"se faire sauter" désigne un comportement passif et c'est les femmes qui sont attendues et considérées comme passives dans le coït. L'assignation d'un homme à la virilité détermine une position active de sa part dans l'échange sexuel. C'est pourquoi cette expression est employée de préférence pour les femmes.
L'expression est du domaine de la guerre, on parle aussi "d'assaut", de "défoncer", "pilonner", de "tirer son coup", du point de vu des hommes cette fois. C'est de l'hostilité que traduisent ces expressions, bien sûr ce n'est pas entendu toujours comme tel au premier degré. Beaucoup de nos expressions et de comportements sont tellement internés que nous ne percevons plus leur sens premier ou ce qu'ils impliquent….Seulement je pense que les mots sont importants et ne sont jamais neutres de signification. Il y a le pénétrant (l'homme, le dominant, l'acteur, le décideur) et la pénétrée (la femme, la soumise, l'objet). Se faire pénétrer c'est pour les femmes et les "insérer une insulte homophobe". ça veut dire que la position de pénétré-e ne dégage pas des effets positifs, à un moment donné, dans la bouche de certain-e-s mais de beaucoup à vrai dire (quand on voit comment la misogynie et l'homophobie suinte partout).
Pour moi, dire "je vais me faire sauter" devrait être possible, attention ce n'est pas ce que je dis. C'est juste que quand les expressions du domaine de la destruction sont majoritaires et sont la référence chez les jeunes découvrant la sexualité (coucou culture du porno) il y a des effets sur la sexualité des gens, et sur les moins jeunes et sur tous le monde. A titre personnel j'ai entendu plusieurs femmes se plaindre que leurs amants étaient biberonnés au porno, qu'ils faisaient le "marteau piqueur", y vont comme des "bourrins" (pardon aux chevaux)…
Quand on regarde les enquêtes autour de la sexualité féminine, les résultats indiquent une réalité différente pour le plaisir ressenti par les femmes et celui que prenne les hommes dans les rapports sexuels , il y a beaucoup d'autres facteurs que celui là. (Attention je parle d'un point de vu hétérocentré malheureusement). Mais je pense que cette vision de la relation sexuelle en tant que référence dominante est très loin de permettre l'expression de toute la diversité qui existe en matière de sexualité. Il y a une notion générale de destruction (symboliquement mais quand même, je trouve ça violent), détruire aussi car la sexualité est censée avilir les femmes, ceux et celles qui sont pénétré-es, c'est donc détruire leur dignité. Evidemment ce n'est pas assumé toujours de cette façon honnête sinon les femmes n'accepteraient pas d'être traitées ainsi.
Pour le comprendre il faut regarder d'un peu plus près, par exemple comment à l'école on voit que une jeune femme repérée active sexuellement est dégradée dans le regard des autres élèves, il y a du slut shaming dirigé contre elle. Ce qui signifit, accorder une valeur moindre à la jeune femme du fait de son activité sexuelle.
Ensuite, coucher le premier soir pour une femme obtient toujours des réactions. Il y a les pour et il y a les contre, alors qu'il ne devrait y avoir aucun débat mais puisque que la valeur d'une femme est déterminée également par son activité sexuelle alors cette question existe.
Les femmes qui se montrent désirantes peuvent être désignées pas des termes plutôt stigmatisant et du domaine de l'insulte, c'est "une chaudasse", une "chienne" (pardon aux chiennes, la convergence du sexisme et du spécisme est très intéressante), une "trainée", elle en veut.
Faut voir les mots, ils disent beaucoup de choses, alors même qu'on les use tellement qu'on ne voit ce qui se cache derrière..mais attention je ne dis pas qu'il y a des expressions à interdire ou quoi que ce soit. C'est juste que les références globales en matière de sexualité sont énormément du domaine de la destruction pour les hommes et de la dégradation pour les femmes et que ce n'est pas sans dire quelque chose des êtres humains et de leur rapports à la sexualité. Nous l'avons tellement interné que nous pouvons utiliser ces expressions sans y mettre une intention première dans le sens. mais le sens est bien là et il produit son effet. Et ce n'est pas sans aucun lien avec la difficulté que les femmes ont de vivre leur sexualité pour certaines (le rapport Hite évoqué dans cet article
http://www.psychologies.com/Couple/Sexualite/Plaisir/Livres/Le-Nouveau-Rapport-Hite )