Je suis d'accord sur le fait que les catégories "homosexuel" et "hétérosexuel" n'ont rien de naturelles et que je préférerais vivre dans un monde merveilleux ou l'on aurait plus besoin d'utiliser ces mots. Où le sexe ou le genre d'une personne serait juste un critère d'attirance comme un autre, important pour certain-e-s et pas pour d'autres.
Je suis d'accord aussi que le langage est important et qu'il a un impact sur la perception que l'on a de la réalité.
Pourtant je ne suis pas sûre que changer le vocabulaire efface complètement les catégories que les gens ont dans la tête. Surtout que tant qu'on continuera à apprendre aux enfants des contes à base de princesses et de princes ils continueront à considerer l'hétérosexualité comme la norme. La norme n'a pas de nom. C'est quand elle commence à être remise en question qu'on lui donne un nom, en même temps qu'on donne un nom à l'alternative à cette norme.
Il me semble qu'aux États Unis le mot "race" est utilisé pour décrire une réalité sociale sans rapport avec la biologie. Il est utilisé notamment pour faire des statistiques. Ça aide pour constater l'existence du racisme d'une manière un peu plus tangible que l'impression des personnes racisées. En France les autorités se refusent à faire des statistiques ethniques. Chez nous on ne voit pas les couleurs… en théorie. Parce que madame et monsieur tout le monde eux ils ne se gênent pas pour classer les individus dans des grands sacs avec plein de caractéristiques inévitablement déduites de leurs tronches (et parfois les gens ne se rendent pas compte de leur propres préjugés). Et quand ces gens là sont DRH ou flics ça pose des problèmes. En France il n'y a pas de race, on est tous une grande et belle famille et il n'y a pas de plafond de verre pour les gens qui ne sont pas caucasiens… en tout cas personne ne peut en prouver l'existence.
Ce dont j'ai peur c'est que ça soit pareil si on se prive du mot "homosexuel". Comment on fait pour se rendre compte si le taux de suicide chez les jeunes homosexuels augmente ou diminue si ceux-ci n'existent pas ?
yapuka":1ma3whth a dit:
Je me demande si les hétéro (comme c'est mon cas) sont hétéros parce qu'ils ont été élevés comme ça (un peu comme le carnisme en fait) et que ce schéma est intégré dans le mode de pensée.
Ça dépend des gens. Si on regarde la société dans son ensemble on remarque que l'hétérosexualité est beaucoup plus courante et ça, à mon sens, il est évident que c'est social. L'attirance hétérosexuelle étant présentée aux enfants comme normale la plupart d'entre eux ne vont pas se poser plus de questions que ça si ils la ressentent en grandissant. Je pense qu'on interprète pas de la même façon tous les petits détails qu'on remarque chez les autres, tous les petits ressentis qu'on peut avoir en fonction de la personne pour qui on les a. Quand on voit quelque chose qui nous plait chez une personne du même sexe on va avoir tendance à se dire que ça ne veut rien dire ou que c'est parce qu'on a de l'affection pour la personne, etc. La même chose pour une personne du sexe opposée on va l'interpréter comme voulant dire qu'on est attiré-e. Tous ça peut même se passer à un niveau ou l'on en a pas conscience. Mais bon, nous sommes nombreux sur cette terre et il est inévitable que les individus réagissent à cette norme de manières variées. Après tout on a tous plus ou moins la capacité à faire une distinction entre ce qu'on trouve beau ou pas chez tous les individus. Ça me paraît normal que chez certain-e-s l'attirance homosexuelle soit trop forte pour être repoussée dans un coin de leur cerveau. C'est un peut la proportion irreductible de la population qui va resister à la norme. Cette proportion irréductible, je pense qu'elle existe pour toute les normes. On repète à tous le monde pendant toute leur enfance qu'un truc est vrai et à la fin on se retrouve avec une majorité de la population qui croit effectivement que ce truc est vrai, mais pas tout le monde. Donc certaines personnes développent malgré tout des attirances homosexuelles qu'elles ne peuvent pas ignorer. Et certaines sont en plus incapables de ressentir de l'attirance pour les personnes du sexe opposé. Et la plupart de ces personnes font déjà tous les efforts qu'elles peuvent pour rentrer dans la norme et pour se convaincre que finalement, si, elles sont amoureuses de machin-e du sexe opposé, mais ça ne marche pas. À mon avis c'est de là que vient l'idée qu'il est impossible de choisir son orientation sexuelle. Les personnes qui restent après l'écrémage et qui se considèrent comme homosexuelle malgré la norme hétérosexuelle sont justement souvent celles qui n'avaient absolument pas le choix. Je pense que si la norme était inversée on obtiendrait le même résultat mais dans le sens contraire : genre 10% d'hétéros, quelques bisexuel-le-s et une majorité d'homos. Et, dans notre société actuellement, je pense que de nombreuses personnes pourraient potentiellement faire des choix qui puisse mener à terme à changer l'attirance qu'elles ressentent. Au moins le choix de se poser des questions. Mais ce choix existe beaucoup plus du côté des hétéros qui n'ont jamais trop eu à s'interroger par rapport à leur orientation sexuelle que du côté des homos qui ont souvent déjà essayé de rentrer dans la norme sans y parvenir.