J'interviens juste par rapport au sujet initial du débat : Ça rejoint un peu ma réflexion "De l'inutilité du défaitisme.". Se focaliser sur le négatif entraîne de la colère et de l'aigreur, et si cette colère et cette aigreur sont dirigées envers ceux qu'on essaie de changer (ou s'ils se sentent visés par elle), ça crée un blocage (ou du moins, un frein temporaire).
Par contre, je pense quand même qu'il est important de montrer la réalité dans toute son horreur. Mais pas de la matraquer. Matraquer l'horreur, ça ne fonctionne pas : L'autre se ferme, se désensibilise, fait appel à l'ironie ou à l'abstrait pour ne plus ressentir l'horreur dans toute sa réalité. On peut montrer la réalité, mais en ménageant un peu, en montrant un peu de respect et de compassion pour le futur spectateur.
Et personnellement, sur moi, je ressens aussi cet effet : Plus l'horreur est intense, plus il y a de victimes, plus ça semble irréaliste, et la compassion devient impossible à supporter. Il y a en quelque sorte un seuil d'horreur à partir duquel l'empathie s'atténue au lieu de continuer à croître. On est alors obligé de se barricader face à elle pour survivre. Et de toute façon, on n'a même pas les capacités mentales pour simplement imaginer ce que ça peut représenter... Donc ça devient totalement abstrait. D'où la quasi-indifférence...
Alors qu'une souffrance "simple", même psychologique, d'intensité acceptable, sur un individu isolé, c'est beaucoup plus facile à ressentir, visualiser, comprendre... Beaucoup plus propre à l'empathie, apte à faire couler mes larmes par compassion, finalement...
Et sinon, moi, ce que j'ai remarqué des quelques manifs que j'ai faites ces derniers mois, c'est que les manifs pour l'égalité humaine (mariage gay, fémnistes...) dégagent à la fois de la révolte et de la gaité, de la joie, de l'espoir, de la solidarité. On y trouve de la bouffe (des animaux morts, pour le coup...), des couleurs, de la musique (trop bien, les tambours !), de l'humour sur les pancartes... On y trouve en fait des choses attractives pour les spectateurs. Des choses qui donnent envie de rejoindre le mouvement, pas des choses qui agressent, qui accusent, qui violentent les passants.
Alors que dans les manifs animalistes que j'ai faites (fermeture des abattoirs, anti-corrida, anti-fourrure... -Pour Novissen, le groupe L214 était plus "soft", étant donné que la manif n'était pas uniquement abolitionniste, mais très chouette quand même.-), c'est avant tout la souffrance, la tristesse, la colère et l'horreur qui se dégagent, par les images, les vidéos, les discours et les mises en scènes. Je pense que cette partie là du cortège est essentielle : C'est la réalité qui est révoltante, donc il faut bien la montrer au public, cette réalité. Mais je pense aussi qu'il manque généralement cette touche d'espoir, d'attractivité, de joie qui doit toucher le public et lui donner envie de nous rejoindre, ou au moins de nous comprendre. On ne se bat pas pour une cause perdue, on ne se bat pas dans le seul but de "montrer l'horreur", "partager l'horreur de la réalité", on ne se bat pas pour "punir ou tuer tous les méchants", on se bat pour que le monde change, en mieux, pour un monde plus heureux, et pour qu'il soit heureux pour tout le monde. Pour montrer que la solution existe, et qu'elle est ouverte à tous. Donc cette partie là doit ressortir aussi (et je le verrais plutôt en queue de cortège, pour réconforter), avec de la joie, de la musique et des couleurs.
Du moins, c'est comme ça que je le vois.