... l’anthropologue Laura Agustin. Plusieurs de ses articles, publiés sur son blog The Naked Anthropologist, sont répertoriés dans le Scoop-it de Morgane Merteuil.
Agustin explique que les femmes trafiquées ont des avantages à l’être. Ainsi elle dit en parlant de celles enfermées dans des appartements pendant plusieurs mois pour y être prostituées :
"Ces circonstances où les femmes vivent dans des établissements du sexe et les quittent rarement avant d’être amenées ailleurs, sans qu’on le leur demande, reçoivent beaucoup d’attention dans les médias et il est pris pour acquis que cela comporte un déni complet de liberté. Mais dans de nombreux cas, les travailleuses migrantes préfèrent cet arrangement pour diverses raisons. En ne quittant pas la région, elles ne gaspillent pas d’argent et, si elles n’ont pas de permis de travail, elles se sentent plus en sécurité dans un environnement contrôlé. Si quelqu’un d’autre trouve les lieux de rencontre pour elles et prend leurs rendez-vous, cela signifie qu’elles n’ont pas à le faire elles-mêmes. Si elles sont venues au pays sur la base d’un visa touristique de trois mois, elles veulent consacrer autant de temps que possible à gagner de l’argent."
Un autre avantage des femmes trafiquées serait celui de se prostituer pour payer les dettes qu’elles doivent à leurs proxénètes… autrement dit d’avoir la chance inouïe de fournir ce qu’on appelle un « travail servile », et donc d’être en situation de servitude pour dettes ! Doit-on préciser que la servitude pour dettes – le fait de devoir rembourser une dette en travaillant directement plutôt qu’avec de l’argent ou des biens – est considérée comme de l’esclavage par la majorité des pays, ainsi que par les conventions internationales, et qu’elle est théoriquement abolie dans le monde entier ? Malgré ces considérations, Agustin relativise la violence du travail servile, considérant que le terme « servitude pour dettes » (debt bondage en anglais) est connoté trop négativement, et en arguant qu’après tout, beaucoup d’Américain·e·s sont eux-mêmes endetté·e·s – et que donc leur situation est comparable à celle des femmes trafiquées.
Elle omet par ailleurs de préciser que dans le cas précis de la servitude pour dettes, le travail accompli représente toujours une valeur supérieure à celle de l’emprunt initial. En France et dans les autres pays européens, la grande majorité des prostituées nigérianes sont soumises à ce type d’esclavage. Ces femmes sont emmenées en Europe, puis on leur dit qu’elles doivent payer leur voyage : le proxénète leur réclame une somme exorbitante, de l’ordre de 50 et 70 000 euros, bien supérieure au prix réel du voyage du Nigéria en Europe (qui coûte de 1000 à 3000 euros). Cette dette doit être payée en se prostituant, à savoir en subissant plusieurs rapports sexuels non désirés par jour. Des pressions énormes sont mises sur les femmes prostituées pour qu’elles remboursent, avec parfois menaces de mort à la clé.