On squatte la page d’accueil d’Antisexisme c’est vrai, mais bon c’est en partie sur l’antisexisme et le thème a été lancé par Antisexisme
On pourrait poursuivre la discussion dans « féminisme et masculinisme » ?
@V3nom.
J’interprète « poli » comme « académique ». C’est vrai que la recherche (en sciences humaines et sociales) peut avoir un effet neutralisant en transformant des enjeux de luttes sociaux en enjeu de luttes savant. Mais la plupart des variantes du constructivisme, plus aux Etats-Unis qu’en France d’ailleurs, sont un radicalisme à la fois savant et militant et n’ont rien de poli.
Comme le dit Numa, le fonds commun des constructivismes est l’anti-essentialiste. Mettre l’accent sur la construction sociale des normes sexuées/sexuelles, de toutes les divisions genrées, c’est enfoncer des portes ouvertes pour ceulles qui, comme toi, sont débarrassé-e-s des préjugés naturalistes. Mais je peux t’assurer que le fait d’affirmer (exemple parmi d’autres) que l’hétérosexualité est une invention sociale récente soulève pas mal de résistances.
Il y a de multiples variantes du constructivisme pour plusieurs raisons, mais qui sont toutes liées à l’effet « objets d’étude » dont parle Jezebel : 1) Il y a différentes manières de travailler sur un terrain en sciences sociales (l’observation ethnographique, l’analyse critique du discours, etc.) et les groupes de recherches/institutions se spécialisent dans l’une des approches disponibles des phénomènes sociaux, quitte parfois à manquer d’ouverture sur des recherches proches dont l’inspiration critique est commune. 2) Il y a des spécialistes de la qualification des travaux en sciences sociales (les auteur-e-s de manuels scolaires/universitaires) qui ont ramassé a posteriori une très grande variété de travaux sous l’étiquette « constructivisme » mais en créant des subdivisions pour y voir plus clair. 3) Il existe des recherches (des recherches épistémologiques : qui s’interrogent sur la validité des énoncés scientifiques) qui différencient les constructivismes du point de vue de leur radicalité. En gros la question serait : jusqu’où peut-on aller dans l’affirmation que tout est socialement construit ? Suffit-il que je dise que machin est un connard pour qu’il le soit (ou le devienne) en réalité ? Assurément non, car si je n’ai aucun pouvoir dans la situation d’énonciation, mes insultes restent lettre morte. Un livre comme « Entre science et réalité, la construction sociale de quoi ? » de Ian Hacking fait le point sur ces questions.
Je m’explique sur la « posture » (formule maladroite et ambigüe). Partons du principe qu’il existe des ressources potentiellement profitables à beaucoup de personnes mais dont seule une fraction d’entre-elles se mobilise pour les redistribuer. Imaginons un syndicat qui se mobilise dans une entreprise pour une augmentation de tous les ouvriers qualifiés. Imaginons des militant-e-s féministes luttant en faveur d’une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel. Si je suis féministe (ou syndiqué), je milite pour accéder ou produire cette ressource et faire en sorte qu’elle profite au plus grand nombre (y compris à ceulles qui ne se sont pas mobilisé-e-s). En toute hypothèse, je ne suis pas sciemment, par calcul, du côté des attentistes (par calcul parce que se mobiliser prend du temps, de l’énergie, comporte certains risques, etc.).
@Numa. Oui, universaliste serait un équivalent national (dans la mesure où le féminisme en France s’est en partie structuré autour de cette opposition universalisme/différentialisme) d’un point de vue constructiviste dans le féminisme. La formule « universaliste » devient ambivalente néanmoins pour une autre raison. Dans les études de genre, on met de plus en plus en avant l’ « intersectionnalité ». C’est l’idée qu’un individu peut supporter différentes formes de domination (ethnique, genrée, économique, etc.) et qu’il est impossible de rendre compte des situations vécues en analysant séparément ces formes de domination. C’est une réelle avancée (quoique tardive en France) dans les études de genre. Peut-on encore parler d’universalisme (je prends le mot en dehors même de son acception dans le féminisme) quand il s’agit de mettre l’accent sur des ensembles de caractéristiques (ethniques, de genre, etc.) qui n’ont rien d’universel ? Ca prête à confusion. Le « champ sémantique » d’universalisme (historiquement prisonnier de l’opposition universalisme/différentialisme) est trop étroit.