Bon rebondir sur ce qui a déjà été dit, et c'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, comme vous pouvez vous en rendre compte et sur lequel j'ai beaucoup travaillé.
Le droit à la parole: je pense que tout le monde a droit à la parole.
Certes les femmes ont leur mot à dire, mais justement elles ne sont pas uniformément d'accord.
Les hommes aussi, car c'est de leur progéniture qu'il s'agit, on ne peut pas faire comme s'ils n'existaient pas, ce serait leur dénier toute place de père autre que pur procréateur. Les hommes peuvent s'investir dans une grossesse, dans un enfant.
Les médecins, tous ceux qui peuvent être amenés (comme bientôt les sage-femmes) à pratiquer une IVG, tous les soignants accompagnants. Je rappelle que les soignants ont le droit de refuser de pratiquer les IVG. Aller aspirer un foetus qui vient en petits morceaux, les bras avec les mains formées en miniature qui passent dans le tuyau, ce n'est pas anodin, il faut être sûr de soi, on est directement responsable de la mort de cet organisme pré-humain.
C'est normal de poser la question de la législation. L'IVG a longtemps été considérée comme un équivalent d'infanticide pour la femme et de meurtre pour le praticien, la législation a donc été modifiée, le serment d'Hippocrate aussi (avant on jurait expressément de ne pas commettre d'avortements).
Je ne pense pas avoir raison, détenir une vérité supérieure, j'ai fait un choix de prise de position: pour moi un foetus, tant qu'il n'est pas viable par lui-même en dehors du corps maternel est considéré comme appartenant au corps maternel, et la femme peut décider de le garder ou pas.
Se passe alors un phénomène psychique intéressant. La grossesse peut engendrer un enfant ou pas, sur le plan psychique: à partir du moment où la femme projette dans son corps l'idée d'un enfant, l'enfant psychique se créée, qui rejoindra au moment de l'accouchement l'enfant réel. Par contre une femme peut considérer une grossesse comme un évenèment indésirable, et le stade psychique ne dépasse pas le stade de la grossesse.
C'est la différence fondamentale entre "je suis enceinte" et j'attends un enfant".
Les cas les plus simples sont les 2 extrêmes que je viens de citer, j'attends un enfant psychique, j'accouche et je deviens mère. Ou je suis enceinte (merde alors), et j'interromps ma grossesse.
Là où ça se complique c'est quand on passe dans le je suis enceinte, j'attends un enfant que je ne peux pas garder => là il faut de l'accompagnement psychologique, ça peut laisser des séquelles sinon.
Là je ne parle que du cas IVG, évidemment il y aurait beaucoup à dire sur le mécanisme du devenir mère qui peut avoir des ratés, mais c'est un autre sujet.
J'ai eu le cas d'une jeune femme, arrivée en pleurs pour demander une IVG.
-Elle avait été traitée pour un cancer ORL par chirurgie-radio-chimiothérapie
-Arrêt de la chimio depuis 6 mois
-pas de contraception puisque les oncologues ne pensent jamais que leurs patients puissent avoir une vie sexuelle, et qu'elle risquait la stérilité avec le traitement qu'elle avait eu (risquait seulement hein)
-Peut être une rédicive du cancer à confirmer dans 3 mois par de nouveaux examens
-Paf enceinte!
Donc situation dramatique, dans 4 mois elle ne sait pas si elle se re-tape une chimio, un traitement pas franchement compatible avec une grossesse. Évidemment on lui a dit qu'il ne fallait pas le garder, et qu'il fallait se dépêcher vu que la limite c'est 12 SA, patati patata.
On a passé 2 heures toutes les 3, car elle était venue avec une amie pour la soutenir, et je lui ai expliqué que une dans IVG il y avait volontaire. Que si elle ne décidait pas d'une IVG, parce qu'au fond d'elle même elle désirait cet enfant, elle en avait le droit. Que la date limite de 14 et non de 12 SA c'était pour l'IVG. A contrario, s'il advenait que la récidive soit là, qu'il faille un traitement, qu'on ne puisse l'adapter à l'enfant, il serait toujours possible d'une IMG, quel que soit le terme de la grossesse, et que parfois on pouvait tenter une extraction foetale .
Elle est revenue, elle ne pleurait plus, elle était souriante, elle avait pris sa décision toute seule: oui elle allait faire une IVG car elle ne pouvait envisager un enfant alors que sa vie à elle est encore très vacillante. Mais elle était sereine.
Là je pense qu'elle avait expliqué à son enfant psychique qu'elle ne pouvait pas l'accueillir. Ça peut aussi marcher comme ça. Ou peut-être que je me trompe et qu'elle n'avait pas encore passé le cap de la grossesse. En tout cas reprendre le contrôle de sa vie pour une femme autant soumise au corps médical, c'était important.