inclus aussi les accusations de chasse aux sorcières (scoop : les sorcières risquaient un peu plus que de voir leur propos soumis à une vive critique verbale, et de façon générale quand on est dominant suivant un axe, comparer les critiques venant entre autres de personnes oppressées suivant cet axe à un truc qui s'inscrivait dans une oppression systémique, politiquement, je trouve que ça sent pas très bon).
On a le droit dire qu'on est désolé quand on a merdé, votre moteur de recherche favori devrait sortir un certain nombre de FAQ toutes faites sur le sujet de comment réagir et surtout comment ne pas réagir quand ça arrive. J'ai jamais vu personne « péter la tronche » (again, sur facebook et/ou un forum, personne te pète la tronche, par contre irl ça arrive pour de vrai quand t'as pas le bon genre, la bonne couleur de peau, etc.) de quelqu'un qui s'excusait et essayait d'apprendre après avoir merdé.
Par ailleurs, de même que je trouve intéressant d'étudier
quand on sort cet argument « utilitariste », je pense, comme ça déjà été souligné, que c'est pas neutre du tout de voir
quand on choisit d'analyser le spécisme des insultes. Quand c'est dans un article des cahiers, j'applaudis. Ça serait dans la presse grand public à une autre occasion, j'applaudirais aussi. Mais franchement, on va pas me faire croire que ce jugement est le seul texte qu'on pouvait prendre en exemple pour le faire. Alors pourquoi choisir celui-ci plutôt qu'un autre ? Pourquoi pas juste fermer sa gueule quand on risque de faire des bêtises, et attendre un moment où on risquera pas de marcher sur les autres pour l'ouvrir ? C'est quand même (malheureusement) pas les occasions qui manquent.
Ravelle":20g8h5cn a dit:
Je pense pas qu'on doive absolument avoir un discours safe sur tous les plans oppressifs pour intégrer la lutte antispéciste, ça me paraît contre-productif. Et surtout, pourquoi ça ne devrait s'appliquer qu'aux antispécistes non-féministes non-antiracistes mais pas aux antiracistes et féministes spécistes ?
Je pense avoir déjà un peu répondu ci-dessus à la première phrase : je trouve à la limite de la mauvaise foi de faire comme si ce qui était demandé c'était d'être parfait partout, alors que là juste un peu de prudence avant et/ou d'humilité après, auraient déjà bien changé les choses, et que c'est quand même vachement plus facile d'être prudent et/ou humble que parfait partout.
La deuxième phrase me gêne profondément, d'une part si on arrêtait de tout le temps dire qu'il y a aussi des gens qui sont pas parfaits ailleurs et qu'on se concentrait un peu sur ce qu'on peut changer chez soi, on avancerait sans doute plus vite partout, mais surtout je trouve que ça donne une vision une peu « marchande », style « donnant-donnant » de la convergence des luttes, qui me paraît choquante alors qu'on parle d'une question de justice sociale.
Je crois que ça commence à faire un pavé alors je vais bientôt m'arrêter. Je vais pas plussoyer en détail tous les arguments donnés par Emy_Spheres, Félidée, Grussie et Fabicha, mais un truc m'a particulièrement parlé :
Fabicha":20g8h5cn a dit:
C'est le truc pratique avec le fait de défendre les droits des animaux : ils peuvent pas l'ouvrir pour nous dire de la fermer quand on dit des conneries ou nous confronter à nos propres limites et incohérences ; contrairement aux femmes, personnes racisées, etc.
Je rejoins juste à 100% cette analyse. En tant que mec cis blanc etc, je ressens vachement la tentation de ne m'investir que dans le combat pour les droits des animaux, exactement pour cette raison (et j'essaie de lutter contre, et de pas commencer à rationaliser le truc). Je dis pas que toute personne qui milite exclusivement pour les animaux non-humains le fait (uniquement) pour ce genre de raison, mais je pense que c'est un truc
important à garder en tête.