(Allez, je suis arrivé avant hier, j'ai déjà passé des heures à fouiller sur ce forum et ses liens, bon, donc, hop, je participe. Attention, blablas... J'ai de lourdes tendances aux blablas... Tant pis.)
Je réponds oui et non.
- Oui, parce que c'est la seule chose dont j'arrive à être fier dans ma vie, et parce que la quasi-totalité de mes proches, amis et connaissance est omnivores. En fait, dans ma vie, j'ai dû croiser (c'est à dire, connaître, en vrai, et leur parler)... 5 végétariens (dont je sais qu'ils sont végétariens). Donc comparativement aux gens que je connais, je suis relativement fier de réussir à rester végétarien. (Et d'ailleurs, je connais des non-végétariens qui sont mêmes admiratifs.). Et puisque c'est à peu près la seule chose de ma vie dont j'arrive à être fier, autant ne pas m'en priver.
- Et oui, parce que j'ai pris cette décision dès que j'ai pu me nourrir par moi-même (Donc dès que l'argument "arrête de faire des caprices" ne pouvait plus s'appliquer, et dès que je n'ai plus pu être un "mauvais exemple" pour mes petits frère et soeur. Dès ma majorité, donc.). Oui, parce que j'ai toujours voulu l'être, que personne n'a eu besoin de me convaincre ou argumenter, et parce que ça me définit.
- Mais non, parce que, d'un autre point de vue, se passer de viande, c'est finalement tout simple. Et aujourd'hui, je n'ai plus aucun effort à faire. (Au début, j'ai quand même dû abandonner des produits carnés dont j'aimais le goût. Et il a fallu aller contre ma peur des carences.)
- Non, parce qu'au début, ça n'a pas été simple, je n'aimais pas me distinguer, me faire remarquer, "en faire trop", "faire des chichis", et donc il m'a fallu un certain temps pour appliquer ça de manière rigoureuse et systématique. Trop de temps.
- Non, parce que je sais que tous nos actes ont des conséquences directes ou indirectes, sur la vie humaine, sur la vie animale, sur la terre, sur tout, et que par ma simple existence, je tue forcément. Moins, mais quand même. D'autant plus que je n'ai pas la possibilité de mesurer clairement l'impact qu'a eu mon choix. Combien de vies je n'ai pas tuées. Ou pas.
- Non, parce que plus je lis ce forum, et plus j'angoisse sur tout, d'autant plus que je suis seulement végétarien, et non pas végétalien (même si je n'ai que du lait de soja chez moi, que je fais attention à ma consommation de fromage et d'oeufs, même si "faire attention", ça ne veut pas dire grand chose... Mais je ne me sens pas encore capable de suivre un régime végétalien strict de manière saine, à moins de passer ma vie aux fourneaux.), et donc que je culpabilise encore, et que je ne suis même pas capable de défendre efficacement le végétalisme dans un débat avec des omnivores, et que je suis sûr que même végétalien, je trouverais encore le moyen de culpabiliser.(Tiens, j'ai une voiture par exemple... Et j'ai besoin de l'utiliser pour aller au boulot. A moins de décider de perdre une à deux heures de plus par jours en transport en commum... Ou à moins de changer de boulot...)
- Non, parce que je ne suis pas un fervent défenseur des animaux. J'aime les animaux, j'aime leur présence, et je les préfère en liberté (donc loin de moi), indépendants de l'homme (et je préfèrerais la terre sans hommes), mais je ne m'engage concrètement dans aucun combat pour le droit des animaux, peut-être par fainéantise et lâcheté, mais aussi parce que j'y vois une cause perdue, et je sens que la défense "dynamique" de certaines causes peut parfois en desservir l'image et donc plus la desservir que l'aider. Et je ne suis pas "anti-spéciste" au sens où je vois une différence intellectuelle entre l'homme et l'animal (et même entre animaux), je sais qu'ils n'ont pas la même capacité d'appréhension du monde, et je pense que ni les besoins ni les ressentis ne sont les mêmes, qu'un animal domestique peut être heureux de sa non-liberté (même si un animal domestique est généralement le produit de croisements et sélections par l'homme, donc, au fond, une aberration devenue dépendante de lui), que les liens "familiaux" des animaux ne sont pas nécessairement les mêmes, aussi intenses ou durables que chez les humains, que les souffrances psychologiques sont probablement d'un autre ordre (et variables selon les espèces)... Bref, qu'il existe bien une distinction possible entre espèces... Je sais juste qu'ils sont vivants, qu'ils ont un système nerveux, des sens, et qu'il y a de grandes chances qu'ils aient cette chose, cette entité indivisible, constante et indéfinissable (ni par la logique, ni par la science, ni par le mystique, ni par rien), que j'appelle "ma conscience", dont je ne peux pas démontrer l'existence (et certainement pas non plus chez les autres humains), et qui n'existe "probablement pas" chez les espèces animales les moins "évoluées" (même s'il m'est impossible de savoir où elle apparaît, ni même si on peut la quantifier de cette manière). Je vois en l'animal la possibilité de cette "conscience", ce qui en fait une vie aussi respectable que la mienne.
- Et non, parce que je n'arrive pas à juger les carnivores de manière aussi catégorique que ce que j'ai l'habitude de lire. D'abord, parce qu'il serait bien difficile pour moi de continuer à avoir des relations agréables avec des gens... Et parce que je peux comprendre que profiter de la vie nécessite de garder une certaine dose d'égoïsme et d'hypocrisie, de mauvaise foi, que la mort est une chose omniprésente sur la planète, que le bien et le mal sont malgré tout très subjectifs, et que faire l'impasse sur "quelques" morts, c'est aussi se simplifier la vie, et ça aide sans doute à l'apprécier...
- Non, parce que je ne suis pas le meilleur exemple de végétarien, celui qui donnerait envie de faire pareil à un omnivore, parce que j'aurais une carrure d'athlète, je serais épanoui, bon vivant, aimant la bonne chère (sans chair), et que ça m'aurait rendu la vie plus belle.
Donc non, parce que ma honte/culpabilité, et mon incertitude en toute chose noient largement ma fierté.
Ceci dit, la question est intéressante, puisque j'ai vraiment l'impression que dans un échange végé/omnivore (voire végétalien/végétarien, à moindre échelle), il se joue souvent un énorme rapport de force entre culpabilité/honte <=> fierté/mépris, qui aura tendance à bloquer le débat.
Rapport qui me semble tout à fait logique, puisqu'on parle d'éthique. Et rapport qui peut s'inverser au cours de la discussion, d'ailleurs, par mécanisme de défense (colère...). A noter, pour illustrer, que le simple fait pour un omnivore d'être mis en présence d'un végétarien (silencieux et passif) semble être pris pour une agression par certains...