J'étais invitée ce soir chez une voisine plutôt gentille, qui, connaissant bien la Grèce, m'a donné plein de conseils pour mon voyage de cet été.
A mon arrivée chez elle, elle se plante devant moi et m'explique que je vais devoir "m'oublier" (sous-entendu, ingérer de la viande) si je souhaite vraiment découvrir le pays et ses habitants. Et de mentionner son mari qui a dû, pour s'intégrer, manger une vieille chèvre sacrifiée en son honneur par les gendarmes du village.
Plus tard, au cours du repas, sans que j'aborde la question de mon alimentation, elle s'est mise à m'expliquer, sans cacher sa colère, qu'elle n'était
pas d'accord avec le fait que je sois végétarienne.
Vous avez bien lu : elle ne me reprochait pas mon militantisme, mais me donnait son avis sur
le contenu quotidien de mon assiette. Je précise que la dernière fois que je lui ai parlé, c'était il y a au moins dix ans...
Moi, je ne voyais pas comment répondre sans paraître agressive, alors je lui ai dit que je n'étais pas là pour faire le procès du végétarisme, mais que si ça l'intéressait vraiment, je pourrais lui donner mes raisons. Elle m'a lancé un "non" sec et catégorique.
Un invité est intervenu en lui disant que ce que je mangeais me regardait bien. Soulagement.
Alors, elle s'est mise à m'expliquer : "Il faut du sang. Dans les plantes, il n'y a pas de sang.".
Je lui ai répondu timidement (il faut dire que je perds un peu de ma superbe à l'oral, devant une assemblée d'inconnu-e-s, et en position d'invitée redevable) qu'il n'y avait aucun nutriment présent dans l'alimentation animale qui soit absent de l'alimentation végétale, mais elle n'a pas eu l'air convaincue.
Et là, l'invité qui m'avait soutenue et avait demandé plusieurs fois à ce que l'on me laisse tranquille a appuyé mon hôte en soulignant poliment que, quand même, les carences ! Et l'assemblée entière a pris sa suite et s'est mise à dresser une liste collaborative de maladies véganes, à base de faiblesse, d'infertilité et même de mort, mon hôte connaissant un crudivore-puis-respirationniste ayant succombé à son non-régime alimentaire.
D'autres ont proposé leurs théories farfelues (
"les vieux peuvent être végétariens, mais pas les jeunes : les jeunes ont besoin de force").
Une autre voisine, la plus pacifique, qui m'a quand même offert le livre
Vegan de Marie Laforêt s'est mise à répéter, pensant bien faire : "Moi, je les tolère. Moi, je les tolère".
Au coeur de cette cacophonie, j'ai bredouillé quelque chose au sujet des études scientifiques (mais avec des études, on peut dire tout et n'importe quoi, petite fille) ou des intérêts de l'industrie alimentaire (mais non, ce n'est pas une question d'argent, ce sont de vrais MÉDECINS qui parlent de carences). J'avais tellement de choses à répondre à ces gens, mais je savais qu'à l'oral, sans liens, sans sources, face à cinq omnivores agressifs, je n'avais pas la moindre chance de me
défendre (et non pas
de les convaincre).
A la fin, on insistait pour que je boive de l'alcool. Par malheur, j'utilise, à défaut d'autre chose, l'expression spéciste "ça serait donner de la confiture aux cochons".
Intervention outrée de mon hôte, qui m'explique que les cochons sont très gentils et très intelligents et que ce que je dis est stupide.
Je passe évidemment sur plein de détails, mon post serait trop long.
Quand je repense à mon ami qui m'accusait d'être paranoïaque à l'approche du repas de noël de mon école, ou qui était persuadé que tous les intervenants de ce topic étaient des menteurs, je suis écoeurée.
J'ai l'impression d'être une grosse nulle incapable de me défendre.
Quel monde de dingues.