Pensez-vous que cet établissement mette suffisamment l’accent sur la sensibilisation du public aux dangers qui planent sur les forets tropicales ?
Oui, car le langage culpabilisateur et l’écologie culpabilisatrice ou moralisatrice, j’en ai vraiment marre, en plus ça ne marche pas. Au début j’utilisais le langage de la civilisation. C’est-à-dire, « ne détruisez pas ces forêts, ça ne nous appartient pas, c’est à nos descendants, c’est faire preuve de civilisation que de la conserver ». Tout le monde s’en fout. Je pense qu’ils ont compris, mais ils n’en tirent aucune conséquence. Ce n’est pas le vrai rôle de la serre amazonienne, elle est là pour nous montrer sa faune et sa flore. Mettre devant les yeux des gens des scènes de ravages n’est pas une bonne méthode. Du reste, le public est parfaitement au courant des dangers de la déforestation. Je le vois quand je fais des conférences, tout le monde est au courant, ça passe à la télévision, ça paraît dans les journaux… Là où l’on manque d’information, c’est sur la forêt elle-même. On ne nous a jamais dit ce qu’il y avait là-dedans. On a tendance à nous faire peur, à nous dire que c’est l’enfer vert, que c’est plein de sales bêtes. Sensibiliser par le désastre, n’a jamais arrêté le désastre, il est préférable de sensibiliser par le beau pour ouvrir les consciences sur ce qu’il y a à protéger.
Je n’aime pas qu’on nous rende coupable, de choses pour lesquelles nous ne sommes pas responsables. C’est l’exemple-type du film Home, de Yann Arthus-Bertrand, qui fait un tri de ce qu’il y a de plus triste dans la réalité. Ça me dégoûte, ça démotive, comment peut-on espérer que les comportements vont s’améliorer avec des images comme ça ? À l’inverse, Nicolas Hulot ne montre que ce qui est beau, ce n’est pas correct non plus. Ce n’est pas la réalité justement. Pour Il était une forêt, on a voulu changer complètement de langage. Nous avions besoin d’un chantier forestier avec un sol nu, comme une sorte de niveau zéro, mais on n’insiste pas sur la désolation, vous ne voyez pas d’abattage et vous ne savez pas ce qui s’est passé. Vous ne voyez pas de déforestation, vous êtes invité dans la forêt, à voir comme c’est beau.