Féminisme et masculinisme

Les chiffres postés par Fabicha sont assez effrayants, mais ne m'étonnent pas vraiment. J'ai fait des études dans un domaine où le quota hommes-femmes est nettement moins spectaculaire (études théâtrales), mais j'ai quand même toujours été choquée de voir qu'on avait une enseignante pour 3 hommes, et qu'en plus les 3 hommes étaient professeurs tandis que la seule femme était seulement maitre de conférence. Le pire, c'est qu'elle n'était absoluùent pas consciente de cette inégalité. Je me souviens, dans un de ses cours, un des étudiants a présenté le spectacle qu'il était en train de monter, inspiré de la comédie musicale Chicago, et, alors qu'il faisait toute une analyse sur les enjeux féministes et sexistes de Chicago, la prof en question lui a demandé comment il comptait réintroduire cette notion dans un contexte moderne car, selon elle, "ce genre de sexisme n'existe plus dans notre société moderne donc ce genre de discours n'est plus pertinent". Je crois qu'elle a rarement autant entendu les mouches voler de sa carrière tellement elle a estomaqué toute la classe, personne n'en coryait ses oreilles. S'en est suivi un grand débat sur le sexisme dans notre société, et quand je lui ai fait remarqué qu'elle est seulement maitre de conf' alors que tous les hommes du département étaient professeurs, elle s'est trouvé plein d'excuses pour justifier ça, sur son âge (plus jeune que les autres, certes, mais plus d'années de carrirèee que l'un d'entre eux qui pourtant venait tout juste de passer directeur de département...), sur ses grossesses et ses enfants (ça se passe de commentaires...), et finalement sur le fait que "de toute façon vous ne comprenez rien au fonctionnement administratif de l'université".


Pour ce qui est de la proportion de personnes racisées, je trouve qu'il y en avait beaucoup lors de mes différents niveaux d'études (je veux dire par là, du primaire à la fac), à part au collège mais je pense que c'était surtout géographique. En effet, j'ai été dans un collège de campagne, tandis que j'ai fait mon primaire et mon lycée en ville, dans des quartiers aux populations d'origines très variées (en gros, je dirais 40% de blancs, 40% de maghrébins, et 20% de noirs, asiatiques, etc.). Quant à la fac, je pense que l'équilibre est un peu plus présent en fac de lettres.
Par contre, l'équilibre hommes-femmes, lui, n'était pas du tout présent dès le lycée. Dans les populations blanches, déjà, il y avait plus de filles que de garçons, mis dans les populations non-blanches, le déséquilibre était encore plus flagrant. J'ai l'impression que les garçons racisés étaient bien présents en primaire et au collège, mais devaient très rares au lycée. Probablement parce qu'ils décrochaient ou qu'on les envoyait en filière professionnalisante. D'ailleurs, je serais curieuse de connaitre les chiffres dans ces filières-là Que ce soit pour la proportion garçons-filles, mais aussi proportion blancs-racisés. Mais comme effectivement les études statistiques "raciales" sont interdites en France, on risque pas de le savoir (un bel exemple de comment une société utilise le prétexte du refus du racisme pour nier l'existence d'une partie de la population d'ailleurs).


Tigresse":28h6d9br a dit:
Par contre, de ce que j'ai pu comprendre, ce n'est pas tellement la femme en tant que genre qui est discriminée, mais la mère de famille, la maternité étant un frein à l'évolution d'une carrière.

Ce qui revient au même vu que notre société et la plupart des gens qui la composent considèrent par défaut qu'une femme doit forcément passer par la case maternité. Et si tu approches de la trentaine, c'est encore pire. Et c'est d'ailleurs bien le problème : la plupart des femmes à haut niveau d'études arrivent sur le marché du travail à l'âge où notre société considère comme normal pour elles d'enfanter, et donc d'être un frein pour l'entreprise avec leur congé maternité. Et lorsqu'enfin le problème de la maternité cesse d'être un obstacle pour les femmes, c'est trop tard pour elles car leurs collègues hommes ont déjà une carrière bien avancé et seront donc privilégiés par rapport à elles, et ce d'autant plus dans une société âgiste qui considère qu'on est déjà presque trop vieux pour être productif à 45 ans...
Et le fait que les employeurs n'aient pas le droit de poser la question en entretien d'embauche amplifie le phénomène de discrimination genrée, puisqu'ils choisiront la plupart de temps la solution de faciliter, à savoir considérer que les femmes vont forcément être absentes pour cause de grossesse ou de pouponnage à un moment ou à un autre. Et du coup ils privilégient les hommes par facilité.

J'aimerais trouver, à titre de comparaison, si un homme mettait 6 mois sa carrière entre parenthèses (= temps moyen pour le congé de maternité et l'alaitement), pour un projet personnel par exemple, s'il aurait autant de difficultés qu'une mère de famille par la suite.

Euh... 6 mois, c'est vraiment pas beaucoup. Et c'est sans compter le fait que la plupart du temps ce sont les femmes qui s'absentent du travail quand les gamins sont malades, là encore par pression sociale (généralement inconsciente). D'ailleurs, une femme va être plus discriminée à l'embauche et à la promotion qu'un homme, mais si elle s'absente pour cette raison-là, tout le monde trouvera ça normal. Alors qu'un homme qui s'absente du boulot pour s'occuper des gamins, il va s'en prendre plein la tronche et être considéré comme un tire-au-flanc ou un sous-homme. En revanche, s'il a des enfants et une femme pour s'en occuper, c'est tout bénéf' pour lui : http://lci.tf1.fr/france/societe/avoir- ... 82168.html
 
Emy_Spheres":34rm89xp a dit:
Tigresse":34rm89xp a dit:
Au point que les enfants qui ont l'air belges sont vraiment en minorité.
:cartonR:
Ça veut dire quoi "avoir l'air belge" ?
Être blanc ?
Ca veut juste dire que, quand j'étais petite, et donc écolière, je savais qu'1 tel était belge, par exemple, mais qu'un autre tout aussi pâlichon venait d'un autre pays (de l'est, par exemple). Parce que les enfants discutent entre - eux de leurs origines. Donc je savais avec précision.
Mais là, comme je ne connais pas + que ça ces enfants, je n'ai pas d'autre critère que leur couleur pour délimiter ceux qui pourraient éventuellement être belges. Ca ne se voulait aucunement péjoratif.
 
Même sans mauvaise intention, c'est maladroit parce que ça renforce l'idée que les personnes de couleurs sont d'éternelles étrangères au pays des blancs. Idée fausse bien implantée dans nos petites têtes blanches, dangereuse et douloureuse pour les gens à qui elle colle à la peau. (du moins je suppose, mais je veux bien parier)
 
Heu ... je ne sais pas. Les enfants sont fiers de leurs origines, en général. Même quand ils ont une carte d'identité du pays dans lequel ils naissent/résident. Enfin, quand j'étais petite, les italien(ne)s se disaient italien(ne)s. Même en étant nés ici et ayant la carte d'identité belge. Et y avait pas mal d'enfants aux origines étrangères qui racontaient leurs chouettes vacances dans là famille "là bas". Enfin, je le ressentais pas comme négatif, à l'époque :s
Fin, là, j'aurais peut-être dû préciser "d'origine belge par leurs ancètres" ? Enfin, je voulais juste illustrer que le village s'était ouvert aux arrivants de toutes les couleurs. Et que tous les enfants ont la chance d'aller à l'école. Et que, donc, dans les prochaines années, il devrait y en avoir davantage dans les études supérieures..... J'ai l'impression d'être très maladroite.
 
Tigresse":dx6sxgrz a dit:
J'ai l'impression d'être très maladroite.
Je crois qu'en tant que blanc(he)s on l'est tou(te)s quand on aborde ces sujets, parce que même avec un réservoir gros comme ça d'empathie, on ne vit pas ce que vivent nos camarades de couleur, et que même s'ils se confient un peu, notre imagination a du mal à combler les non-dits. Par exemple, je sais que mes cousins métis ont souffert du racisme dès leur enfance, mais je n'ai aucune idée de la place que ça prend dans leur quotidien. Pour moi ils ont toujours été mes cousins exactement au même titre que mes cousins blancs, et de base j'ai du mal à concevoir qu'on les considère différemment à cause de leur bronzage.
J'ai découvert récemment le blog "moi, raciste et méchant" qui compile les commentaires haineux sur certains sites infréquentables : si on ne me les avait pas mis sous le nez, jamais je n'aurais pu imaginer que des gens pensent des choses pareilles. Mais du coup je comprends mieux que les personnes qui subissent ça tous les jours relèvent la moindre ambiguïté dans mes paroles.
 
Je viens d'aller voir le blo moi,raciste et méchant et je suis vachement choqué. Je ne pensais pas qu'aujourd'hui il y avait encore des gens pour penser ça et être si méchant. :'(
 
N'est-ce pas ? Et pourtant en y repensant, j'ai déjà croisé au moins un type comme ça. Je visitais une maison à louer, accompagnée de ma belle-mère, le proprio nous fait faire la visite en ignorant complètement les locataires (...noirs), et puis au fur et à mesure de la visite, il nous raconte que blabla il va faire plus attention maintenant aux gens à qui il loue, parce que là les gens s'en vont au bout de seulement quelques mois et c'est pas pratique pour lui, et patati et patata et "vous savez ces gens-là, ils déclarent pas exactement leur situation pour pouvoir toucher plus d'allocs", et il a tranquillement vomi ses clichés racistes/sociaux, en pensant naturellement qu'on allait lui dire "mais oui mon bon monsieur, c'est scandaleux" : ben oui on était deux blanches manifestement pas dans la misère, on ne pouvait que partager ses idées ! Il ne pouvait pas deviner que mon mari avait passé des années au RMI/RSA, "aux crochets de la société" tel qu'il voyait ça... La maison était nettement mieux que l'autre que nous avions visitée, et presque au même loyer, mais je n'ai pas voulu louer à ce type. J'imagine qu'on peut tout à fait le retrouver sur moiracisteméchant...
 
Merci, c'est super intéressant !
Je n'avais pas connaissance de toute cette histoire :)
Je connaissais surtout le débat moderne "homme féministe / homme pro-féministe" et je me disais l'autre jour que si je voyais l'intérêt du "pro" dans "pro-féministe", ça ne me paraît pas si important que ça, surtout à force de voir des mecs qui ont plein de connaissances théoriques et qui mettent soigneusement le "pro-féministe" pour bien montrer qu'ils ont trop compris qu'il ne fallait pas se placer au centre, et au final c'est des gros abuseurs/violeurs/etc... mais bref, je vois l'intérêt du terme aussi.

J'aime beaucoup ce que ce type dit :
Florian":3clsm3mm a dit:
« Je préfère pro-féministe. […] Pour moi, l’anti-sexisme ou l’anti­racisme, ça fait des trucs où t’es… comment dire, ma vision c’est que tu pointes le doigt sur des symptômes mais tu t’attaques pas à la racine, bon c’est un peu schématique, mais pour moi ça connote pas très radical […]. Le terme anti-patriarcal je l’entends pas trop en fait, j’y ai même pas pensé en fait… anti-patriarcal, ouais… ben même le mot patriarcal en fait je le trouve… je préfère viriarcal en fait… parce que le côté patriarche, ça a un peu un côté, surtout en tant qu’homme jeune, je trouve que patriarcal ça pourrait être une façon de se dédouaner, le patriarche c’est quand même aussi la domination de l’homme âgé, même si elle existe, mais bon… donc si je devais parler d’un truc, ça serait plutôt viriarcal, mais, en fait je crois que le terme anti-masculinisme, ou quelque chose comme ça, paradoxalement, à force d’y réfléchir, s’il y a vraiment un intérêt à l’investissement des hommes, des garçons, dans les luttes aux côtés des féministes, ça serait peut-être là-dessus. […] Mais bon, après ça m’embête un peu parce que ça fait un peu guéguerre entre hommes aussi… mais je sais pas, je m’y perds un peu à force, j’avoue que des fois je vois un avantage stratégique à une position, en même temps je trouve ça un peu foireux d’un autre point de vue, j’avoue qu’avec le pro-féminisme, je me suis jamais autant posé de questions, comment dire, épistémologiques… […] Le pro-féminisme pour moi, c’est une manière peut-être symboliquement dans le nom de marquer le… le… la position de retrait, disons, de ne pas se mettre en avant, qui pour moi est… mais même là c’est ambivalent, dès qu’il s’agit d’un truc qui défend pas l’intérêt de la classe des hommes, ben les hommes se mettent un peu en retrait».
 
Ouais, je l'ai trouvé assez classe aussi ce mec.

Ce que j'ai bien aimé aussi c'est le passage où il est bien mis en avant que les années de militantisme et de socialisation avec des féministes font une nette différence dans la façon dont les mecs complexifient le sujet et mesurent la difficulté de leur position, l'acceptent et la verbalisent sans forcément chercher à être dans le contrôle... Ouf !
L'auteur relève ainsi le petit gars (ou les deux petits gars ?) qui a adhéré depuis un an à je ne sais plus quelle asso qui ne voit même pas où se situe le problème, se contente de le survoler.
 
Petite vidéo sur l'inégalité des salaires, j'ai pas trouvé de version avec sous-titres français, désolée. A regarder jusqu'au bout, y a une chute intersectionnelle :

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=bm3YfMtgEdI[/youtube]
 
Quand je lis ça (sur le blog "moi, raciste et méchant", je me dis qu'on doit vraiment pas vivre dans le même pays :

En tant qu'homo sexuel, ici, je peux vivre sans la peur de me faire lyncher par mon entourage. En tant que noir, ici, je peux marcher dans la rue sans risque de me faire abattre en toute impunité par ceux-la même qui sont sensés me protéger. En tant que femme, ici, je peux être seule sans que tout homme, jusqu'à mon chauffeur de bus, ne se transforme en un violeur assumé en puissance.
 
Je ne peux lire ce site plus de 5 minutes, ça me fout le gerbe. Je sais pas comment fait (font) l(es) auteur(s) pour pas dégueuler à chaque fois.
 
jess":1jv7q96j a dit:
Quand je lis ça (sur le blog "moi, raciste et méchant", je me dis qu'on doit vraiment pas vivre dans le même pays :

En tant qu'homo sexuel, ici, je peux vivre sans la peur de me faire lyncher par mon entourage. En tant que noir, ici, je peux marcher dans la rue sans risque de me faire abattre en toute impunité par ceux-la même qui sont sensés me protéger. En tant que femme, ici, je peux être seule sans que tout homme, jusqu'à mon chauffeur de bus, ne se transforme en un violeur assumé en puissance.

Ah mais si, c'est juste que c'est très probablement écrit par un homme cis-hét blanc. C'est sur que du point de vue des privilégiés tout va bien... :facepalm:
 
Et bien, étant donné que c'est signé "Foncé de souche", je suppose que c'est probablement un homme cis hétéro, mais pas un blanc en tout cas.
 
Comme c'est écrit ça laisse entendre que c'est une femme noire homo, mais on est pas du tout renseigné sur le "ici". Le message est complètement hors contexte donc on peut pas en dire grand chose. Ça peut très bien être écrit par une femme noire homo qui vit dans un environnement où ça ne pose pas de problème si tant est qu'un tel environnement existe.
 
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