Ben ou, il est pas concerné donc bon.
Alors ça, si ce n'est pas le problème n°1 quand on discute avec des dominant-e-s... Même des qui, a priori, montrent plus d'ouverture d'esprit que les autres.
L'autre jour mon copain et moi parlions de l'affaire de ce scientifique paru à la TV, pour un événement mondial, avec une chemise d'un goût exquis, figurant des femmes légèrement vêtues. J'ai dit que je trouvais cela inapproprié, que le monsieur était sans doute un gentil qui ne se rend pas compte de son sexisme, mais que ça n'excusait pas ses actes ; qu'en tant que femme j'aurais été gênée et blessée par cette représentation de mon genre, j'aurais senti que ma place dans l'élite scientifique n'était que superficielle, qu'au fond des choses on me ramènerait toujours à un objet sexuel.* Et lui a parfaitement joué l'avocat du diable. "Oui, mais il voulait juste porter une chemise "décalée". Oui, mais c'est l'esprit "geek", et il me semble que les filles geeks auraient plutôt tendance à savoir apprécier cet humour." J'ai d'abord tenté de garder mon calme et lui ai demandé d'où il tenait de telles représentations (pour vous donner le cadre, mon namoureux ne sort jamais de chez lui, et lit l'actualité générale, scientifique et technologique sur Internet mais méprise Tumblr et les réseaux sociaux en général ; je ne l'ai jamais entendu parler d'aucun blog qu'il suivait, et encore moins de blogs de geekettes). Je lui ai demandé s'il avait jamais lu quoi que ce soit d'écrit par des femmes dans le domaine sciences-techno qui décrive leur ressenti. Il l'a mal pris, évidemment. Alors je lui ai dit que son opinion ne m'intéressait pas et que s'il allait parler "out of his ass", il pouvait la fermer. Il ne m'a plus parlé pendant 2 jours. De là, j'ai deux observations à faire :
1) les hommes cishets (blancs, valides, etc) sont tellement habitués à ce que leur opinion soit prise au sérieux et valorisée par défaut qu'au moment même où on leur fait entendre que peut-être, de temps en temps, c'est leur tour d'écouter et de se taire, ils en font une crise existentielle ;
2) Pour les hommes cishets, les questions de féminisme et de genre en général, ça relève trop souvent du débat abstrait, philosophique. Et naturellement ils ont toujours besoin d'avoir le dernier mot. Pas moyen de leur faire comprendre que derrière les mots il y a des vies humaines et de la souffrance, à commencer, bien souvent, par la sienne propre.
*Là où c'est doublement délicat c'est que mon copain n'accepte pas mon identité non-binaire, donc je lui parle en tant que femme. Ce qui n'est pas tout à fait un mensonge, car je tends à ma caler sur un schéma genderfluid.