Bonjour (et coucou aux gens que je connais)
J'espère que tout le monde va bien.
Je déterre un peu (un an, bon...) ce sujet pour revenir sur la base et les termes-même du débat :
- avant de vouloir déterminer ce que devrait être l'anti-spécisme "à terme", il faut je pense voir ce terme pour ce qu'il est aujourd'hui dans une société qui en est très loin comme dit plus haut, au même titre que beaucoup de sexistes renient le terme "féminisme" car pour ces personnes cela reviendrait à "une promotion des femmes", et (je pense souvent de manière volontairement caricaturale, en bon homme de paille) forme de matriarcat aussi inégalitaire que le patriarcat actuel.
Je pense qu'il faut penser ce terme aujourd'hui pour ce qu'il "fait" : promouvoir un horizon (inatteignable par définition) d'égalité de considération et de droit à vivre sans condition d'appartenance à une espèce, dans la limite de protection des membres de chaque espèce et des autres (d'où par exemple la stérilisation des chats pour notamment éviter des portées en souffrance, des ravages d'épidémies, et des hécatombes de leurs proies), et, surtout, en commençant (voire en s'arrêtant) aux relations et actes humains.
On se rapproche de l'éternel débat sur l'écologie, avec ou sans intervention humaine, pour maintenir, protéger, ou réaménager... Même ici c'est très complexe et intimement lié aux époques et conditions sociales. (notamment en temps de guerre, de raréfaction des ressources, de famine, etc...)
Et finalement le véganisme procède de cette même poursuite d'un horizon inatteignable (dans une société fondamentalement spéciste en tout cas), et qui ne nous empêche pourtant pas d'essayer chacun à son échelle et ses moyens, autant que faire ce peut.
On est à ce titre encore nombreux à dire que le véganisme (en tout cas sa forme politique revendicatrice) c'est la mise en application de l'antispécisme.
Et là les applications sont très concrètes, quotidiennes et ont un effet direct (en tout cas pour le fait d'arrêter de financer ce contre quoi on se bat, et afficher les alternatives, diffuser ces possibilités de choix pérennes...)
Et pour tout ça, je crois sincèrement qu'il n'y a même pas besoin de savoir "si les animaux sont d'accord ou pas", pas plus qu'il n'y aurait besoin de demander à un habitant d'une ethnie lointaine, au langage inconnu s'il est ok pour qu'on arrête d'élever, exploiter et tuer ses congénères. (sans besoin de le faire, ni "menace", quelle qu'elle soit)
- Je reviens aussi sur la phrase de départ "L'antispécisme impliquant une conscience de ne pas faire souffrir d'autres espèces que seul l'être humain possède", ou une variante, on en a déjà à peu près tous entendu ou lue, et parfois sur fond d'appel à la pureté de la part de carnistes pour ne pas avoir à devoir choisir. (le topic du prix carniste en est remplit depuis des années)
La base d'un tel débat est, je trouve, trop floue et surtout arbitraire :
- on ne sait pas si l'humain est réellement le seul animal capable de "morale" (qu'il faudrait en plus réellement définir, car par exemple dans un état de survie, la morale humaine est bien vacillante elle aussi)
- on peut observer qu'en dehors de la réponse aux besoins primaires (manger, se défendre) , rares sont les cas de figures de souffrances ou morts causées "pour le plaisir de", on a tous je pense déjà vu des fauves repus faire la sieste au milieu de ce qui pourtant leur sert de nourriture...
(même un chat qui joue avec une souris, je doute très fortement qu'il ai conscience des souffrances causées et qu'il prenne plaisir à cette souffrance ou au fait de la causer).
Et de nombreux travaux montrent de plus en plus la capacité d'empathie, y compris inter-espèces, des animaux non humains. Je pense qu'on peut raisonnablement penser que la morale est surtout une construction culturelle, et qu'en dehors de très probables expressions qui nous échappent encore, biaisés par nos yeux très anthropomorphisant, l'expression de cette morale est peut-être absente juste parce-qu'il n'y a pas de cadre qui permette de l'exprimer (en plus du fait qu'on doive arriver à la reconnaitre)
Plus globalement, quand je vois un débat posant ses prémices avec "l'humain est le seul qui", il y a de très grandes chances que ce soit une supposition, qui certes peut sembler "évidente" (l'humain est le seul animal qui ferait de "l'art", ou qui saurait "calculer", faire des "lois", etc), mais qui est ce qu'elle est : une supposition, pour le moment invérifiable dans le cas de cette "conscience morale". (dans la limite de nos capacités de dialogue avec les animaux, ou jusqu'à ce qu'on invente le moyen de lire et traduire les pensés)
(Pour l'art, les maths ou les lois, on sait déjà que l'humain n'est pas le seul doté)
De plus, on a tendance à (plus ou moins implicitement, je le vois souvent employé dans cette signification en tout cas) considérer la morale comme étant forcément liées à des actes "désintéressés", alors qu'il s'agit de tout l'inverse.
Au final, en ce qui me concerne, et c'est ce que dit en substance Xav, j'ai tendance à fortement me méfier, voire décortiquer tout ce qui tient, de près ou de loin, à une notion de "nature" (qu'elle soit réelle comme la différentiation -arbitraire et toujours changeante- des espèces, ou fantasmée comme la mentaphobie) centrée sur les animaux non humains, quand il s'agit de remettre en question ce qui est principalement une lutte politique (donc "culturelle") et qui se porte avant tout sur nous-mêmes, humains.
En fait quand un débat qui se présente comme de haute volée attaque avec "l'humain est", il y a de grandes chances pour que la conclusion puisse s'écrire comme "ce ne sont que des animaux, on ne leur doit rien".