Bon, j'y vais de la mienne.
Tout à l'heure j'avais invité des amis du lycée omnis (pas très proches les amis, on se voit genre tous les cinq mois) à un restau vegan sur Paris (parce que la dernière fois qu'ils m'avaient invité au restau, c'était dans l'antre du carnisme, le genre d'endroit où aucun plat n'existe sans viande, foie gras - de bonne qualité attention -, oeuf et fromage.... Le restau de viandard, quoi. Une expérience pour le moins agréable comme vous pouvez vous en douter, et que je n'ai aucune envie de répéter de si tôt. Bref, j'avais insisté pour choisir l'endroit la fois suivante)
Et bien sûr, dès l'assiette arrivée :
Amie : "Ah, c'est vraiment très très bon !"
Moi : "Je te l'avais bien dit !
"
Amie : "Mais quand même, je ne sais pas comment tu fais, toutes ces privations, c'est vraiment compliqué, et puis moi j'aime la bonne nourriture. J'aime bien manger."
Parce que évidemment, les végétaliens, ça aime pas manger. Tout le monde sait ça. D'ailleurs la plupart du temps je réussis à survivre par la photosynthèse, pour un minimum de souffrance animale
et végétale.
Enfin, je ne vais pas m'étaler trop sur le sujet, mais c'était parti pour l'éternelle rengaine dont je me serais bien passée.
J'ai eu droit à la plupart des grands classiques :
- Les carences
(moi, citant différentes études et recommandations, la position officielle de l'Association de diététique américaine, etc.
Réponse "ah, mais moi je suis scientifique (elle est étudiante en physique), je sais bien que pour une étude qui dit quelque chose, il y en a toujours une autre qui dit son contraire. Toi, tu ne prends en compte que ce qui t'arrange. La vérité, c'est que personne n'a de certitudes, il n'y a pas de vrai ni de faux dans ce domaine. Et puis, c'est irréfutable que le lait, c'est bon contre l'ostéoporose. "
Toutes mes explications sur le sujet, y compris de mythe du calcium laitier efficace contre l'ostéoporose, seront balayées d'un revers de main, malgré le fait que je sois étudiante en médecine, et donc un minimum informée sur ces questions. "Les données officielles disent le contraire. Toi tu ne te bases que sur les études qui servent ton point de vue, mais les recommandations officielles disent le contraire." Ah, les données officielles. Le PNNS n'en a pas fini de faire des ravages..."
- Mais de toute façon, si tu prends la voiture, alors ça ne sert à rien de s'occuper de ça.
- Il y a des choses plus urgentes dans la vie. Par exemple, les gens qui meurent de faim dans la rue, les SDF, tout ça. ("mais toi, tu fais quoi pour ces gens là ?" "ben rien, mais j'ai pas le choix." Ah.)
- Si tu prends la voiture, alors tu participes à la pollution atmosphérique qui cause autant de souffrances voire plus à des
humains. Parce que humains = bien.
- Tu te soucies plus des animaux que des gens. (p*tain, mais je vais littéralement dédier ma vie à les soigner, les gens, tu peux en dire autant ?)
- Mais les végétaux ils souffrent aussi. (Moi : "tiens, sur le Net, on dirait que tu as gagné un point carotte là" Elle à mon autre ami : "t'as vu, ils se moquent de nous entre eux" (les vilains sectaires))
- Il ne faut pas reprocher aux gens de manger de la viande, parce que c'est leur point de vue, et tout le monde doit respecter les choix personnels, c'est la liberté de chacun.
(Dans ces moments j'ai tendance à imaginer une bande de viandards ventrus couverts de peintures de guerres et portant le kilt, gueulant
FREEDOM ! vers le ciel tout en brandissant leur jambon ou leur gigot tel une hallebarde vers l'ennemi.)
Bref, sympa. Avec moi, seule pour défendre le végéta*isme face à deux carnistes convaincus qui ne cessaient de m'interrompre toutes les deux secondes.
Eux : "non, mais depuis tout à l'heure, on essaie de t'expliquer (que je déteste ce terme dans la bouche de gens non informés qui veulent t'apprendre des choses) que arrêter de manger des animaux, c'est pas réaliste, les choses ne changeront jamais, et puis ça ne changerait rien à la souffrance animale (gné ?). Ce qu'il faut faire, c'est faire en sorte de diminuer la consommation de viande parce qu'il y a surconsommation et que c'est mal, et revenir à des élevages familiaux."
Moi : "Euh... C'est moi qui ne suis pas réaliste ? Et puis, si vous voulez vous battre contre la surconsommation de viande, pourquoi de pas commencer vous même ?"
*criquets in the distance*
Eux : "non, mais on veut t'expliquer (sous-entendu : comment le monde fonctionne. Avec un ton dégoulinant de condescendance), et tu n'écoute pas. C'est comme les guerres, il y en aura toujours des guerres, et puis ça apporte pleins de progrès les guerres..."
Au cours de la discussion, je finis par réussir à revenir sur ce qui me semble le plus important, les animaux eux même, et je mentionne en passant que des êtres sensibles et conscients n'ont aucun intérêt à mourir pour devenir un steak.
Eux : Les lions et les gazelles, le cycle de la vie, l'homme est omnivore et fait pour manger de la viande, toussa.
:ccla:
J'en viens à dire que a) "le cycle de la vie" ça ne veut rien dire. b) l'élevage industriel et les barquettes de viande au supermarché, c'est pas tout à fait la même situation qu'un carnivore chassant parce qu'il n'a pas le choix. c) on est le seul primate à vouloir bouffer de la barbaque deux fois par jour.
Amie : "Euh, d'accord, l'élevage ce n'est pas naturel, mais c'est quand même le cycle de la vie, un
cycle de la vie contrôlé."
Moi : "..."
Cycle de la vie contrôlé. C'est beau.
Amie : "de toute façon, je ne vais pas arrêter de manger de la viande, et je n'ai aucune honte d'en manger tout en pensant au petit cochon qui a été tué, parce que j'aime ça et c'est mon choix. Je ne dis pas que tu n'as pas raison, mais reconnais que moi non plus je n'ai pas tort. Respecte ma position." (les autres aquièscent doctement devant l'autel invisible de la Sainte Modération)
Moi :
(pas littéralement, je vous rassure...)
Bref, un dialogue de sourd où je suis celle qui n'écoute pas, et impossible de parler plus d'une minute sans être interrompue. J'avoue qu'à ce moment là, j'avais du mal à rester calme (déjà que je n'ai pas beaucoup de patience en temps normal...)
Et après coup, je me reproche tout et n'importe quoi, même si je sais que c'est stupide : "est-ce que effectivement je n'ai pas fait preuve d'assez d'écoute ? Est-ce que j'aurais dû insister davantage sur certains points ? Peut-être n'ai-je pas été assez diplomate ? Est-ce que j'aurais pu changer quelque chose à ma façon de m'exprimer ?
Je ne suis pas très douée à l'oral et je le sais (j'ai un problème d'articulation et un très léger bégaiement qui a tendance à devenir plus important lorsque je stresse, choses que même l'orthophonie n'a pas vraiment aidé à corriger), mais je fais de mon mieux... En face, mon "amie" en question est bien plus forte que moi pour donner l'apparence de la raison et du bon sens même aux pires idioties.
Je ne sais pas comment elle s'y prend, c'est une attitude, une posture, une façon de parler. Je l'avais déjà constaté sur d'autres sujets - entre autres, à l'époque où elle avait tenté de me convaincre, moi, végétarienne à l'époque, que les végétariens mangeaient du poisson et que donc je n'étais pas végétarienne. Ah, et aussi la fois où elle m'avait soutenu mordicus que les bébés ne sentaient pas la douleur. C'est quelque chose de vraiment impressionnant. Le contenu peut être très stupide, mais la forme fait qu'elle "gagne" tous les débats.
Avais-je une chance de faire passer un message, une chance que j'ai loupée ?
Au final, j'avoue que je n'ai pas vraiment envie de les revoir, ces "amis".
Je crois que je me transforme en vilaine extrémiste sectaire.