Fushichô":im89slk9 a dit:
Mais je repense aux printemps arabes, où c'était partie "juste" d'un jeune qui s'était immolé. C'était pas le premier, mais ça a mis le feu aux poudres. Pareil en Grèce. Pourquoi ces "simples" événements relativement insignifiants, car des immolations et des jeunes tués par des policiers ils y en a eu d'autres avant eux, ont mis le feu aux poudres ? Je suis pas sûr qu'il y ait vraiment une explication bien rationnelle.
Mais je fais partie des gens que ça énerve un tel emballement, alors que tout le reste de l'année, c'est l'apathie complète sur des sujets tout aussi graves.
Pareil.
L'explication est assez simple. Ce qui fait bouger les gens, toujours, sur n'importe quel sujet, même sur les campagnes militantes, c'est l'émotionnel. (Enfin on peut aussi être motivé rationnellement, mais l'immense majorité de ce qui motive les gens vient de l'émotionnel.)
Là, pour l'émotionnel, il y a tout :
- Des célébrités qui ont bercé l'enfance de pas mal de gens
- un drame qui a été décrit en détails, filmé, avec tout un tas de témoins pour bien visualiser la scène
- des psychopathes dangereux, privés d'émotion, sans remords (ce qui est ce qui caractérise les psychopathes... Ok, ils ont subi un lavage de cerveau pour en faire des psychopathes, mais bref, ça ne change rien au problème... C'est le même principe que pour fabriquer les enfants soldats.), qui ont tué en regardant leurs victimes dans les yeux (S'il s'était agi d'un attentat à la bombe faisant autant de morts, l'effet aurait été beaucoup moins fort.)
- quelque chose qui se passe là, près de chez nous, en France, dans la capitale
- des dessinateurs comiques "inoffensifs" (quelqu'un qui a un accès aux médias n'est pas inoffensif, il peut faire énormément de mal s'il n'y prend pas garde... mais symboliquement, la plume contre l'épée, c'est beau...), auxquels tous les dessinateurs et comiques du monde entier peuvent s'identifier (et qui peuvent donc réagir en dessinant)
- la valeur de la "liberté d'expression menacée" (qui n'est absolument pas menacée, au passage... Les gouvernements du monde entier ont condamné le drame. Aucune pression structurelle, institutionnelle n'existe contre les propos islamophobes... Et comme prévu, les tueurs ont été tués deux jours après le drame. Il y avait encore des naïfs pour croire qu'ils allaient être attrapés vivants, alors que personne n'en avait envie... Une censure réelle, ça vient des pouvoirs politiques et des pouvoirs financiers, de la structure sociale, ça ne vient pas d'un groupuscule extérieur qui est immédiatement éliminé par l'état...)
- Et puis un effet boule de neige de communion où tout le monde témoigne de sa tristesse, ce qui amplifie la tristesse de autres, qui témoignent aussi leur tristesse, etc.
- Même chose avec l'effet boule de neige pour "la peur"
Bref, pour mettre le feu aux poudre, sur n'importe quel sujet, il faut utiliser l'émotion. Et l'émotion se manifeste bien plus facilement quand on peut décrire précisément une scénario précis, détaillé, avec un nombre réduit de victimes sur lesquelles on peut mettre un nom. (C'est queque chose de très connu en sociologie.)
Et en pensant aux végés, féministes, antiracistes et militant.e.s de tout poil qui se font constamment traiter d'hypersensibles, à qui on demande de se taire parce que "c'est pas si grave", "t'es obsédé.e" (par des milliers ou milliards de victimes qui pourraient être évitées)... et en pensant aux risques réels (la haine qui va se vider sur les musulmans, le FN qui risque de passer dans deux ans...), oui, moi aussi, ça me saoule.