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vegEver":1engdwnn a dit:
Je crois qu'au final ils étaient assez compréhensifs, voire empathiques à mes idées, mais bon toujours ces sempiternels "la viande c'est trop bon, je pourrai jamais m'en passer", "huum tu sais pas ce que tu rates", "pas de noel sans foie gras", ... qui me ramènent à l'amère réalité : un gouffre infini nous sépare mentalement xD
Cette année, j'avais pris des petits pots de Faux-Gras à offrir à toute ma famille proche. En soi, ça n'a rien de détonnant, les terrines Bjorg ont le même intérêt éthique et gustatif, et mes parents savent bien depuis des années qu'elles existent puisqu'ils en achètent pour moi... Mais l'intérêt du Faux-Gras, c'est que le rappel de la torture du gavage est visible directement sur l'illustration de la boîte. Et donc quand j'ai commencé par ouvrir un petit pot pour faire goûter, ça a fait réfléchir, ça a provoqué des réactions, et mon père a déclaré de lui-même qu'il était contre le foie-gras, en rappelant qu'il y avait pas mal de monde qui en souhaitait l'interdiction. (Je suis de plus en plus touché par les positions que prend mon père ces derniers temps... Je n'ai besoin de rien lui dire, il se renseigne de lui-même, il nous cuisine végétalien quand je viens, il ne mange presque plus de viande, il s'insurge contre les lobbies du lait, il m'appuie en tout... Lui que j'aurais cru, il y a encore un an, le plus carnassier de toute ma famille, le plus dénué d'empathie envers les animaux, le dernier à pouvoir comprendre le végétarisme.)
Mon petit frère, un "gamin" (adulte mais gamin quand même) très sensible, très câlin avec les animaux, qui a un grand besoin de soutien, de s'intégrer avec ses copains, de montrer qu'il est "un mec" qui mange de la viande, qui mange son macdo tous les vendredis, a fait son rebelle. Il a expliqué qu'il voulait son foie gras à Noël, et qu'il se foutait de la souffrance des oies (qui sont des canards, mais bon...) en rigolant. Pour montrer qu'il n'était pas sensible, donc. Comme je savais parfaitement que c'était faux, ça ne m'a pas énervé. Je lui ai juste dit qu'on regarderait ensemble des vidéos de gavage pour qu'il voie ce que c'est. Il m'a répondu qu'il n'en avait rien à foutre et que ça le ferait rigoler, qu'il n'avait pas envie de regarder. Je lui ai dit qu'on regarderait quand même : Si ça le faisait vraiment rigoler, il pourrait continuer à en manger sans problème.
On était chez mon grand-père à ce moment-là. J'ai donc simplement attendu qu'on rentre chez mes parents, qu'on ait accès au PC, et on a regardé ensemble des vidéos de L214 sur le gavage. Celles qui montrent le sexage, qui montrent que les canards passent leur dernier mois de vie en cage, qui montrent qu'ils n'aiment pas être gavés, qu'ils sont remplis à ras bord, qu'ils halètent et vomissent presque après gavage, et qu'un nombre conséquent meurt de ce traitement avant l'abattage. Je commentais, de manière neutre, par quelques petites phrases, pour qu'il comprenne la situation. ("Ils ne sortent jamais des cages, hein.", "Le taille du foie est multipliée par dix.", "Là, ils halètent, ils reprennent leur souffle.", "Ceux-là sont morts d'être trop gavés"., etc.). Je commentais quasiment avec indifférence, de manière factuelle. Ca avait l'air de le faire chier, il voulait arrêter, mais il ne montrait aucune réaction (ni émotive, ni de rire), et j'ai insisté pour lui montrer tout ce que j'avais à lui montrer. (Ni plus ni moins. En sautant les trucs inutiles. Je ne lui ai pas montré l'abattage, pas besoin.) Ma mère passait pour me demander d'arrêter parce que ça allait lui filer des cauchemars (Je soupçonne ma mère d'être encore de pleins pieds dans le déni, le carnisme, la végéphobie, d'avoir peur de voir tout le monde devenir végés, et de faire plus ou moins consciemment de la rétention d'informations entre moi et les autres.). J'ai insisté pour lui montrer juste ce que j'avais à lui montrer, que ça ne serait pas long.
Donc au bout d'un moment, j'ai laissé filer mon frère, parti fumer sa clope, comme si ça ne lui avait rien fait.
Une demie heure après ça, il est revenu pour en discuter... il m'a dit qu'il n'en mangeait pas souvent... je lui ai expliqué, sans me fâcher (parce que sa réflexion est banale, "normale" et innocente) que personne n'en mange souvent, tout le monde n'en mange qu'à Noël, mais ça suffit pour faire des millions de victimes, et qu'un foie gras, c'est égal à un canard tué (ou un demi, ou un quart, ou un dixième, je ne sais pas, mais je ne me suis pas étalé sur le calcul, ça n'avait pas beaucoup d'importance, et il n'a pas attendu que je le fasse de toute façon). Il a ajouté que ça ne changerait rien à tout ça que lui ne mange pas de foie gras... Je lui ai expliqué tout aussi calmement et simplement le principe de l'offre et de la demande, que s'il n'achetait pas de foie gras cette année, alors les producteurs en produiraient moins l'an prochain, et donc ils tortureraient moins de canards... Et voilà, j'ai donc juste montré le lien de cause à effet consommateur->producteur. Et je suis à peu près certain qu'il n'en mangera plus jamais.
Pour clore le tout, j'ai offert à presque toute ma famille un petit pot de Faux-Gras en plus des autres cadeaux de Noël (sauf à ma mère qui est trop dans le rapport de conflit/réflexe de défense)...
Bref, voilà mon expérience. J'ai été relativement "prosélyte" cette année, mais j'ai l'impression qu'en grande majorité, ça a porté ses fruits et c'est vraiment bien passé. Je me suis aussi retenu une grande partie du temps de "trop" intervenir, même si j'avais des choses à dire, même si j'y pensais constamment. Je crois aussi que j'ai pris certains risques (Par exemple, j'ai montré l'article sur le carnisme de Mélanie Joy à mon frère -l'autre-. Il a eu quelques réflexions défensives que je craignais : "Un peu caricatural. Moi, je ne suis pas carniste, je pense au cochon quand je le mange.", etc. Mais c'est pas grave, je pense qu'il va quand même y cogiter. Moi aussi, j'ai eu quelques réactions du même genre en lisant la première fois. Mais donc je lui ai passé pendant quelques minutes un exemplaire des Cahiers Antispécistes. Le risque, c'est que dans sa tête, ça résonne "Antispéciste ? C'est quoi, cette secte ? Je suis pas une fourmi ! Ils veulent donner le droit de votes aux animaux ? Ils sont fous !". L'espoir, c'est que, par peur pour moi, il prenne le temps d'y réfléchir et de se renseigner par internet ensuite, et de voir qu'il s'agit d'une vraie réflexion cohérente.).
Et donc, là où je veux en venir, c'est qu'il ne faut pas s'arrêter sur ce qui est dit. Les carnistes expriment des idées toutes faites, préformatées, inculquées par la société carniste. La vérité, c'est qu'ils n'ont pas conscience ni des conséquences réelles de leurs actes, ni de qui ils sont réellement. Et que cette conscience, on ne peut malheureusement pas la leur balancer à la figure de manière brutale en une seule fois de but en blanc. Ou du moins, on ne peut pas espérer qu'ils l'intègrent immédiatement. Il faut leur laisser faire leur travail intellectuel eux-mêmes. Mais il ne faut pas pour autant prendre ce qu'ils disent, ce dont ils prétendent être convaincus, pour argent comptant. La vérité, c'est qu'ils se soucient tous des autres individus sensibles, ils sont tous capables de comprendre la nécessité du végétarisme, et ils sont tous capables de le choisir pour eux-mêmes. C'est simplement le chemin pour aller jusqu'à cette conclusion et ce choix qui est très difficile à tracer, et qu'on est obligés de les laisser faire en majorité par eux-mêmes.