Picatau":2zdr6tco a dit:
Twizzle, tu penses vraiment pouvoir "résoudre" (je pense pour ma part qu'il n'y a rien qu'on puisse résoudre en ce domaine) des questions morales de cette manière ?
Oui, je le pense. Bien sûr, tu peux ne pas le penser, mais il n'y a rien d'extravagant à ce que j'ai dit. Les questions de métaéthique, c'est-à-dire du statut de l'éthique, par exemple la question de l'existence de règles de morale universelles (cf. le titre de ce fil), ou de l'approche correcte pour bâtir une théorie éthique, sont disputées, avec des arguments.
Les positions d'un côté et de l'autre ont leurs difficultés. Par exemple, ta position, qui si je comprends bien est qu'il n'y a pas de vérités morales objectives, implique qu'il n'y a pas de mal objectif à torturer quelqu'un, voire à exterminer des millions de gens. Ma position à moi, qui est qu'il existe des vérités éthiques objectives, a aussi des difficultés, dues je pense au fait qu'on n'a pas aujourd'hui une vraie théorie physique de la sentience.
Tu peux donc avoir ton opinion, mais il n'y a pas d'évidence éclatante selon laquelle l'opinion contraire serait stupide; il n'y a pas de justification à ce que tu t'exclames «quelle hypocrisie dans ces questions, quelle suffisance, quelle fatuité!». Je pense sincèrement ce que j'ai dit ci-dessus; je ne vois donc pas en quoi je serait hypocrite. La suffisance et la fatuité sont plutôt dans le fait de penser avoir la vérité toute cuite sans devoir l'argumenter.
Mais peut-être en parlant de suffisance et de fatuité, tu veux dire que ces questions sont éloignées de la réalité. Mais pour prendre un seul exemple, une des objections communes aux idées de libération animale est que l'éthique serait quelque chose de relatif, de non objectif, comme les goûts et les couleurs; et donc que chacun, après tout, fait ce qu'il veut. Pouvoir argumenter que l'éthique au contraire est objective permet de contrer cet argument. Je ne dis pas que c'est la seule manière, mais elle existe.
Aussi, pour illustrer l'utilité qu'il y a à réfléchir à ces questions théoriques, il y a l'expérience bien connue de Milgram (1960-63;
Wikipedia). On a amené, dans des conditions très contrôlées, des personnes ordinaires à commettre des actes de torture, simplement sous l'influence de l'autorité (sans menaces de punition en cas de refus). C'est une expérience réelle, mais qui, par son caractère dépouillé ressemble beaucoup aux expériences imaginaires décrites au début de ce fil. Le résultat a été qu'un grand pourcentage des participants ont commis des actes de torture, sans être des personnes particulièrement méchantes. Je pense que toi, moi et n'importe qui aurait très bien pu être parmi elles; en tout cas, je n'ai pas personnellement la suffisance et la fatuité de penser que j'aurais forcément été parmi les personnes vertueuses qui ont résisté. Or le fait de connaître cette expérience et d'y avoir réfléchi peut bien nous amener à plus de vigilance envers les mécanismes de soumission à l'autorité, et donc à avoir moins de probabilité, dans une situation réelle analogue, de nous soumettre à l'autorité et de commettre des actes de torture ou autres. Si l'expérience de Milgram avait été faite trente ans plus tôt et que les Allemands en avaient tous eu connaissance et y avaient réfléchi, on aurait peut-être évité quelques malheurs.
De même, peut-être qu'un jour, confronté à une situation semblable à celle du trolley, avec le monsieur gros, je choisirai l'acte juste qui est, je pense, de pousser le monsieur, alors que c'est très contraire à mon intuition. Ce sera à mon avis une bonne chose. (Tu peux bien sûr penser autrement.)
Fabicha":2zdr6tco a dit:
Pousser le monsieur gros ? C'est quoi cette histoire ?
Vois le deuxième mail de Sacha, sur la première page (02 Fév 2013, 03:44); clique pour voir le texte caché.
David