Allez, j'y vais de mon témoignage et de mes réflexions, tout ça en vrac.
Je suis mariée depuis bientôt 10 ans, et mon mari et moi ne voulions pas d'enfants. Je n'aimais pas les enfants, pour tout dire, j'étais du style à aimer être tranquille avec un chat qui ronronne sur les genoux plutôt qu'au milieu de gnomes hurlants. Bref. Et de toute façon, on s'était dit depuis longtemps que si un jour on changeait d'avis, on passerait par l'adoption, pour plein de raisons.
Il y a 5 ans et demi, je me suis retrouvée enceinte sans le vouloir. J'étais entre 2 contraceptions (je ne supportais plus de prendre la pilule, libido à zéro, et je ne savais pas vers quoi me tourner : j'avais testé le stérilet au cuivre auparavant, mais au bout de 3 ans j'en étais rendue à 10 jours de règles par mois alors ça me tentait moyen, et les autres contraceptifs ne me tentaient pas plus), un rapport non protégé en 18 ans et blam, enceinte. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite, déjà parce que j'ai eu mes règles quand même le premier mois (ça arrive), et que j'étais dans une période pas très rose, je venais de perdre mon grand-père, je faisais beaucoup de déplacements professionnels, si bien que les nausées et la fatigue, je les attribuais au chagrin et aux déplacements.
Bref, un matin, en sortant de la douche de l'hôtel, je me regarde dans le miroir en pied (j'en ai pas chez moi) et là, je ne vois que mes seins qui avaient doublé de volume. Je percute immédiatement que je suis enceinte.
Catastrophe. Je termine mon truc pro dans un état second, je rentre chez moi, je m'achète un test de grossesse qui vire tellement vite au positif que je commence à me douter que ça ne date pas juste de 15 jours.
J'annonce la mauvaise nouvelle à mon mari, qui blêmit (il adorait autant les enfants que moi) mais qui me dit quand même que lui veut bien le garder si je veux, mais c'est moi qui décide.
Mais moi je sais bien que je ne veux pas le garder, pas envie de foutre ma vie en l'air.
Bref. Le lendemain, j'appelle mon médecin. Qui m'envoie sur les roses en me disant que lui ne s'occupe pas de ça, j'ai qu'à appeler le planning familial, et il me raccroche au nez.
Je vais vous dire, j'avais 34 ans à l'époque. Eh bien je me suis sentie bien démunie pourtant, et je n'ose même pas imaginer comment je me serais sentie si j'en avais eu 20 ou 15.
Bref, planning familial, on me dit qu'il faut d'abord que mon médecin me prescrive une prise de sang. Haha. Je rappelle donc Dr Ducon, qui accepte du bout de lèvres et me dit de passer prendre l'ordonnance à son cabinet. J'y vais, je trouve une demi-feuille griffonnée dans la salle d'attente, je repars. Prise de sang. Le lendemain, résultats : je suis bel et bien enceinte et je suis au sommet question taux hormonal. Ça ne date décidément pas de 15 jours. Je rappelle le planning, rendez-vous. La psy très bien, la gynéco très bien aussi, elle me fait une échographie (sans rien me montrer) et là s'exclame : ah, mais vous êtes enceinte de 7 semaines, en fait, là. Et elle embraye sur le fait que du coup c'est tard pour les médocs, qu'il va falloir faire une aspiration. Je passe voir l'anesthésiste en sortant (un mec), qui me demande pourquoi je veux avorter (gros con) et qui me regarde avec beaucoup de froideur (gros gros con) quand je lui dis que c'est par choix. Hum.
Il y a la semaine légale de réflexion, le rdv est donc pris pour dans 7 jours, je repars avec les médocs à prendre la veille au soir, qui vont tuer l'embryon pour qu'on puisse l'aspirer le lendemain.
Semaine horrible, je pleure tous les jours. Y a tout qui se mélange dans ma tête, je ne veux toujours pas d'enfant. Mais n'empêche que 7 semaines, qui seront donc 8 semaines le jour de l'intervention, on ne parle plus d'un amas de cellules. J'ai une formation de biologiste à la base, je sais très bien à quoi ça ressemble à ce stade. C'est encore tout petit mais y a déjà le cerveau, les nerfs, les mains, les pieds, ça ressemble à un mini-humain, moche certes, mais ce n'est plus un machin informe à 3 feuillets.
Et puis en plus je viens de perdre quelqu'un de ma famille, et je n'arrive pas à faire abstraction de cette espèce de coïncidence, un qui s'en va, un qui arrive. Et puis bon, je rappelle que je suis dans le pic d'hormones, hein, le truc qui fait ressentir en même temps tout et son contraire. Super cocktail.
Au bout de 3 jours, je craque, on tombe d'accord avec mon mari sur le fait de le garder, tant pis. On fera avec.
Le reste de ma grossesse sera quand même très pénible psychologiquement et physiquement, même si je n'ai jamais regretté cette décision (je ne me suis plus jamais sentie aussi mal que pendant la semaine de réflexion). Je ressens effectivement cet être dans mon ventre comme un intrus, je le déteste, je lui trouve des noms composés comme Ivor-Vincent-Gérard, vous voyez le genre, je fais peur à tout le monde avec ça, mon mari compris. Je découvre le forum maman-blues et je le fréquente assidûment pendant les 7 mois qu'il me reste à être enceinte. Je change de gynéco 2 fois (la première, celle que j'avais vu au planning familial et qui avait été nickel tant qu'il s'agissait de programmer une IVG m'a presque reproché d'avoir changé d'avis, elle allait dans la culpabilisation à fond à chaque visite pour bien me montrer que j'allais être une mauvaise mère et que j'aurais mieux fait d'avorter, chaque fois que je sortais de chez elle j'avais des envies de suicide ; la 2e était une pure pétasse), de médecin aussi bien sûr.
Bref, vers 6-7 mois de grossesse, je finis par accepter la situation, je découvre en même temps l'éducation non violente qui me passionne, et malgré toutes mes craintes, après l'accouchement tout se déroule bien. Avec des hauts et des bas, bien entendu, comme pour à peu près tous les parents, mais disons que vu que je m'attendais au pire, je n'ai eu que des bonnes surprises.
Aujourd'hui Fiston a 4 ans et demi passés. Alors que dans les premiers mois de ma grossesse je me disais que je le mettrais à la crèche dès que je pourrais, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça ^^, on fait l'instruction en famille, on est hyper heureux qu'il soit là et j'adore notre vie actuelle.
Pour autant, je n'ai pas rejoint le clan de ceux qui pensent qu'il faut absolument faire des enfants pour être heureux, qu'il manque forcément qq chose quand on n'en a pas. Si je revenais 5 ans en arrière et qu'on me proposait d'avoir à nouveau Fiston, je signerais sans hésiter. Si par contre on me disait que ça serait un autre enfant, je dirais niet, pas intéressée, et si j'étais enceinte seulement de 2 ou 3 semaines, je passerais sans doute par l'IVG.
Bref, tout ça pour dire que :
- l'avortement en France au XXIe siècle, c'est vraiment pas gagné parfois. Je suis pas mal tombée des nues avec mon médecin, j'avoue.
- à l'inverse, y en a qui sont tout aussi culpabilisant(e)s quand on décide finalement de ne pas avorter, cf gynéco n°1. De toute façon quoi qu'on fasse, on fera mal, en gros.
- En règle générale, quand on est enceinte, tout le monde se croit permis de donner son avis sur notre utérus, notre corps et notre vie future.
- un enfant peut ne pas être désiré et même haï dans les semaines qui suivent sa conception, et pour autant les choses peuvent s'arranger ensuite.
- la fréquentation du forum maman-blues m'a montré moult fois qu'à l'inverse, une grossesse désirée pouvait quand même tourner à la cata, quand bien même la femme aurait déjà eu d'autres enfants avant sans jamais rencontrer de problème. J'en ai même vu qui avaient recours à l'IVG après des FIV.
- la grossesse n'est pas une maladie, oui, mais quand on ne veut vraiment pas d'enfant et qu'on se retrouve enceinte, eh bien on peut avoir l'impression effectivement d'avoir chopé un parasite qui nous pompe nos réserves sans nous demander notre avis. Et donc même si je comprends bien que pour les mecs la situation peut être hyper frustrante ou triste, du moment que la nana ne supporte pas d'être enceinte, c'est à elle de décider et à personne d'autre.
Bon, et sinon, perso, je suis très mal à l'aise quand je vois certaines personnes nier totalement toutes sensations ou conscience à un foetus de 2, 3 mois ou plus. Nier toute interaction entre un foetus et sa mère. J'y vois autant de déni que chez ceux qui nient qu'un animal puisse souffrir. J'hallucine un peu quand des gens qui ne mangent pas de moules par éthique traitent un foetus de 3 mois qui possède déjà tous les organes de l'être humain "d'amas de cellules".
Le foetus, comme l'animal, n'a pas la parole, il n'a pas la possibilité de se défendre. Bien sûr, l'énorme différence entre le foetus et l'animal, c'est que le premier grandit dans le corps d'un autre être. Je suis résolument pour le droit à l'avortement, mais ça ne justifie pas pour autant de balayer les droits du foetus d'un revers de main ou de nier ce qu'il est, ce qu'il peut déjà ressentir.
S'il n'y avait pas ce problème du corps de la femme, si les bébés étaient fabriqués
in vitro ou si on était ovipares et non vivipares, je serais complètement opposée au fait de tuer un foetus de 3 mois, au même titre que je suis contre le fait de tuer un poussin ou n'importe quel être vivant sensible et/ou conscient.
En tout cas je comprends bien pourquoi certaines personnes, quand on leur dit qu'on est végé, nous demande si on est anti-avortement. Y a une certaine logique là-dedans, quand même.
Et les pays où on peut avorter jusqu'à 6 mois de grossesse, j'avoue que ça me