Plus le temps passe, plus je crois, franchement que "chercher à convaincre" ou "faut-il rentrer dans le lard", ce sont des faux débats.
Et je deviens gâteux à force de le répéter.
Quand on livre des informations, on ne cherche pas à convaincre. Quand on donne des informations sur ce que vivent les animaux, ce qu'ils ressentent, l'existence de leur conscience et de leur volonté de vivre, ce qui se passe concrètement pour eux lorsqu'ils sont pêchés, enfermés, tués... des informations sur les moyens de manger végétal sans menacer sa santé... des informations sur les alternatives qui existent... des recettes de cuisine... des informations sur l'impact écologique de la pêche et de la viande, etc. on livre des informations, on ne cherche pas à convaincre.
Quand on déclare qu'on revendique l'abolition de la viande (élevage, chasse, pêche et toutes formes d'abattoirs), qu'on donne les arguments pour défendre ce projet, qu'on admet qu'on ne sait pas combien de temps ça prendra pour se réaliser, et qu'il va falloir faire un travail collectif pour le réaliser... on défend effectivement un point de vue, un projet et son urgence. Mais on admet qu'on n'a pas soi-même toutes les clés en main pour le réaliser immédiatement. On admet qu'on n'arrivera probablement pas soi-même à convaincre chaque personne à qui on en parle. Et on admet surtout que tout le monde peut prendre part au projet même sans "devenir végétarien", ni "devenir végane".
On livre des informations, et tout le monde est libre d'en faire ce qu'il veut. On ne menace personne, on ne manipule personne, on n'oppresse personne.
On le vit sans frustration, parce qu'on n'attend rien (dans l'immédiat) de personne, et on ne porte aucun jugement sur personne.
Et les gens peuvent réfléchir honnêtement et paisiblement à ce qu'on leur livre, sans avoir besoin de se défendre à tout prix ni de prouver qu'ils ont un libre arbitre en affirmant leur désaccord avec nous (à coups de sophismes sortis du fond des chiottes).
Si certains se trouvent finalement convaincus ou intéressés par l'abolition de la viande, et décident de faire leur part des choses en diminuant leur consommation de produits animaux, c'est très bien. Je ne leur en demande pas plus, tant qu'ils sont eux-mêmes capables de retransmettre et défendre les arguments en faveur de l'abolition de la viande avec d'autres personnes. Si un mangeur de viande déclare publiquement l'immoralité du carnisme, mais se dit trop incohérent (ou je ne sais quelle excuse) pour passer au végétarisme, c'est très bien (Michel Onfray, par exemple.). Si un industriel de la viande développe des alternatives véganes (C'est le cas de Herta, et d'autres.) et déclare "On est la dernière génération à manger de la viande tous les jours.", c'est parfait.(Comme ici :
http://www.foodnavigator.com/Market-Tre ... -companies). Si un éleveur me dit "Ah oui, donc vous visez surtout les politiques pour qu'ils aident les éleveurs à se reconvertir. Je comprends mieux le projet d'abolition, maintenant.", j'en suis ravi. (Ca m'est arrivé.). Si, quand je dis -moitié pour rire, moitié sérieux- que je vais abolir la viande, une mangeuse de viande à mi-temps (seulement au resto de la boîte, le midi) me répond sérieusement "Oui, ce serait bien.", alors j'en suis heureux. (Ca m'est arrivé aussi.)
Si 90% de la population en faisait autant; réfléchissait et défendait l'abolition de la viande; faisait des propositions publiques pour y parvenir; questionnait les politiques sur le projet; réduisait sa consommation de produits animaux pour faciliter le projet... on serait à deux pas de l'abolition.
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Alors que passer son temps à essayer de réfléchir à "Comment convaincre machin d'arrêter la viande et les produits animaux ?", ou "Comment lui foutre un coup de pied au cul ?", ou "Qu'est-ce qu'il faut boycotter exactement pour ne pas être un salopard ?"... c'est un débat qui tourne en rond indéfiniment, qui n'en finit plus... plus tu pousses quelqu'un, plus il recule... et puis ensuite tu finis par te presser toi-même jusqu'à en devenir fou de ne plus savoir quoi boycotter, ni même à quoi sert le boycott (puisque les véganes puristes finissent même par oublier que le boycott sert à faire pression sur les acteurs économiques pour les faire évoluer vers le végétal, et se fâchent quand l'un de ces acteurs -Carrefour, Herta, Lidl, etc.- finit par se tourner vers le végétal...)... Et c'est probablement ce qui pousse pas mal de végétariens et véganes au burnout, avant de se remettre à manger de la viande en balançant toutes leurs convictions à la poubelle pour devenir des anti-végétariens acharnés, par aigreur. Tout simplement parce qu'ils se focalisaient sur l'effort individuel au lieu de se focaliser sur l'objectif collectif.
C'est ce qui donne des engeulades interminables entre des véganes qui s'accusent les uns les autres de ne pas être de vrais véganes; entre véganes ou végétariens et petits mangeurs de viande; entre véganes qui font une obsession sur les végétariens tueurs de veaux et de poussins et végétariens qui s'enflamment d'être insultés et jugés par les véganes qui se croient supérieurs alors qu'ils ne sont pas parfaits non plus... Alors qu'en vérité, tous ont autant raison les uns que les autres.
Sauf qu'on n'en a strictement rien à foutre. Ca n'a ABSOLUMENT AUCUN INTERET. Parce que ça n'est pas le sujet. Le sujet, ça n'est pas la pureté personnelle. Le sujet, c'est l'abolition par l'effort et les décisions collectives. Par les actions sur chacun des responsables : consommateurs, acteurs économiques, acteurs politiques, discours nutritionnels, écoles, institutions, etc. Se focaliser sur les consommateurs et oublier tout le reste, oublier que les consommateurs continuent à être soumis à tous les autres acteurs (et que tant qu'on n'essaie pas de faire évoluer ces acteurs pour les faire agir dans le bon sens, on joue à Sisyphe avec des consommateurs qui vont et viennent), ça n'a pas de sens. C'est incroyable à quel point les francionistes et autres obsédés par la "véganisation" se rendent aveugles sans raison à un pan énorme de ce qui constitue la société.